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Moyen Orient et Monde - Éclairage

Jusqu’où mènera la course à l’horreur au Pakistan ?

Le carnage de Peshawar prouve, entre autres, une évidence : pour les islamistes pakistanais, les Proche et Moyen-Orient n'ont pas le monopole de la barbarie.

Zohra Bensemra/ Reuters

Même dans un pays habitué, en admettant que ce soit possible, aux attentats perpétrés sur son sol, le carnage qui a eu lieu hier à Peshawar a de quoi choquer. Car quand le terrorisme ne s'attaque plus seulement aux militaires, aux civils, aux membres d'une minorité en particulier, d'une nationalité en particulier, ou enfin aux journalistes, mais qu'il vise expressément des enfants, il n'y a plus aucun mot pour le qualifier. Surtout quand cela intervient au lendemain de la prise d'otages à Sidney, et après plusieurs atrocités dont la plupart sont ouvertement revendiquées par des groupes employant la rhétorique de l'islamisme jihadiste. C'est un peu comme si, entraînés dans une course accélérée à l'horreur, les terroristes des quatre coins de la planète se disputaient semaine après semaine le titre désignant l'acte le plus monstrueux de l'année. À ce niveau-là, dire que l'attentat d'hier, ayant provoqué la mort de 141 personnes dont 132 enfants, a mis la (sinistre) barre très haut relève de l'euphémisme.

 

(Lire aussi : Le carnage le plus sanglant de l'histoire du Pakistan : 141 morts, dont 132 enfants)


Deuxième pays le plus peuplé du monde musulman, avec plus de 182 millions d'habitants, le Pakistan a longtemps entretenu des liens de complicité avec certaines branches des talibans, non seulement pour avoir une certaine marge de contrôle sur ces derniers, mais aussi pour mettre des bâtons dans les roues de son rival afghan. Cela dit, et malgré les très nombreuses madrassas et les partis politiques islamistes qui composent l'échiquier politique, malgré la propagation et le succès des doctrines rigoristes, véritable mélange entre l'influence du wahhabisme et de l'école de Déoband, malgré le fait que même le Premier ministre, Nawaz Sharif, soit issu de la Pakistan Muslim League, un parti pour le moins conservateur sur le plan religieux, les talibans sont très mal perçus par la majorité de la population. Et ce tragique événement ne devrait que renforcer la méfiance de l'immense majorité des Pakistanais envers un mouvement qui recrute essentiellement parmi la minorité pachtoune.


À vrai dire, l'assaut mené contre l'école à Peshawar semble devoir être analysé à partir de trois éléments. Un : en tenant compte de l'évolution des relations entre la triade État/armée/talibans. Deux : en rappelant les dissensions au sein du Tehrik e-Taliban (TTP), le groupe qui a revendiqué le carnage. Trois : en replaçant ces événements dans le contexte mondial de la montée en puissance de l'État islamique et du déclin relatif d'el-Qaëda.

 

(Lire aussi : « Il y a un tas d'enfants cachés sous les bancs, allez les tuer »)

 

Relation armée/État/talibans
Après la victoire de son parti en mai 2013, Nawaz Sharif, qui redevient Premier ministre à l'occasion, entame des négociations avec les talibans pakistanais. Parce que, selon lui, la paix est une urgence économique et parce qu'il ne peut se permettre, pour des raisons électorales, de confronter directement l'organisation. Mais négocier avec les talibans implique de prendre un risque considérable sur les plans sécuritaire et surtout idéologique, puisque ces derniers sont partisans de l'application totale et littérale de la charia. Mais les négociations espérées par M. Sharif ne vont pas aboutir, au grand bonheur de l'armée et des États-Unis, qui y étaient dès le départ fortement opposés. La véritable rupture entre les talibans et le gouvernement pakistanais intervient en juin 2014 lorsque Islamabad décide, « enfin », diront les Américains, de mener une offensive contre les talibans dans la région du Nord-Waziristan. Une opération dont la réussite semble toutefois passer par une complète coordination avec l'Afghanistan. Ainsi, il n'est pas anodin de noter que l'attentat d'hier a distinctement visé une école où certains hauts gradés de l'armée avaient placé leurs enfants. Comme si, au-delà de l'État, le Tehrik e-Taliban avait surtout voulu envoyer un message clair à son plus féroce ennemi : l'armée, soutenue par les Américains.

 

Les dissensions au sein du Tehrik e-Taliban (TTP)
L'appellation TTP ne suffit que partiellement à décrire la réalité du positionnement de ce groupe. En effet, certaines de ses branches ont entretenu des liens très étroits avec Islamabad alors que d'autres, au contraire, n'ont pas hésité à mettre en avant leur allégeance à el-Qaëda. En novembre 2013, le chef des talibans pakistanais du TTP, Hakimullah Mehsud, est tué par un drone américain. Commence alors à apparaître de nombreuses dissensions dans le mouvement terroriste. Le nouveau chef, le mollah Fazlullah, ne fait pas l'unanimité, et il est plus que probable que le groupe qui ait commis cette agression ait fait sécession avec l'organisation mère. Car commettre un tel acte signifie clairement le rejet total de toute forme de négociations.

 

Contexte de l'islamisme jihadiste mondialisé
Que les plus sceptiques se rassurent, le fait que la tuerie de Peshawar intervient seulement quelques semaines après la diffusion des atrocités commises par l'État islamique ne relève clairement pas du hasard. Certains membres du TTP se sont ouvertement prononcés en faveur d'une allégeance à l'EI alors que d'autres ont défendu les liens historiques qu'entretient le mouvement avec el-Qaëda. Ainsi, ce nouveau carnage offre à ce groupe terroriste une publicité mondiale inespérée. Il rappelle au monde entier que le Proche et le Moyen-Orient ne possèdent pas le monopole de l'horreur et de la terreur et que sur le marché de l'islamisme jihadiste, el-Qaëda n'est pas encore mort, du moins pas encore dans cette partie de l'Asie.
Cruelle et dévastatrice, cette compétition qui oblige les mouvements terroristes à se démarquer, et qui redessinent les frontières de l'islamisme politique, est on ne peut plus réelle. Au plus grand désespoir, malheureusement, de leurs victimes et de leurs proches.

 

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Même dans un pays habitué, en admettant que ce soit possible, aux attentats perpétrés sur son sol, le carnage qui a eu lieu hier à Peshawar a de quoi choquer. Car quand le terrorisme ne s'attaque plus seulement aux militaires, aux civils, aux membres d'une minorité en particulier, d'une nationalité en particulier, ou enfin aux journalistes, mais qu'il vise expressément des enfants, il n'y...

commentaires (6)

JUSQU'À CE QU'UN DES TROIS... OU DES QUATRE... REMPORTE LE "PRIX NOBEL DE LA TERREUR" ! DONT D'AUTRES TERRORISTES... AVANT EUX... EN ONT ÉTÉ "HONORÉS" !!! USELESS TO NOMINATE... BIEN CONNUS...

LA LIBRE EXPRESSION

17 h 37, le 17 décembre 2014

Tous les commentaires

Commentaires (6)

  • JUSQU'À CE QU'UN DES TROIS... OU DES QUATRE... REMPORTE LE "PRIX NOBEL DE LA TERREUR" ! DONT D'AUTRES TERRORISTES... AVANT EUX... EN ONT ÉTÉ "HONORÉS" !!! USELESS TO NOMINATE... BIEN CONNUS...

    LA LIBRE EXPRESSION

    17 h 37, le 17 décembre 2014

  • Je vais vous répondre jusqu'où mènera la course à l'horreur au Pakistan ! vous êtes prêt à l'entendre ? jusqu'au jour où le hezb résistant sera sorti du Pakistan , parce qu'il y a encore des délurés qui croient qu'il attire les salafowahabites comme des aimants , partout dans le monde ...... où il ne se trouve même pas !!! les pov' crédules de croyants salafowahabites et leurs suiveurs !!!

    FRIK-A-FRAK

    15 h 15, le 17 décembre 2014

  • Veuillez nous excuser pour ces fautes. Elles ont été corrigées. Cordialement, L'Orient-Le Jour

    L'Orient-Le Jour

    09 h 39, le 17 décembre 2014

  • LES BRUTES SONT PASSÉES ! QUELLE DÉCADENCE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    06 h 17, le 17 décembre 2014

  • 1 - PREMIER PARAGRAPHE, LIGNE 11 LE "DE" À BIFFER. 2 - PARAGRAPHE QUATRE, LIGNE 13, IL FAUT CORRIGER LE MOT "WAZIRISTAN". 3 - PARAGRAPHE CINQ, LIGNE 2 DOIT ÊTRE "SES" AU LIEU DE CES. MERCI.

    LA LIBRE EXPRESSION

    06 h 15, le 17 décembre 2014

  • Yalla ! Plus on est fou de Dieu, plus on est barbare ! Le message de ces monstres des Talibans pakistanais semble être le suivant : Nos "frères" de Daech pensent qu'ils sont plus fous de Dieu que nous ? Nous allons leur montrer, ainsi qu'au monde, qu'il n'en est rien. Et les voilà plus fous de Dieu et plus barbares, massacrant 132 enfants + 9 adultes.

    Halim Abou Chacra

    05 h 29, le 17 décembre 2014

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