L'image de la délégation des Kataëb, emmenée par son chef, l'ancien président de la République, Amine Gemayel, parcourant des villages druzes et chrétiens de Marjeyoun et de Hasbaya jusqu'au village chiite de Khiam se veut le reflet d'un « pacte national en marche ». C'est l'expression de l'ancien ministre Salim Sayegh, présent à la tournée « historique et d'envergure nationale » du président Gemayel au Liban-Sud, dont la dernière visite remonte à l'époque de son mandat présidentiel, en 1983.
« Cette région du Liban est un microcosme du modèle libanais. L'accueil que le président Gemayel a reçu de la part de toutes les communautés de la région nous a permis de ressentir l'engouement populaire spontané, né surtout d'une soif pour une nouvelle confirmation du pacte national libanais », déclare l'ancien ministre Salim Sayegh, en réponse aux questions de L'Orient-Le Jour sur la portée de la visite du président Gemayel. Cette consolidation du pacte national devra se traduire par une affirmation claire et unanime que « la discorde ne passera pas par là ». Cette déclaration qui se trouve au cœur de la visite doit renvoyer en même temps « un message vers l'extérieur sur l'inutilité de parier sur la peur des communautés ». Il s'agirait également d'un « message adressé aux chrétiens du Sud ». Ce message est double, comme devait le souligner le président Gemayel lors de sa visite : l'accent est mis à la fois sur la nécessité de s'unir face aux menaces jihadistes, mais aussi sur l'urgence de résoudre le problème persistant des chrétiens libanais du Sud contraints au déplacement en territoire israélien, où ils demeurent depuis plusieurs décennies.
Ce volet du discours politique du président Gemayel est mis en relief par Salim Sayegh, qui insiste sur « la cohérence de nos positions ». D'une manière générale, le chef des Kataëb aura reproduit toute la teneur des positions du 14 Mars, aussi bien à Khiam, où le ministre Ali Hassan Khalil l'a accueilli à son domicile, en présence des députés Ali Fayad et Kassem Hachem, qu'à Jdeidet Marjeyoun, où il a inauguré une nouvelle permanence des Kataëb en présence du ministre Khalil et du député Fayad, ou encore à Bayada où il s'est entretenu avec un comité élargi de cheikhs druzes, en présence du représentant du ministre de la Santé Waël Bou Faour.
Le Hezbollah et « le pari manqué »...
À Jdeidet Marjeyoun précisément, le président Gemayel a salué « le Sud en tant que peuple, territoire et institutions, l'armée en tant que symbole de la légitimité et du sacrifice pour le Sud et pour tout le Liban, la résistance des gens du Sud contre tous les occupants à travers l'histoire, jusqu'à la résistance contre l'occupation israélienne qui a permis de rendre le territoire à l'État ». Le chef des Kataëb a également salué la Finul et les Sudistes contraints à l'exil. Il a également loué « tous les leaders du Sud, ses ministres, ses députés et son élite, en particulier l'ami de toujours, le président Nabih Berry ». Nuançant ensuite son discours, il est revenu sur l'idée de l'intégration du Hezbollah dans le giron de l'État. « Depuis la victoire de la résistance en mai 2000, nous avons parié sur le retour du Liban-Sud vers l'État libanais et l'intégration du Hezbollah au projet de l'État. Mais ce pari reste un pari manqué, l'État demeurant un maillon faible, à défaut d'un pouvoir de décision homogène », a-t-il déclaré, revenant sur les divergences liées au dossier des militaires otages. Ce dossier trahirait selon lui « les divergences sur la manière de lutter contre le danger terroriste takfiriste qui se répand ».
« Tous des résistants »
S'attardant sur « la responsabilité de l'État dans cette lutte, mais aussi de tout citoyen, sous la supervision de l'État », il a en même temps exprimé son entière confiance dans l'armée, « entièrement capable d'accomplir cette mission ».
Évoquant ensuite la résistance en tant que dynamique cyclique dans l'histoire, le président Gemayel a déclaré que « les résistances ayant réussi sont celles qui ont respecté les frontières de leur pays et intégré le projet d'édification de l'État ». « Nous sommes un peuple de résistants », a-t-il poursuivi. « Nous avons tous mené une résistance à une période ou l'autre contre un certain ennemi et pour un certain Liban. Mais nous avons tous résisté en dehors de l'État, et notre résistance est restée sectaire. Si elle était capable de libérer notre territoire, elle demeurait incapable de construire l'État », a-t-il précisé, avant d'achever cette idée sur une phrase qui pourrait se prêter à plusieurs interprétations : « La présence des Kataëb au Sud est la preuve de la présence du Sud dans le giron de l'État. »
La présidentielle, pourquoi pas ?
Pour Salim Sayegh, les positions des Kataëb, « indissociables de celles du 14 Mars politique, ont été transmises solennellement » lors de la tournée du Sud. Au-delà des « bonnes intentions », c'est une « confiance qu'il nous faut construire, mais à travers une action politique forte et concrète ». La visite du président Gemayel incarnerait donc cette action, « qui lui a en tout cas requis une grande audace », souligne l'ancien ministre. « Cette action politique forte a été reçue, en contrepartie, par une action forte et audacieuse des chiites représentant le 8 Mars malgré le clivage politique », ajoute Salim Sayegh, relevant la récurrence du mot « courage » dans les discours des différentes parties samedi. Il ne faudrait donc pas minimiser la symbolique de cette visite, porteuse « d'une volonté réelle de dialoguer et d'écouter la différence ».
Pourtant, cette tournée a été interprétée par certains observateurs proches du 8 Mars comme une manœuvre par laquelle le chef des Kataëb outrepasse ses alliés du 14 Mars sur le dossier de la présidentielle. Les milieux du parti chrétien, dans la suite du discours du président Gemayel, ont veillé officiellement à ôter à sa visite toute dimension électorale. « La présidentielle n'a pas été mentionnée lors des échanges avec les différentes autorités du Sud », assure Salim Sayegh. Ceci n'a pas empêché le président Gemayel d'y exprimer clairement son opinion dans son discours de Marjeyoun. « Nous ne voulons pas de candidat consensuel, autour duquel le consensus obtenu disparaît aussitôt après son élection. Nous voulons un candidat consensuel qui suit la politique de consensus jusqu'à la fin de son mandat. Nous ne voulons pas de candidat capable de réunir seulement les députés, mais aussi le peuple dans son ensemble. Le consensus n'est pas circonstanciel, il est une méthode nationale de gouvernance », a souligné le président Gemayel.
Ce message aurait trouvé des échos positifs, parvenus au parti sous forme de « murmures », comme le décrit Salim Sayegh. « La visite aurait stimulé un appui favorable et enthousiaste des habitants du Sud », souligne-t-il. Il fait écho à la description faite sur la candidature du chef des Kataëb, qui serait forte de l'absence de veto chez le 8 Mars.
Message direct au 14 Mars
L'ancien ministre revient sur ce point pour s'adresser directement au chef des Forces libanaises. « Samir Geagea n'avait-il pas lui-même déclaré sa disposition de se retirer de la course présidentielle en faveur d'Amine Gemayel si ce dernier parvenait à recueillir la majorité parlementaire ? Le 14 Mars ne serait-il pas satisfait si un président consensuel émanait de ses rangs, à l'instar du Premier ministre Tammam Salam, qui gouverne aujourd'hui le pays sur un mode approuvé par tous ? Le 14 Mars ne serait-il pas content de voir accéder à la présidence une personnalité modérée, capable de raviver tous les principes fondateurs de l'État libanais, souverain, indépendant et démocratique ? » s'interroge Salim Sayegh.
Même si l'objectif principal de la visite du Sud n'est pas la présidentielle, les effets qu'elle aura produits sur ce dossier ne sauraient être occultés, affirme-t-il en substance.
Si la tournée n'a pas inclus des villages sunnites du Sud, c'est pour des raisons de temps, assure-t-il. « D'ailleurs, le président Gemayel a promis de s'y rendre bientôt », conclut-il, valorisant les relations qui « demeurent aussi étroites » entre les Kataëb et le courant du Futur.
commentaires (7)
UN ACTE AUDACIEUX ? UN TRAVAIL D'HERCULE ? IL FAUT DES "SMALLAH" HERCULÉENNES... ESPÉRONS QU'IL EN AURA... CAR POUR METTRE DE CÔTÉ TOUS LES PROBLÈMES ET APPRÉHENSIONS EXISTANTES.... ET FAIRE L'APPROCHE POUR UN VRAI DIALOGUE ET UNE VRAIE ENTENTE... DONT LE PAYS EN A BIGREMENT BESOIN... IL FAUT AVOIR UNE "VOLONTÉ" INCASSABLE... HERCULÉENNE ! ALLEZ DE L'AVANT ET SANS FAIBLIR ! DISTANCEZ-VOUS DES AUTRES ABRUTIS !
LA LIBRE EXPRESSION
10 h 27, le 17 décembre 2014