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Liban - Vient de paraître

Raymonde Abou, le Collège Louise Wegmann et la mémoire radieuse

En 2001, à la question de savoir si elle allait remettre à son successeur la clé en or du collège que lui a léguée Louise Wegmann, l'incontournable figure tutélaire du CLW répond : « Il faudra auparavant qu'il l'ait méritée ! » La clé est toujours dans son sac...

L’école de Bchémoun a été construite en 1971 sur un terrain de 20 000 m2.

Pour «honorer une promesse» faite à Nabila Drooby, une des fondatrices du Collège Louise Wegmann décédée il y a un an, et afin de «garder intacte» la mémoire de l'histoire du collège, Raymonde Abou, directrice de l'établissement de 1969 à 2001, a décidé de raconter la saga du CLW qui fêtera son demi-siècle en 2015. La Petite histoire d'un grand collège, édité aux Presses de l'Université Saint-Joseph, est le parcours d'une petite école devenue sous sa houlette une véritable institution.

 

L'alunissage d'Apollo
C'est donc «sa part» du collège que raconte Raymonde Abou. Les souvenirs de 32 années : une tranche de vie, deux générations, parents puis enfants, mais aussi le bilan d'une mission pédagogique menée de main de maître. Et de ces décennies riches en expériences, en émotions, en (ré)inventions et en péripéties, elle tire un bel ouvrage. Qui se lit comme un roman.
C'est autour d'une table, dans l'appartement de Nabila Drooby, que les anciennes du Collège protestant français, Leila Khalaf, Nadia Khlat, Nada Oueini, Aline Parséghian, Hélène Badaro et Séta Séférian, ont décidé de fonder une école en hommage à leur ancienne directrice, Louise Wegmann. Le CLW voit le jour en 1965 dans une villa en location à Hazmieh. Il est dirigé par Mme Cattoni et comptait alors 205 élèves répartis entre la petite section maternelle et la classe de 8e. Raymonde Abou prend la relève en 1969. C'est alors le début d'une aventure passionnée. D'une mission, celle de «gérer un collège destiné à grandir et à se développer». Devoir accompli. En se retirant en 2001, l'établissement jouit d'une grande réputation et compte plus d'un millier d'élèves.
À quoi doit-elle ce succès? Comment relève-t-elle les défis et fait-elle face aux déboires et aux drames indissociables de quinze années de guerre? Évidemment, il y a l'implication du corps professoral et du personnel administratif. Il y a le talent toujours renouvelé des élèves, promo après promo, toutes zones géographiques confondues. Mais il y a aussi et surtout la ténacité et la détermination de cette grande éducatrice, son professionnalisme et son éthique. Sa foi.
Ainsi, elle refusera un contrat stipulant que la directrice devait assurer une présence de 24 heures hebdomadaire au collège! Pour elle, l'école est un sacerdoce au quotidien et «une directrice se doit d'être présente tant qu'il y a un seul élève ou personnel dans l'établissement». Le soir, elle emporte chez elle les fiches des enfants, « pour mettre un nom sur chaque visage ». Et afin d'être en contact permanent avec eux, elle assure elle-même les heures d'ateliers éducatifs et consacre deux étés pour suivre une formation à Saint-Florent, en Corse.
Les petites anecdotes se dégustent comme des petits pains au chocolat sortant du four... Parce que les élèves doivent être au courant des gros événements historiques, elle loue en 1969 un poste de télé pour qu'ils puissent suivre en direct l'alunissage d'Apollo. En 1995, pour construire «une meilleure connaissance des autres», elle institue des cours d'histoire des religions à partir de la 4e. Mais « ces cours ont été arrêtés après mon départ malgré l'intérêt que les élèves portaient à cet enseignement », dit-elle.

 

Kidnappée à Mazraa
Cent trente-six pages déroulent en trois parties la genèse du collège, la période de la guerre, le projet éducatif et le témoignage des élèves qui, dès 1971, s'installent dans les nouveaux locaux à Bchémoun. Occupant un terrain de 20 000 mètres carrés offert par Michel Doumit, l'école construite par l'architecte Farid Andraos et l'ingénieur Élie Sehnaoui sera plantée au milieu d'une forêt de pins. La fameuse forêt de Bchémoun... Puis c'est la guerre, la fausse alerte à la bombe au CLW, les routes coupées, les bombardements et « de plus en plus de parents demandaient des attestations pour envoyer leurs enfants à l'étranger ». La directrice du CLW riposte en assurant « envers et contre tout », et contre tous, les cours pour ceux qui n'ont pas quitté le pays. Elle regroupe «les enfants et les professeurs chacun dans son quartier, pour éviter les déplacements ». Son appartement à Sioufi accueille ainsi les aînés. Le Mouvement de la jeunesse orthodoxe offre ses locaux à Achrafieh. Dr Chaïa, les siens à Hazmieh. À Beyrouth-Ouest, la Berkley School et une ancienne maison appartenant à Amine Daouk sont mises à la disposition de Mlle Abou. L'école de Bchémoun reste accessible aux élèves qui habitent Aley, Choueifat et les environs. «Les professeurs étaient fidèles au rendez-vous et n'hésitaient pas à prendre en charge des classes de différents cycles... » écrit la très pugnace directrice qui, un jour, lors de ses allers-retours entre les deux régions, est kidnappée à Mazraa.
Elle est emmenée dans sa voiture par des miliciens dans un terrain vague où on la somme de descendre. « Dès que j'ai mis pied à terre, ils sont partis ! C'était pour voler la voiture!» En 1977, alors que la majorité des chrétiens se réfugient à l'est de la capitale, elle fait le chemin inverse et loue un appartement rue Makdessi. «Je passais donc une nuit dans l'appartement de l'Ouest et une autre dans celui de l'Est», raconte Mlle Abou, se souvenant d'un bon matin où elle trouve sur le pare-brise de sa voiture un papier écrit en arabe : « Vous êtes indésirable dans la région ! » Mais rien ne l'effrayait. Sa persévérance était sa force.

 

Source de courage
La première promotion du CLW voit le jour en pleine guerre en 1978. Entre 1978 et 1982, entre insécurité et accalmie, Bchémoun rouvre ses portes à tous les élèves. Suite à l'invasion israélienne, c'est le repli vers Beyrouth et, à nouveau, les errances: le Collège Manoukian, l'American Community School, Sin el-Fil, Broumana High School, etc., jusqu'à la fin de la guerre en 1990 et la création du site de Badaro qui réunira les élèves de la 4e à la terminale des deux sections de Bchémoun et de Joura.
Raymonde Abou consacre plusieurs pages à son approche éducative. «Organisation, réflexion autonome et esprit critique sont les bases de la formation qui prévalait au collège.» Elle met l'accent sur «une équipe éducative soudée», sur la création d'un fonds de bourse par les comités des parents. Elle relate les circonstances de l'élargissement du conseil d'administration du collège, avant d'aborder dans un chapitre, «Les adieux», les discours, les mails, les témoignages reçus des anciens élèves, comme celui d'Aimée Karam qui écrit : «Pour moi, vous serez toujours cette femme incroyable, repère de détermination, gardienne de la vérité et source de courage.»
Des parcours comme celui de Raymonde Abou, on en trouve malheureusement de moins en moins.

 

Ce soir à 18h30

Petite histoire d'un grand collège sera présenté par le professeur Mounir Chamoun, ce soir, mardi 16 décembre 2014, à 18h30h, à l'auditorium François S. Bassil, campus de l'innovation et du sport de l'Université Saint-Joseph, rue de Damas. La présentation sera suivie d'un vin d'honneur et de la signature de l'ouvrage par l'auteure.

 

 

Pour «honorer une promesse» faite à Nabila Drooby, une des fondatrices du Collège Louise Wegmann décédée il y a un an, et afin de «garder intacte» la mémoire de l'histoire du collège, Raymonde Abou, directrice de l'établissement de 1969 à 2001, a décidé de raconter la saga du CLW qui fêtera son demi-siècle en 2015. La Petite histoire d'un grand collège, édité aux Presses de...

commentaires (2)

Des années inoubliables, en fait, les meilleurs années de ma vie :) Raymonde Abou m'avait redonné le goût d'aimer à nouveau l'école! Grâce à elle aussi je n'ai rater aucune année de cours... Merci Raymonde, une personne louable, courageuse et surtout déterminée :) BRAVO !

T Myriam

18 h 02, le 16 décembre 2014

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Commentaires (2)

  • Des années inoubliables, en fait, les meilleurs années de ma vie :) Raymonde Abou m'avait redonné le goût d'aimer à nouveau l'école! Grâce à elle aussi je n'ai rater aucune année de cours... Merci Raymonde, une personne louable, courageuse et surtout déterminée :) BRAVO !

    T Myriam

    18 h 02, le 16 décembre 2014

  • Merci Raymonde.............. Merci May Makarem.

    michele bibi

    05 h 37, le 16 décembre 2014

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