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Liban

Droits de l’homme au Liban : un sinistre bilan

Le juge Mounir Sleiman, honoré par la Fondation des droits de l’homme et du droit humanitaire.

Le rendez-vous annuel de la Fondation des droits de l'homme et du droit humanitaire (FDHDH), qui coïncide avec la Journée internationale des droits de l'homme, est un concentré vivant, réaliste et émouvant de tout ce qui compose la lutte pour la dignité de l'être.
Dans ce combat pour universaliser la liberté, il y a d'abord les bilans sinistres, mais incontournables, des violations périodiques des droits de l'homme.


Le rapport de la FDHDH pour 2014 démontre l'élargissement des atteintes à ces droits au Liban. S'exprimant à la tribune du théâtre de La Sagesse à Achrafieh, après le mot de bienvenue de Lina Osseiran Beydoun, le membre de la Fondation, Peter Hanna, résume les conclusions du rapport.
« La liberté de la presse fait l'objet de violations croissantes ; la discrimination contre la femme continue de vicier bon nombre de lois civiles et pénales ; les employées de maison sont piégées dans des situations tragiques, qui se terminent souvent par des suicides, en l'absence d'une loi sur leur statut, censée délimiter leurs heures de travail, interdire les restrictions imposées à leur déplacement, ou encore consacrer leur droit au rassemblement ; le nombre de détenus qui attendent toujours leur procès dans les prisons et ceux qui bénéficient de privilèges ; le maintien de juridictions d'exception, en l'occurrence la Cour de justice et le tribunal militaire, qui dérogent aux principes de procédure civile, voire à l'esprit de l'organisation des juridictions ; l'augmentation des peines de mort en 2014... »

 

Des médias qui bafouent leur liberté
Dans ce bilan, la FDHDH mentionne aussi les cas de libertés bafouées par ceux-là mêmes auxquelles ces libertés sont censées appartenir. Il en va ainsi des médias. Le rapport revient ainsi sur les informations ayant filtré à travers certains organes de presse sur la liste des témoins attendus devant le Tribunal spécial pour le Liban. Il évoque ensuite les informations divulguées récemment sur l'arrestation des épouses de terroristes au Liban, « des informations qui ont pu compromettre les vies des militaires otages », dont l'un d'entre eux a été exécuté.
Le document s'attarde en outre sur l'afflux des réfugiés syriens, ou sur « les manquements de l'État » qui conduisent à de nouvelles violations. « Les autorités libanaises ont négligé la procédure élémentaire de vérification du statut de réfugiés aux frontières, en vue de les accueillir dans des camps », comme l'explique la FDHDH, dénonçant « la vague de racisme actuel ».

 

Briser le tabou des erreurs médicales
La fondation incite à s'attaquer au mutisme sur la violation des droits fondamentaux dans certains domaines.
C'est avec une émotion née de son propre vécu que Mona al-Abed décrit « la violation du droit à la vie au Liban, par certains établissements de soins médicaux ». Elle raconte l'histoire du « capitaine Michel Philippe Akl, mon frère, un homme sportif, interné à un hôpital de Beyrouth pour une opération bénigne... Quelques heures et vous serez rentré chez vous, lui avait dit le médecin, mais il n'est jamais rentré chez lui ». Elle raconte le récit parallèle d'une femme, que l'on devine être Maha Houry, « décédée le jour même dans le même hôpital, dans des conditions similaires. Elle avait subi une opération réussie et attendait d'être raccompagnée à la maison ».
À ces deux récits de décès soudains et louches, s'ajoute un troisième, « le plus poignant », selon Mona al-Abed. C'est l'histoire d'une femme dont « la santé s'est détériorée après avoir subi une liposuccion. Des douleurs inqualifiables l'ont accompagnée jusqu'à son décès, deux jours plus tard.
Son médecin, un Français interdit d'exercer la médecine dans son pays d'origine, avait réussi à intégrer une clinique à Beyrouth... ». Elle constate que « l'impunité abolit les compétences et consacre le règne de l'argent ». Elle rappelle que « la couverture par les assurances des cas d'erreurs médicales en Occident se base sur des rapports médicaux... reconnaître l'erreur, ou la dénoncer, va de soi puisque l'erreur est humaine ».

 

Le combat-modèle du peuple arménien
Le combat pour les droits de l'homme est celui d'une persévérance muette, puisant son souffle dans des modèles d'audace et de foi, individuelle ou collective. Invité d'honneur de la FDHDH cette année, l'ambassadeur d'Arménie, Ashot Kotcharian, fournit un exposé complet et détaillé du génocide de 1915, dont le centenaire sera commémoré cette année. « Nous pressons la Turquie à renoncer à sa politique désespérée du déni », affirme-t-il, décrivant le combat concret et réfléchi, qui se renouvelle après un siècle, pour la récupération, au-delà de la reconnaissance, des droits d'un peuple.
La FDHDH parie notamment sur la formation des élèves et des adultes à la culture des droits de l'homme. « Lorsque j'ai suivi le cours des droits de l'homme à l'université, je me suis demandée pourquoi on ne nous apprenait pas ces notions à l'école », se demande Dania, étudiante de sciences politiques à l'Université américaine de Beyrouth, sous le regard bienveillant de son professeur, Waël Kheir, directeur de la FDHDH.
Des manuels pour enfants ainsi qu'un guide pratique pour adultes ont déjà été publiés, aux éditions Dar al-Tourath. Le directeur de la maison, Makram Haddad, décrit avec une sorte d'humour passionnée « la marche des mille (mille) lieues qui commence »...

 

Deux juges à l'honneur
Une marche que d'autres ont déjà inaugurée, comme certains magistrats libanais guidés par l'équité, qui infiltrent des jurisprudences figées, archaïques ou injustes. Le prix d'honneur de la FDHDH a ainsi été décerné cette année à Zalfa Hassan, juge des référés de Beyrouth, et au juge Mounir Sleiman, président du tribunal des conflits collectifs de travail à Tripoli. La première a notamment jugé en faveur des ouvriers dans l'affaire Spinneys, tandis que le second a initié des revirements jurisprudentiels : condamnation de l'employeuse d'une travailleuse étrangère à une peine de prison ; condamnation d'une erreur médicale ; jugement libéral dans une affaire de diffamation. Présenté par Lutfallah Khlat, le juge Sleiman déclare : « Cet État auquel on tend, cet État qu'on cherche, est en chacun de nous. L'État n'échoue que si les citoyens échouent. La patrie naît surtout d'un travail commun pour l'humanité... »

Le rendez-vous annuel de la Fondation des droits de l'homme et du droit humanitaire (FDHDH), qui coïncide avec la Journée internationale des droits de l'homme, est un concentré vivant, réaliste et émouvant de tout ce qui compose la lutte pour la dignité de l'être.Dans ce combat pour universaliser la liberté, il y a d'abord les bilans sinistres, mais incontournables, des violations...

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