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Moyen Orient et Monde - Débat

Le rejet de la tentation théocratique au M-O et la paix régionale, au centre de la deuxième journée de la WPC à Séoul

Le problème du P-O et les crises existentielles qui secouent la région ont marqué, hier, la deuxième journée de la World Policy Conference qui poursuit ses travaux jusqu'à demain.

La session sur le Moyen-Orient. De gauche à droite, Dominique Moïsi, Ribal al-Assad, Sergei Karaganov, Miguel Angel Moratinos, Meir Sheetrit et Hubert Védrine.

Après la journée « asiatique » qui a marqué l'ouverture des travaux et les premières sessions, lundi dernier, de la 7e édition de la World Policy Conference (WPC) qui se tient à Séoul (voir L'Orient-Le Jour des lundi 8 et mardi 9 décembre), la journée d'hier, mardi, a été consacrée dans une large mesure au Moyen-Orient, parallèlement à trois ateliers de travail, très techniques, tenus dans la matinée et qui ont porté sur les thèmes suivants : état de l'économie et de la finance mondiales ; énergie, changement climatique et environnement ; agro-industrie en Afrique et en Asie.


La session sur le Moyen-Orient a été axée, à l'évidence, sur le dossier iranien, les perspectives de paix israélo-palestinienne, la situation en Syrie et en Irak et la menace terroriste, illustrée notamment par l'émergence de « l'État islamique » (Daech). Pour débattre de ces sujets explosifs, les responsables de la WPC avaient prévu un panel formé de personnalités aussi prestigieuses que l'ancien chef du Quai d'Orsay, Hubert Védrine, l'ancien ministre espagnol des Affaires étrangères et ancien représentant spécial de l'Union européenne pour le processus de paix au Proche-Orient, Miguel Angel Moratinos, le député israélien (de gauche) Meir Sheetrit, le président d'honneur du Conseil non gouvernemental pour la politique étrangère et de défense de la Russie, Sergei Karaganov, et M. Ribal al-Assad, fondateur et directeur de l'Association pour la démocratie et la liberté en Syrie (opposition syrienne libérale).


Le débat était dirigé par M. Dominique Moïsi, conseiller spécial à l'Institut français des relations internationales (Ifri) qui a ouvert la session en relevant d'emblée que la conjoncture présente au Moyen-Orient est marquée par trois facteurs : l'éclatement des pays ; la radicalisation ; et l'expansion géographique, en ce sens que le Moyen-Orient est devenu un « état d'esprit » qui pousse de nombreux jeunes Européens et Américains à se joindre aux jihadistes en Syrie avec l'idée que tuer est en quelque sorte une façon de s'affirmer. Abordant le cas de l'Iran, M. Moïsi s'est demandé si l'Occident n'a pas surestimé l'influence politique réelle du courant modéré iranien.


Premier à prendre la parole au cours de ce débat, M. Hubert Védrine a relevé d'entrée de jeu, fort à propos, que les crises auxquelles le Moyen-Orient est confronté ne datent pas d'aujourd'hui, mais leurs racines remontent à des décennies. Ces crises ont pour toile de fond la lutte ancienne et historique, au niveau de l'islam, entre une minorité extrémiste et une majorité modérée. À cet antagonisme est venu se greffer récemment le conflit sunnito-chiite, a souligné M. Védrine qui précise qu'il a résulté d'un tel contexte ce qu'il a qualifié de « processus de destruction créatrice », comme l'illustre notamment la situation en Syrie et en Irak, où l'on assiste à une désagrégation des structures étatiques.


Pour l'ancien chef du Quai d'Orsay, le phénomène de l'émergence de Daech ne se serait pas produit si une série d'erreurs n'avaient pas été commises concernant la gestion des crises syrienne et irakienne, notamment. M. Védrine relève dans un tel contexte que la situation moyen-orientale est rendue encore plus complexe par plusieurs incertitudes à caractère stratégique, dont notamment la politique américaine dans la région, le double jeu de la Turquie et l'évolution de la donne politique en Israël dans la perspective des élections législatives anticipées prévues en mars prochain. À ces incertitudes viennent se greffer « l'impuissance des puissances habituelles » et les risques de dérapage de certains développements, tels que l'émergence de « l'État islamique ».

 

Ribal al-Assad : Non à la dictature et à la théocratie
Deuxième à prendre la parole, M. Ribal al-Assad annonce d'emblée la couleur en se positionnant clairement contre le régime de Bachar el-Assad, mais aussi contre les courants extrémistes et jihadistes, soulignant que s'il est opposé, à n'en point douter, au régime syrien et qu'il appelle à l'instauration d'un pouvoir véritablement démocratique, représentatif de toutes les composantes de la société syrienne, cela ne signifie pas pour autant qu'il accepterait le remplacement d'une dictature par un pouvoir théocratique.
Ribal al-Assad a dénoncé dans ce cadre en des termes très sévères la position des alliés régionaux de l'opposition syrienne qui fournissent ou ont fourni une aide financière et militaire aux organisations jihadistes et extrémistes. « Tout le monde en Syrie veut un changement démocratique, mais nous ne voulons pas d'un régime fondé sur la charia, a souligné M. al-Assad. Nous croyons dans les valeurs occidentales, qui sont d'ailleurs des valeurs universelles », a-t-il conclu.

 

Meir Sheetrit et la recherche de la paix
Prenant à son tour la parole, le député et ancien ministre israélien Meir Sheetrit a brossé un tableau précis et exhaustif de la situation actuelle au Proche-Orient. Connu pour ses positions audacieuses et avancées en faveur d'une paix globale au Proche-Orient, fondée sur le projet de deux États palestinien et israélien, M. Sheetrit a d'abord évoqué le chaos dans lequel ont sombré plusieurs pays de la région, dont notamment la Syrie, révélant à ce propos qu'Israël accorde une aide humanitaire à des réfugiés syriens et précisant que 300 familles syriennes sont accueillies en Israël.


Rebondissant en outre sur les propos tenus la veille par l'émir Turki al-Fayçal (voir L'Orient-Le Jour d'hier, mardi), qui avait dénoncé le fait que l'Iran est impliqué directement dans le conflit syrien, M. Sheetrit a souligné qu'il peut témoigner personnellement d'une telle implication iranienne. Il a mis l'accent dans ce cadre sur le rôle des deux principaux leviers de Téhéran dans la région, le Hamas et le Hezbollah, indiquant à cet égard que le Hezbollah possède désormais 100 000 missiles « précis et de grande portée ». Réfutant l'argument de ceux qui affirment qu'il ne peut y avoir de solution au problème israélo-palestinien, Meir Sheetrit a affirmé que le projet d'établissement de deux États palestinien et israélien est bel et bien réalisable. « Même (Benjamin) Netanyahu se prononce pour les deux États, mais le problème est que notre Premier ministre parle plus qu'il n'agit », a souligné M. Sheetrit.


Évoquant une fois de plus l'intervention de l'émir Turki el-Faycal, lundi – déplorant le manque de réaction israélienne au plan de paix arabe, avalisé à l'initiative de l'Arabie saoudite, lors du sommet de Beyrouth en 2002 –, M. Sheetrit a rendu hommage à cette initiative saoudienne de paix, indiquant que depuis 2002, il a incité personnellement et directement tous les Premiers ministres israéliens à entamer un dialogue avec les pays arabes sur base du plan de paix arabe. « La paix et la normalisation (avec le monde arabe) sont la seule voie possible pour garantir la stabilité d'Israël », a encore affirmé M. Sheetrit qui a indiqué qu'il s'emploie actuellement à mettre sur pied un front de gauche en Israël, dans la perspective des élections législatives anticipées.

 

La perception russe
La perception russe de la conjoncture régionale a été exposée par M. Sergei Karaganov qui a d'abord dénoncé « l'incompétence » de nombre de dirigeants officiels étrangers concernant la gestion des crises dans la région. Il a précisé sur ce plan qu'il y a treize ans, il avait reçu des responsables des renseignements russes venus lui demander de leur exposer son analyse des raisons de l'intervention occidentale en Afghanistan. « Je leur ai répondu : l'incompétence », a indiqué M. Karaganov qui a ajouté qu'à son avis « Israël est l'un des deux facteurs de stabilité dans la région, le second étant l'Iran qui, cependant, est fragilisé depuis 30 ans ».
Dernier à prendre la parole, M. Moratinos a fait part d'un sentiment de « frustration » concernant le processus de paix au P-O. « Nous essayons de résoudre les problèmes du Moyen-Orient avec des idées simples, alors qu'il faudrait sans doute avoir recours à des idées plus complexes », a-t-il notamment déclaré, dénonçant « la mauvaise diplomatie » qui a accompagné les efforts de paix. « Nous n'avons pas de stratégie, a-t-il affirmé. Quelle est la stratégie américaine au Moyen-Orient ? J'ai, par ailleurs, des doutes au sujet de la stratégie de l'Union européenne. »


M. Moratinos a fixé dans ce cadre deux priorités sur lesquelles devraient plancher les puissances occidentales « sans se laisser entraîner sur la voie de l'ingérence ». « La première priorité devrait être la Palestine, a déclaré l'ancien chef de la diplomatie espagnole. Le règlement du problème palestinien est l'un des pivots de la stabilité de la région, a souligné M. Moratinos. La seconde priorité est l'Iran, et s'obstiner à amener Téhéran à la table de négociation est une erreur. » M. Sheetrit a rebondi sur les propos de M. Moratinos en soulignant que « nous ne pouvons pas permettre à l'Iran de posséder la bombe nucléaire ». « Si les États-Unis laissent l'Iran posséder l'arme nucléaire, cela changerait toute la donne au Moyen Orient », a conclu le député israélien, clôturant ainsi le débat sur des crises existentielles que nombre d'experts estiment, à tort ou à raison, insolubles.

 

 

Après la journée « asiatique » qui a marqué l'ouverture des travaux et les premières sessions, lundi dernier, de la 7e édition de la World Policy Conference (WPC) qui se tient à Séoul (voir L'Orient-Le Jour des lundi 8 et mardi 9 décembre), la journée d'hier, mardi, a été consacrée dans une large mesure au Moyen-Orient, parallèlement à trois ateliers de travail, très...

commentaires (2)

TOUS Y ÉTAIENT... EXCEPTÉ LES VRAIS CONCERNÉS ! REJET DE LA TENTATION THÉOCRATIQUE (?) PAR QUI ? PAR CEUX QUI CLAMENT L'ETAT THÉOCRATIQUE JOUR ET NUIT... QUI LEUR EST PERMIS MAIS PAS AUX AUTRES ? ET LE ASSAD QUI PROBABLEMENT FAIT DE LA CONCURRENCE FAMILIALE ET SE DÉCLARE PLUS EUROPÉEN QUE LES EUROPÉENS ? Où SONT LES VRAIS PAYS CONCERNÉS DE QUI ON VOUDRAIT ENTENDRE LES CONDAMNATIONS RÉCIPROQIES ?

LA LIBRE EXPRESSION

18 h 11, le 10 décembre 2014

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Commentaires (2)

  • TOUS Y ÉTAIENT... EXCEPTÉ LES VRAIS CONCERNÉS ! REJET DE LA TENTATION THÉOCRATIQUE (?) PAR QUI ? PAR CEUX QUI CLAMENT L'ETAT THÉOCRATIQUE JOUR ET NUIT... QUI LEUR EST PERMIS MAIS PAS AUX AUTRES ? ET LE ASSAD QUI PROBABLEMENT FAIT DE LA CONCURRENCE FAMILIALE ET SE DÉCLARE PLUS EUROPÉEN QUE LES EUROPÉENS ? Où SONT LES VRAIS PAYS CONCERNÉS DE QUI ON VOUDRAIT ENTENDRE LES CONDAMNATIONS RÉCIPROQIES ?

    LA LIBRE EXPRESSION

    18 h 11, le 10 décembre 2014

  • Une vérité s'impose au fil de décennies et doit être dite. Il n'y a aucun espoir dans et pour ce Moyen-Orient avec ses religions de rétrogadation, de fanatismes, de haines et de génocides.

    Halim Abou Chacra

    17 h 30, le 10 décembre 2014

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