Le dialogue entre le courant du Futur et le Hezbollah devrait débuter la semaine prochaine, à en croire des sources proches de Aïn el-Tiné, à condition que le conseiller politique de l'ancien Premier ministre Saad Hariri, Nader Hariri, et le ministre berryste Ali Hassan Khalil puissent s'entendre sur un ordre du jour et des mécanismes clairs. Selon les milieux du Futur, le dialogue commencerait entre Nader Hariri d'une part et le tandem Hussein Khalil-Ali Hassan Khalil (représentant le Hezbollah et Amal) de l'autre, et de l'avis de sources proches du Hezbollah, le cercle ne s'élargira pas de manière à englober par exemple le député Mohammad Raad en vue d'une éventuelle rencontre visant à booster le dialogue entre le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, et Saad Hariri.
Ce dialogue, qui débutera à Aïn el-Tiné sous le parrainage du président de la Chambre, Nabih Berry, devrait ensuite se dérouler au Parlement, ou alors dans n'importe quel lieu choisi par les participants. Au départ, il devrait être exclusivement sunnito-chiite, dans le but d'apaiser les tensions entre ces deux communautés – c'est en tout cas le but que lui avait assigné Saad Hariri dans son entretien à la LBCI. Mais, dans un second temps, le cercle pourrait s'élargir de sorte que l'initiative se tranforme en dialogue national, avec la participation de toutes les composantes politico-communautaires du pays, comme à Doha en 2008.
Le courant du Futur entend mettre à l'ordre du jour toutes les questions qui posent problème évoquées par M. Hariri durant son entretien télévisé, même si les conditions régionales ne sont pas favorables. Le 8 Mars, cependant, ne pense pas que cela sera effectivement le cas, compte tenu du caractère complexe de telles questions qui dépassent le Liban, comme l'engagement militaire du Hezbollah en Syrie, l'arsenal du parti chiite, ou la politique de distanciation à l'égard de la crise syrienne. Ces questions ne sauraient faire l'objet d'un dialogue, dont l'objectif est de décrisper l'atmosphère de la rue sunnite. De même, selon une source aouniste, Hassan Nasrallah aurait informé Rabieh que le dossier de la présidentielle sera également tenu à l'écart de l'ordre du jour, puisque la composante chrétienne ne sera pas présente à la table du dialogue à cette étape.
Qu'à cela ne tienne, le Futur ira vers le dialogue, même si les sujets conflictuels ne seront pas abordés. Les sources proches de M. Hariri estiment qu'un dialogue bilatéral est un passage obligé pour parvenir ultérieurement à ce que celui-ci englobe toutes les parties et porte sur le déblocage de la présidentielle et la relance institutionnelle. Il s'agit, en d'autres termes, d'un « dialogue de la nécessité », qui bénéficierait, en dernière analyse, d'une bénédiction saoudo-iranienne, sans laquelle il aurait été impossible. D'où le fait qu'il n'y ait eu aucune condition rédhibitoire de la part du Futur, qui a même évoqué la perspective d'un accord sur un président consensuel après l'échec des leaders maronites à s'entendre sur un nom. À ce niveau, la position prise par Saad Hariri concernant les candidatures de Michel Aoun et de Samir Geagea a été interprétée comme un moyen de mettre hors-jeu les deux hommes dans la course à la présidentielle, ce qui ouvre la voie à un accord sur un candidat de consensus.
Mais le Hezbollah, Nabih Berry et le général Aoun ont posé, eux, des conditions pour le dialogue, selon des faucons du Futur, ce qui laisse supposer que la marge de manœuvre est en définitive limitée et laisse planer certains doutes sérieux sur la possibilité de parvenir à des résultats tangibles. D'autant que le parti chiite a d'ores et déjà formulé trois « non » comme conditions préalables au dialogue : non au retrait de Syrie, au désarmement du Hezbollah et à l'abandon de la candidature de Michel Aoun. Le Courant patriotique libre a rejoint cette position en rejetant d'emblée tout dialogue sur la présidentielle sans passer par Rabieh, et en certifiant qu' « il est illusoire de pouvoir convaincre Aoun de se retirer de la course comme en 2008 ». Selon un responsable aouniste, le chef du CPL ne répétera jamais l'erreur de 2008. Or, effectivement, un certain climat d'anxiété s'est installé au niveau des leaders chrétiens du 14 comme du 8 Mars concernant l'éventualité d'un deal politique entre le Futur et le Hezbollah sur la présidentielle. C'est pourquoi il est question d'une revitalisation du rôle de Bkerké à ce niveau, à travers une série de rencontres entre le patriarche Raï et les quatre leaders maronites, à commencer par le général Aoun, pour discuter de la présidentielle et trouver un moyen de sortir de l'impasse.
Sur ce point, le Futur se veut rassurant, et assure que les leaders musulmans, même s'ils sont concernés au plus haut point par l'échéance vis-à-vis de laquelle ils ont certaines responsabilités, ne décideraient jamais rien à la place des leaders chrétiens concernant la présidentielle. Tout ce qu'ils feront, c'est créer un climat suffisamment pérenne pour rapprocher les points de vue sur la scène locale, notamment interislamique. Ce n'est donc qu'ensuite, une fois que les composantes chrétiennes auront pris part au dialogue et que les premiers obstacles d'ordre général auront été aplanis, qu'il sera question de la présidentielle, assurent les sources du courant du Futur, et du choix d'un candidat consensuel agréé par tous, quitte à ce que chacun des deux camps présente deux candidats autres que Aoun et Geagea, et qu'il y ait élection en bonne et due forme. Il est question, dans ce cadre, d'une liste d'une poignée de candidats « de second rang », ne présentant aucun caractère de défi, dont les noms sont évoqués dans les capitales de décision. L'un d'entre eux pourrait devenir l'heureux élu, un président de gestion de crise dont le pays a besoin dans les circonstances actuelles.
Selon certains observateurs, la deuxième phase du dialogue, qualifiée de « nationale », pourrait commencer au début de l'année prochaine, sauf si des développements dramatiques à l'étranger empêchent cela, de manière à ce qu'un nouveau président soit élu dans les premiers mois de 2015, avant mars, date de la signature, en principe, de l'accord politique sur le nucléaire iranien, avant la conclusion de l'accord en bonne et due forme, prévue en juin.
Liban - L’éclairage
Vers un dialogue global pour débloquer la présidentielle
OLJ / Par Philippe Abi-Akl, le 05 décembre 2014 à 00h50
commentaires (5)
C'est quand même triste tous ces petits arrangements entre meilleurs ennemis sans qu'à aucun moment on ne parle de ce que désirerait le citoyen...
Ashjian Andreas
20 h 45, le 05 décembre 2014