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Moyen Orient et Monde - Tribune

Les défis des États-Unis au Moyen-Orient

Le secrétaire d’État américain John Kerry (gauche), la chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton et le ministre des Affaires étrangères iranien Mohammad Javad Zarif lors d’une réunion tripartite à Vienne. Carolyn Kaster/Pool/AFP

Les gains potentiels de la réorientation de la politique étrangère américaine vers la région Asie-Pacifique paraissaient limpides au mois de novembre dernier. Le président Barack Obama a effectué une visite réussie au forum de l'Apec en Chine, a poursuivi par une escale fructueuse dans Myanmar pour soutenir la transition politique du pays, avant de terminer par la réunion remarquablement productive du G20 à Brisbane.
Mais au Moyen-Orient, où les enjeux semblent plus importants chaque semaine, tout ne s'est pas déroulé selon les vœux des États-Unis. En effet, il semble y avoir peu de consensus sur la façon d'aller de l'avant. Voyons par exemple le cas des pourparlers nucléaires avec l'Iran, qui viennent d'être prolongés à nouveau jusqu'à juin 2015. La prolongation de la date limite en vue de conclure un accord définitif est un bon résultat : les efforts des négociateurs jusqu'à maintenant n'auront pas été vains. En outre, grâce à l'accord provisoire conclu il y a bientôt un an, certaines limitations au programme nucléaire de l'Iran demeurent en vigueur (l'Iran bénéficiant en retour de l'allègement de certaines sanctions).


Toutes les parties ont reconnu des progrès dans l'élimination de la capacité de l'Iran de parvenir à une « évasion » nucléaire qui lui permettrait de commencer la production d'armes d'ici à un an. L'objectif de prévenir une évasion, qui dépend dans une large mesure de calculs mathématiques, techniques et politiques, semble à portée.
Mais à Washington, il semble y avoir peu d'enthousiasme pour des avancées avec l'Iran. Ce n'est pas la première fois dans la diplomatie internationale que les souhaits réalisables des plus proches parties prenantes dans un processus de négociation ne concordent pas avec ceux des personnes au pouvoir. Dans le cas des pourparlers avec l'Iran, il y a trois raisons principales à cela.

 

(Lire aussi: Quand les cartes et les alliances se redessinent au Moyen-Orient)


Premièrement, la prévention d'une évasion nucléaire iranienne, bien qu'elle soit un objectif louable, n'est pas ce que les politiciens et les experts peuvent nécessairement tenir pour une victoire pure et simple. Au contraire, l'Iran possède déjà probablement le savoir-faire pour construire une bombe. À moins de regrouper les scientifiques du pays et de les exiler sur une île déserte, il est loin d'être facile de négocier les circonstances selon lesquelles un pays dans la position de l'Iran ne peut pas (plutôt que ne veut pas) produire une bombe.


La deuxième raison est que les régimes de sanctions ont suscité quasiment un culte, défini par une tendance à exagérer leur succès et leur potentiel. De nombreuses études universitaires ont montré que le taux de réussite des sanctions est limité. On sait maintenant que même les sanctions contre le régime de l'apartheid en Afrique du Sud ont pu entraver la transition qui a amené la majorité au pouvoir. Parce que les cessions par les sociétés multinationales ont souvent entraîné des liquidations des installations industrielles à des alliés du régime, les sanctions ont pu faire davantage pour renforcer et enrichir les éléments réactionnaires que pour catalyser le changement social.


Aujourd'hui, de nombreux responsables américains estiment que l'élection d'un nouveau gouvernement iranien avec un mandat pour sortir du joug des sanctions occidentales est la preuve que les sanctions fonctionnent (peu importe si le manque d'une telle preuve a pu susciter davantage de sanctions.)
En fait, la dynamique des sanctions est plus nuancée. Comme l'ont montré les guerres des Balkans dans les années 1990, les sanctions se traduisent souvent par une évolution d'un commerce légal vers un commerce illégal. Dans les Balkans, cela a mis au pouvoir des éléments mafieux et les a parfois fait fusionner avec des partis politiques et des institutions. En Iran, une tendance similaire a émergé : les sanctions occidentales ont rejeté la Garde républicaine, avec toutes ses activités économiques miteuses, dans le rôle du crime organisé.
Les Iraniens qui veulent mettre un terme aux sanctions ont tendance à être ceux qui en souffrent, non pas ceux qui s'enrichissent grâce à elles. Mais ceux qui souffrent des sanctions ne souffrent pas seulement de difficultés économiques : l'isolement que les sanctions imposent favorise les éléments les moins éclairés du pays. La garde républicaine se soucie peu de savoir si cela entre dans les bonnes grâces de la communauté internationale.


La troisième raison de l'impasse de la politique américaine au Moyen-Orient découle de la complexité de la politique de la région, de plus en plus sectaire. On a dit beaucoup de choses à propos de la fin de la confluence des intérêts américains et iraniens dans le Moyen-Orient élargi. Après tout, ce sont les Iraniens qui ont voulu un Irak post-Saddam stable et prospère et qui ont soutenu un régime d'antitalibans dans ce pays. Et ce sont les Iraniens qui ont favorisé un dialogue pour le partage pacifique du pouvoir en Syrie.
Mais l'Iran a également alimenté le sectarisme dans la région. En soutenant les forces chiites au-delà de ses frontières (en particulier le Hezbollah au Liban et le régime à minorité alaouite du président syrien Bachar el-Assad, ainsi que certains des pires milices chiites en Irak), l'Iran a dressé le monde arabe contre ces groupes et a mis au pouvoir des extrémistes sunnites. Il ne fait aucun doute que les Iraniens ont à la fois du sang sunnite et américain sur les mains. Tout aussi imprudemment, l'Iran a participé avec les États arabes sunnites à des attaques anti-israéliennes.


Les États-Unis ont reconnu le rôle central de ces problèmes et ont cherché à les gérer dans de nouvelles séries de négociations. Mais une stratégie de cloisonnement exige de l'attention et du courage de la part des décideurs. Leur tâche ne sera pas facile. Peut-être que la visite réussie d'Obama en Extrême-Orient pourra leur servir de source d'inspiration.

© Project Syndicate, 2014.

 

Christopher R. Hill, ancien Secrétaire d'État adjoint des États-Unis en Extrême-Orient, est doyen de la Korbel School pour les études internationales à l'Université de Denver. Son prochain livre s'intitule Outpost.

 

 

Les gains potentiels de la réorientation de la politique étrangère américaine vers la région Asie-Pacifique paraissaient limpides au mois de novembre dernier. Le président Barack Obama a effectué une visite réussie au forum de l'Apec en Chine, a poursuivi par une escale fructueuse dans Myanmar pour soutenir la transition politique du pays, avant de terminer par la réunion remarquablement...

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