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Nos Lecteurs ont la Parole - Abdel Hamid El-AHDAB

Pour « une marche du million » en faveur de la neutralité et de l’indépendance

Le temps est venu où il nous faut renoncer à fêter l'anniversaire de la fin du mandat français intervenue le 22 novembre 1943. Son rejet, qui exprimait un ressentiment, a constitué un méfait et non un bienfait au vu des événements qui se sont succédé depuis. Au mandat français a été substitué un autre mandat, celui des organisations palestiniennes. Yasser Arafat l'avait reconnu lui-même en déclarant qu'il gouvernait le Liban, et notre pays était bien gouverné à partir de Tall el-Zaatar, Sabra et Chatila. Le mandat des organisations palestiniennes a pris fin à son tour. Il a laissé la place au mandat syrien. Le Liban a alors été gouverné à partir de Qardaha, et les humiliations subies ont été nombreuses, dont celles relatées par Marwan Hamadé devant le tribunal international.
Le mandat syrien a été ensuite pris fin mais a vite été suivi par le mandat iranien. Le Liban a été alors gouverné à partir de Qom, en Iran. Ce mandat sévit dans chaque rue, chaque impasse, et plane au-dessus de la tête des politiciens.
Les Libanais appellent à présent les Européens au secours. Ils leur disent : « Venez nous coloniser, s'il vous plaît. » Dans le journal al-Akhbar (1), il est dit littéralement ce qui suit : « C'est la première fois que l'ambassadrice de l'Union européenne visite la région de Dinniyeh. Elle y a reçu un accueil chaleureux de la part de gens simples et de pauvres qui l'ont remerciée pour les projets de développement qui ont été réalisés en leur faveur à une époque où l'État était supposé les entreprendre lui-même. Ce qui a porté quelques-uns à demander aux Européens de les coloniser à nouveau ! Tel est le résultat le plus éloquent fourni par le "modèle d'État libanais". »
Le Liban n'est pas seul à regretter le temps de jadis. L'Égypte regrette le roi Farouk et Nahas pacha. La Syrie regrette Choukri Qouatly. L'Irak regrette l'émir Abdallah et le Yémen le président Abdallah Sallal. On raconte qu'au marché aux poissons d'Aden, un client, s'apercevant que le kilo de poisson est proposé à dix dollars, dit au vendeur : « Pourquoi ce prix ? Du temps des Anglais, le prix était d'un dollar. » Et le vendeur de répondre : « Fais-nous revenir les Anglais et le kilo sera gratis. »
En Algérie, les services chargés de l'information ont voulu tourner un film sur le colonialisme français. Ils ont choisi une région montagneuse surplombant une ville et ont fait porter à des hommes des treillis de militaires français. Les caméras ont tourné pour filmer l'avancée des Français venus coloniser le pays du « pauvre peuple algérien » et la réaction du peuple à cette colonisation. Mais lorsque les hommes, les femmes et les enfants, accourus à leurs fenêtres, ont vu les faux Français descendre des montagnes, ils ont cru que la France était revenue. Des cris de joie se sont élevés, des youyous ont été poussés et la liesse s'est emparée de la foule qui a entonné des chants de bienvenue et commencé à danser. Les habitants sont sortis de chez eux et ont couru vers les minarets pour glorifier Dieu. La joie était revenue et tout chagrin avait disparu. Les caméras ont alors arrêté de filmer. Les auteurs du film avaient raté leur but qui était celui de montrer la peur que génère le retour des Français ! La raison de tels comportements est simple. Après avoir souffert des agissements des hommes de l'indépendance, les peuples arabes ont regretté les Français et les Anglais. Ils ont dit : « Venez nous coloniser, s'il vous plaît. »
Peut-être que la meilleure définition du Liban actuel est celle donnée par le regretté Ounsi el-Hajj qui avait dit : « Le Liban est un ensemble de composantes n'ayant pas de liens entre elles et qui parfois se contredisent même ; mais elles coexistent néanmoins sous l'ombrelle d'un arrangement tribal créé par l'urgence. »
Il l'avait précédé du titre « Personne ne peut le réparer ». Mais peut-être avait-il lancé cette affirmation parce que lesdites composantes ne sont pas capables de gagner leur indépendance et qu'elles ont besoin d'un mandat. La situation ne fait que péricliter depuis 1970 : Fouad Chehab, qui avait bâti un État, est parti, et on a vu, hélas, les choix faits par la suite, L'ancienne classe politique s'est éteinte : Hamid Frangié, Saëb Salam, Kamal Joumblatt, Fouad Chéhab, Raymond Eddé, Philippe Takla, Kamel el-Assaad et d'autres, et une nouvelle classe politique a vu le jour, dont la moitié a été l'œuvre de Qardaha, et l'autre de Téhéran et Qom, ce qui explique que Fattouch n'est plus un étranger pour cette classe.
Comment sortir de cet enfer ?
Trois jours avant son assassinat, le Dr Mohammad Chatah avait dit : « Le Liban n'a d'autre issue que la neutralité. » Il a défini la neutralité et l'a expliquée en détail : la neutralité est bâtie en premier sur une position politique constitutionnelle d'une unique partie qui est l'État. Elle doit figurer ensuite dans la Constitution ou dans la loi. L'État, devenu neutre, conclut des accords avec les divers pays qui lui reconnaissent cette qualité de « pays neutre » et s'engagent à la protéger. Pourquoi ne pas alors opter pour la neutralité pour échapper à cet enfer que nous vivons et nous orienter vers une indépendance véritable ne nécessitant ni mandat ni tutelle parce qu'elle rompt précisément la liaison entre les communautés et les États étrangers ?
Les chrétiens sont partisans de la neutralité. Les sunnites, qui disaient en 1975 que l'armée des organisations palestiniennes était leur armée, brandissent à présent le slogan qui dit : « Le Liban d'abord » et sont aussi partisans de la neutralité, comme le dit le Dr Chatah. Une fraction minoritaire des chiites a, par ailleurs, emprunté cette voie. Qu'il soit, dès lors, procédé à un référendum. Une majorité de 75 % des voix en faveur de la neutralité suffira.
Comment parvenir à ce résultat ? On y arrivera si des foules immenses se rassemblent place des Martyrs et Place Riad el-Solh, et ne quittent pas les lieux, à l'exemple des millions d'Égyptiens qui ont envahi la place de la Libération et y sont restés jusqu'à la chute de Moubarak.
Cette foule ne se dispersera qu'une fois prise la décision d'organiser un référendum et formé un gouvernement provisoire pour le superviser. Si le référendum a lieu et que la majorité requise se prononce en sa faveur, la neutralité du Liban sera proclamée, la fête de l'Indépendance pourra avoir lieu et nous sortirons de cet enfer.

Abdel Hamid El-AHDAB
Avocat

1 – Numéro 2147 publié le vendredi 8 décembre 2013.

Le temps est venu où il nous faut renoncer à fêter l'anniversaire de la fin du mandat français intervenue le 22 novembre 1943. Son rejet, qui exprimait un ressentiment, a constitué un méfait et non un bienfait au vu des événements qui se sont succédé depuis. Au mandat français a été substitué un autre mandat, celui des organisations palestiniennes. Yasser Arafat l'avait reconnu...

commentaires (6)

Il n'y a point de salut en dehors de la neutralité au Liban! Excellent article.

Emmanuel Ramia

01 h 00, le 02 décembre 2014

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Commentaires (6)

  • Il n'y a point de salut en dehors de la neutralité au Liban! Excellent article.

    Emmanuel Ramia

    01 h 00, le 02 décembre 2014

  • Pas beaucoup d'accord sur certains points de cet article... surtout sur l'affirmation péremptoire " les libanais appellent à présent les européens aux secours" .... il semble plutôt que c'est l'inverse ....mais les européens ...voir... les occidentaux sont plus discrets , vu leurs fiascos généralisé aux M.O....!

    M.V.

    11 h 31, le 01 décembre 2014

  • BRAVO ! SUPERBE ! UN ARTICLE À LIRE PAR TOUS ! MAIS ON AIMERAIT UNE MARCHE DE DEUX MILLIONS... ET MÊME PLUS ! N'ABANDONNEZ PAS CETTE INITIATIVE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    13 h 45, le 29 novembre 2014

  • Laoû baddâh t'chattéh kééénit ghaïyamit ! S'il devait pleuvoir, on aurait déjà aperçu les nuages !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    13 h 15, le 29 novembre 2014

  • Mars 2015 .....alors voila un r.v a ne pas manquer....

    Houri Ziad

    12 h 33, le 29 novembre 2014

  • Merci pour cet acte de foi et pour cet appel pour la Neutralité du Liban ! Sachez cher Maître que cette démarche est déjà en marche et que plusieurs plusieurs groupements appartenants à la Société Civile préparent pour le mois de mars 2015 la tenue de la première Conférence Nationale pour la Paix et la Neutralité du Liban. Nous serions heureux que vous vous associez à ce mouvement pour réaliser tous ensemble cette initiative historique. Vous y apporterez votre sagesse politique, votre connaissance de la chose publique et votre attachement au pays du Cèdre que vous avez toujours défendu avec passion et véhémence...!

    Salim Dahdah

    11 h 40, le 29 novembre 2014

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