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Moyen Orient et Monde

Passer du célèbre souk d’Alep à... la rue

Classé au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1986, al-Madina est aujourd’hui dans une zone de combats. Zein al-Rifaï/AFP

Ils étaient si fiers de leurs magasins dans le vieil Alep, mais la guerre les a chassés et ces commerçants se retrouvent aujourd'hui derrière des éventaires sur les trottoirs de la cité économique de Syrie.
Sur la rue Fourqane, principale artère commerçante d'Alep-Ouest, la partie de la ville aux mains des forces gouvernementales, Hussein Abdallah fait revivre Arax, une marque réputée pour ses délicieux falafels au jus de grenade qui existe aussi à Beyrouth et même aux États-Unis. « Nous avions un magasin de 40 m2 qui était toujours plein, car il était fameux chez les Alépins comme parmi les étrangers. La guerre m'a obligé à fermer cette boutique fondée par mon grand-père », explique cet homme de 30 ans pendant que ses employés jettent des boulettes de pois chiches dans l'huile bouillante. « Cela ne marche pas comme avant, mais à quoi ça sert de se plaindre ? Il faut travailler, c'est notre pays », estime cet ancien marchand d'al-Saqtiyé.
Ce marché de fruits et légumes spécialisé dans les plats traditionnels alépins était l'une des nombreuses halles du souk al-Madina d'Alep. Classé au patrimoine mondial de l'Unesco depuis 1986, al-Madina est le plus grand marché couvert du monde : il s'étire sur une quinzaine de kilomètres de ruelles tortueuses dans la vieille ville d'Alep et sa partie la plus ancienne date du XIVe siècle. Mais il est aujourd'hui inaccessible, car il se trouve dans une zone de combats. Une grande partie de ce célèbre souk a été détruite par les incendies et les bombardements depuis qu'Alep a été coupée en deux à l'été 2012, quand les rebelles antirégime se sont emparés de plus la moitié de la ville. Aujourd'hui, le souk est en majorité sous contrôle de la rébellion.

« Qui va acheter des bijoux ? »
Tous les commerçants se plaignent d'avoir vu leur chiffre d'affaires s'effondrer et tous rêvent de retrouver leurs anciennes boutiques, même détruites. Mohammad Attrach, 51 ans, vendait des voitures à Sakhour, quartier aujourd'hui aux mains des rebelles, mais la guerre l'a contraint à revenir à l'activité familiale : il vend des mouchabak, une pâte frite et sucrée en forme de gros spaghettis. « La boutique fondée par mon grand-père se trouvait à Bab Jnein. Elle a brûlé et mon magasin de voitures a fermé. Il fallait se serrer les coudes, alors j'ai trouvé un associé et je fabrique des mouchabak à la façon traditionnelle », précise-t-il sous la bannière de son étal « Les fils de hajj Ali Zahida ». Bab Jnein, une ancienne porte de la vieille ville célèbre pour ses pistachiers, était avant la guerre au cœur du commerce de marchandises vers la Turquie toute proche.
Ailleurs, dans le souk des tapis, Abou Samer était grossiste de bijoux en argent et orientaux. Mais il a dû fermer lui aussi. « J'ai choisi un autre métier, je me suis lancé dans la vente d'objets électriques, comme des rasoirs. J'ai arrêté, car il n'y a plus d'électricité en ville, alors j'ai repris mon ancienne profession », explique ce quadragénaire, qui a commencé à travailler avec son père à 13 ans. « Mais franchement, qui va acheter des bijoux alors que la préoccupation essentielle des gens c'est de manger et de trouver du travail ? Mon chiffre d'affaires s'est affaissé de 70 % », assure-t-il.
Les commerçants qui se trouvent du côté rebelle ne sont pas mieux lotis. Eux aussi ont tout perdu. Alaa Moubayed était dinandier dans la vieille ville, mais il est aujourd'hui réduit à vendre des légumes et des fruits. « Tomates, pourpiers... Goûtez-les, ils sont bien meilleurs qu'hier », crie-t-il pour couvrir le bruit des armes automatiques. « Nous avions un magasin d'objets orientaux en cuivre et ça marchait très bien, puis les combats ont commencé. Des barils d'explosifs et des roquettes ont dévasté le marché du cuivre », explique-t-il. « Honnêtement, je ne croyais pas que nous serions obligés de recommencer à zéro et de souffrir autant. Jusqu'à quand allons-nous vivre ainsi ? » se lamente cet homme de 34 ans.

Sammy KETZ et Zein AL-RIFAÏ/AFP

Ils étaient si fiers de leurs magasins dans le vieil Alep, mais la guerre les a chassés et ces commerçants se retrouvent aujourd'hui derrière des éventaires sur les trottoirs de la cité économique de Syrie.Sur la rue Fourqane, principale artère commerçante d'Alep-Ouest, la partie de la ville aux mains des forces gouvernementales, Hussein Abdallah fait revivre Arax, une marque réputée...

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