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Nos Lecteurs ont la Parole - Georges Y. HADDAD

Joyeux anniversaire, Liban

C'était il y a 71 ans (officiellement) : notre pays prenait son destin en main. Je fais partie de la génération 90 ; mes parents m'ont tout raconté, et pas qu'une fois : l'âge d'or de la livre libanaise. « Avec une livre, on avait un repas complet dans le plus grand des restos de Beyrouth ! », le vieux centre-ville avec cette fameuse photo que chacun d'entre nous connaît, celle de la place des Canons avec tous ces beaux palmiers et les vieux bus sur la place. Ah, le Liban, la Suisse du Moyen-Orient ! Et aujourd'hui, où en est-on ? J'aimerais tellement imaginer le pays de mes parents, de mes grands-parents, j'essaie, je le jure, mais hélas, mon Liban à moi n'est plus du tout le Liban dans lequel vous avez grandi. J'ai grandi dans un autre pays, dans un Liban d'une dimension parallèle même. Chère maman et cher papa, les générations des années 2000 auront du mal à croire à toutes ces petites histoires, les prochaines ne les connaîtront probablement jamais, malheureusement.
Avant le progrès de la médecine, l'être humain pouvait s'estimer heureux et extrêmement chanceux de vivre jusqu'à 50 ou 60 ans. De nos jours, on vieillit lentement, on vit plus longtemps, mais le prix de cette longue vie se fait à coups de médicaments, de rendez-vous chez le médecin et de visites à l'hôpital. C'est la même chose avec notre cher pays du Cèdre. Il vieillit lentement, mais la maladie le ronge. Ses médicaments ? Les fonds qui viennent de l'étranger pour nous maintenir en vie. Ses médecins ? Les USA, l'UE, la Russie, l'Iran et les monarchies du Golfe... Ses hôpitaux ? Un jour l'Onu, un autre jour la Ligue arabe, en passant par la clinique de l'UE, tout dépend quel spécialiste nous consultons.
Notre fête de l'Indépendance a été annulée, une première dans l'histoire du pays. Notre pays est sans président depuis des mois, avec un Parlement qui s'autoproroge, voit son jour de l'Indépendance pour la première fois de son histoire annulé. Il ne fallait rien de plus pour achever et enterrer la seule chose qui reste au peuple libanais :son indépendance. Le peuple n'a plus d'indépendance politique, il ne vote plus. Le peuple n'a plus d'indépendance économique, il est endetté. Et maintenant, le peuple libanais n'a plus de liberté; il n'est plus indépendant. Ce n'est pas un pays étranger qui nous a volé notre indépendance, mais bien certains Libanais, et haut placés !
Il faut arrêter de blâmer les autres pour nos malheurs mais il est temps de savoir qui blâmer. Ce n'est pas par la faute des Occidentaux, des Perses ou des Arabes que nous en sommes arrivés là, mais bien par notre faute. À la longue liste des qualités que « nous » Libanais nous nous attribuons (« le Libanais est voyageur, travailleur, ambitieux... »), il faut ajouter ce que l'on ne pourra jamais le nier : le Libanais n'est pas un révolutionnaire. Non, il ne l'est pas ! Ouvrons les yeux rien que pour une seule seconde. Cela fait des années que nous croyons aux théories du complot et à l'idée que le monde entier veut enterrer Beyrouth une huitième fois. Rendez-vous à l'évidence, si le monde entier le voulait, nous aurions déjà été enterrés 100 fois, et non pas seulement une 8e fois. Nous ne bougeons pas, nous laissons notre Liban se déchirer pendant que nos politiciens discutent encore, et encore, et encore. Combien de temps cela va-t-il durer ? Avez-vous déjà oublié les lignes de démarcation ? Gharbiyeh et Charqiyeh ? Avez-vous besoin que l'on vous rappelle la situation des chiites et sunnites d'Irak, du Pakistan ou du Yémen ?
Le Liban n'est pas le Liban sans vous, Libanais. Remplissez le pays de Suédois et il ne sera plus le Liban, mais deviendra la Suède. Que vous soyez chrétiens, druzes, juifs ou musulmans, vous vivez sur le même territoire, priez le même Allah, mangez le même chawarma, écoutez la même musique, fumez le même narguileh... et vous osez encore parler de vos différences ? Mais quelles différences ? Le seul à être devenu différent est bel et bien notre pays. La seule différence que je vois est qu'hier notre pays était indépendant, et qu'aujourd'hui il ne l'est plus. On vous a volé votre liberté, et vous ne faites qu'accuser le monde entier au lieu d'agir et de prendre conscience que vous et vous seul incarnez le changement pour notre pays. Bravo !
Je vais me mettre dans la peau de la majorité des Libanais pour ne pas « manquer à mon devoir de citoyen patriotique libanais ». Je te souhaite donc une très bonne fête d'Indépendance, cher Liban, et j'accrocherais ton drapeau à ma fenêtre puisque c'est la seule chose que certains savent faire...

Georges Y. HADDAD
Étudiant en master d'histoire et de relations internationales, USJ

C'était il y a 71 ans (officiellement) : notre pays prenait son destin en main. Je fais partie de la génération 90 ; mes parents m'ont tout raconté, et pas qu'une fois : l'âge d'or de la livre libanaise. « Avec une livre, on avait un repas complet dans le plus grand des restos de Beyrouth ! », le vieux centre-ville avec cette fameuse photo que chacun d'entre nous connaît, celle de la...

commentaires (2)

L'HOMME SE LIVRE AUX MAINS DES MÉDÉCINS ! LE PAYS MALHEUREUSEMENT AUX MAINS DES CHARLATANS !

LA LIBRE EXPRESSION

10 h 23, le 28 novembre 2014

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Commentaires (2)

  • L'HOMME SE LIVRE AUX MAINS DES MÉDÉCINS ! LE PAYS MALHEUREUSEMENT AUX MAINS DES CHARLATANS !

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 23, le 28 novembre 2014

  • Master en histoire et en relations internationales ! Oui, et après....

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    08 h 57, le 28 novembre 2014

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