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Nos Lecteurs ont la Parole - Dr Noura METRI

Sans identité

Refaire sa vie au Liban après un séjour français pour études, qui n'en a pas rêvé ? Qui ne l'a pas essayé ? Qui ne l'a pas fait ? Les catégories diffèrent, les envies se diversifient mais le fond reste le même : s'attacher à notre cher Liban, penser à cette terre d'accueil et de générosité, et enfin retourner dans ce pays du Cèdre.
Plusieurs d'entre nous le quittent, les uns à 17-18 ans, les autres vers 23 ans, pour entamer ou poursuivre leurs études universitaires en France. Mais une fois les études terminées et le diplôme en poche, nous voilà en train de nous interroger sur notre futur choix de vie et de poser toutes les questions précédentes.
Il y a un an, mon beau diplôme en poche, j'ai décidé de revenir m'installer au Liban après 12 ans de vie parisienne, pleine d'espoir et de joie à l'idée de retrouver les miens, revoir les amis, profiter de la vie à l'orientale, pouvoir se réintégrer à cette société qui m'a tant manqué et surtout prendre mes fonctions dans une université prestigieuse à Beyrouth. J'ai beau être heureuse, épanouie et tout à fait à l'aise dans mon coin parisien, il y a toujours ce sentiment d'être « étrangère » qui revient de temps en temps : ces rues parisiennes ne ressemblent pas à mes rues d'enfance, ces restaurants ne remplacent pas les bons plats de ma mère, mon petit appartement parisien ne me donne pas l'affection familiale attendue, et ce n'est surtout pas dans les ruelles françaises que j'ai joué avec les voisins, la man'ouché dans une main et le Bonjus dans l'autre. Cette vie parisienne ne me déçoit pas, loin de là, car c'est la vie qui a contribué à faire de moi la femme d'aujourd'hui, mais je suppose que c'est la nostalgie de mon pays natal, c'est tout simplement l'appel des racines...
Néanmoins, au fil des mois, je me suis retrouvée face à différents problèmes, que ce soit d'un point de vue social, religieux, économique et/ou familial, avec ces : « Ce n'est pas dramatique, un pays sans président à sa tête », « Chou habibi » à tout bout de champ, « Et ça va, la paye (pour essayer de vous situer socialement)? », « Mais tu n'es pas encore mariée ? », « Combien de Like tu as eus sur ta photo de profil ? », « Bip-bip de Whatsapp » qui retentissent toutes les secondes, « Tu es femme alors, hein ? ... », « Maquille-toi bien, la concurrence est rude dehors », « Non, ne fume pas le narguilé ! », « Chou ya amar » répétée plusieurs fois par minute en attendant un taxi sur le bord de la route. Depuis quand la vie doit-elle être gérée ou guidée par de tels codes insignifiants, honteux et tellement superficiels (à mon sens) mais qui deviennent la normalité ? C'est bien loin de l'image que j'ai gardée de mon pays, une image de cette société multiple, vivant en paix, n'accordant aucune importance à ces idolâtries-là. C'est dommage d'observer cette société qui est persuadée des bienfaits de tous ses excès.
Mon cher Liban a bien changé et je n'ai pas été dans ce flux d'évolution faisant de moi une étrangère dans mon propre pays. Est-ce une erreur de l'avoir quitté si jeune, à 17 ans ? Est-ce une honte d'avoir voulu un haut niveau d'études ? Est-ce une mauvaise décision d'être attachée à ses racines au point de vouloir revenir ? Est-ce un crime d'avoir évolué à l'européenne ? Aujourd'hui, je me retrouve vraiment perdue : je suis étrangère à Beyrouth aussi bien qu'à Paris. Alors, à quelle patrie est-ce que j'appartiens exactement ?
Je fais partie de cette jeunesse franco-libanaise qui se trouve déchirée entre Orient et Occident, n'arrivant plus à vivre complètement au Liban mais ne pouvant surtout pas s'en passer. C'est le paradoxe libanais : devenons-nous ces jeunes sacrifiés, sans identité ?

Dr Noura METRI
Manager projet scientifique

Refaire sa vie au Liban après un séjour français pour études, qui n'en a pas rêvé ? Qui ne l'a pas essayé ? Qui ne l'a pas fait ? Les catégories diffèrent, les envies se diversifient mais le fond reste le même : s'attacher à notre cher Liban, penser à cette terre d'accueil et de générosité, et enfin retourner dans ce pays du Cèdre.Plusieurs d'entre nous le quittent, les uns à...

commentaires (3)

Chère Noura, Votre billet respire le réalisme, hélas, et témoigne du dilemme de nos jeunes élites, prises entre l'amour de la patrie et le choix individualiste de l'immigration. Sans vous et vos camarades, le Liban sera dissous dans une triple tentation suicidaire : corruption, fondamentalisme et superficialité. Quoi que vous décidiez pour la suite, n'abdiquez ni votre âme ni votre tendresse pour notre pays.

Aractingi Farid

08 h 03, le 04 décembre 2014

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Commentaires (3)

  • Chère Noura, Votre billet respire le réalisme, hélas, et témoigne du dilemme de nos jeunes élites, prises entre l'amour de la patrie et le choix individualiste de l'immigration. Sans vous et vos camarades, le Liban sera dissous dans une triple tentation suicidaire : corruption, fondamentalisme et superficialité. Quoi que vous décidiez pour la suite, n'abdiquez ni votre âme ni votre tendresse pour notre pays.

    Aractingi Farid

    08 h 03, le 04 décembre 2014

  • VOTRE DIPLÔME NE VAUT RIEN... AU PAYS DES CÈDRES... MON AMI. IL VOUS FAUT UNE CARTE D'INTRODUCTION DE QUELQUE ABRUTI... CAR ELLE VAUT MILLE DIPLÔMES ! ET VOILÀ VOTRE AVENIR...

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 52, le 28 novembre 2014

  • Docteur et manager, oui et après !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    08 h 56, le 28 novembre 2014

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