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Liban - Parution

L’architecte Pierre Neema, « 50 ans d’espoir, d’angoisse et de passion »

Architecte et enseignant depuis presque un demi-siècle, Pierre Neema rêve de « mourir comme Oscar Niemeyer, travaillant jusqu'à mon dernier souffle sur ma planche à dessiner ».

C'est son grand-père qui a «égyptianisé» le nom de famille: Nehmé est devenu Neema, quand, fuyant la guerre civile de 1860, Michel Nehmé s'installe au Caire où naît Pierre en 1931. Après ses études en France et plusieurs années de formation, de stage et d'expérience au sein de diverses agences d'architecture parisiennes, il décide de rentrer au Liban où il amorcera sa grande carrière dès les années soixante. Son retour au pays coïncide avec le mandat du président Fouad Chéhab qui organise des concours d'architecture pour la construction des bâtiments publics. Il travaille d'abord avec le bureau M.B.K. Makdisi puis le quitte pour fonder le Centre d'études techniques et d'architecture (Ceta) avec l'architecte Jacques Aractingi et l'ingénieur Joseph Nassar. Les nouveaux associés participent à «cinquante-six concours et remportent 24 premiers prix», dont les écoles techniques de Machghara, Hermel et Zghorta qui serviront de «référence pour des projets similaires»; l'église grecque-catholique de Hamra et la Maison de l'artisan, à Aïn el-Mreisseh (1963). «Un joyau qui sera totalement dégradé par les pastiches décoratifs de Jacques Garcia », estime Neema, résumant par cette phrase son opinion sur la rénovation du site endommagé durant la guerre.

 

Le Sofil dit non aux snipers
Entre-temps, d'immenses travaux changent le visage de la capitale et de sa banlieue. L'équipe trace sur 100 000 m2 les plans de la Cité gouvernementale de Bir Hassan; planche sur le National College de Choueifat et les logements militaires à Fayadieh (1965). En 1966, L'Orient titre «Tous les records ont été battus dans la construction du nouveau siège de l'EDL» que réalisent Pierre Neema, Jacques Aractingi et Joseph Nassar, à Mar Mikhaël. La même année, à Ramlet el-Baïda, une zone qui portait encore joliment son nom, Neema et ses associés plantent les immeubles d'Henry Schoucair. À Sanayeh, ils font pousser le siège de la Chambre de commerce et d'industrie (1967) et en 1970, Le Concorde, immeuble phare de la rue de Verdun conçu en collaboration avec l'architecte Bodiansky, est inauguré.
Au cours des décennies suivantes, Hamra, Sadate, Bliss, Aïn el-Mreisseh sont investis. L'hôtel Le Cavalier, les immeubles Sehnaoui, Bissat, Sadate Tower, le siège de la YWCA et beaucoup d'autres sont le produit de ses conceptions architecturales innovantes. Badaro, Sioufi et Achrafieh ne sont pas en reste. Pierre Neema relate l'histoire du centre Sofil (Société foncière et immobilière du Liban) dont l'actionnaire principal était Raymond Audi. Conçu à l'origine comme une tour de bureau de trente étages posée au milieu d'un jardin de 5 000 m2, le projet qui avait démarré en 1974 sera finalement abandonné. Raymond Audi redoutant que le centre ne se transforme, comme la tour Murr, en un sinistre et lugubre abri de snipers, renonce de voir s'élever un gratte-ciel. «Nous avons donc repris l'étude à zéro...», révèle Neema.

 

Rénovation du palais présidentiel
À son actif également, des villas à Aïn Saadé, Beit Mery et Baabdate, l'ABC de Dbayé (1989), le Chronic Care Center à Hazmieh, l'extension de l'hopital Rizk, Cap-sur-Ville, etc. Les différentes réalisations de Neema démontrent sa vision personnelle de l'architecture comme forme d'art au service de l'être humain. Sollicité pour la réhabilitation du palais de Baabda, l'architecte raconte que «ce fut un travail de folie avec 500 ouvriers sur le chantier nuit et jour pendant six mois. Les façades étant un peu hétéroclites (différents présidents en avaient fait des modifications selon leurs besoins et sensibilités), notre travail a été de calmer l'ensemble en reprenant des thèmes traditionnels de l'architecture libanaise. Le manque de financement n'a pas permis de rénover la façade arrière qui donne sur les jardins», ajoute-t-il.
En cours de route, en solo ou avec le Ceta dissout en 1973, plus d'une centaine de projets seront conçus par Pierre Neema au Liban, au Tchad, à Sierra Leone, Arabie saoudite, Abou Dhabi, Algérie, Maroc, Jordanie et Irak.

 

Démographie et infrastructures
Membre du Conseil supérieur de l'urbanisme, architecte-enseignant depuis presque un demi-siècle à l'Alba, Pierre Neema se livre. Et continue de ferrailler. Sur cent quarante pages, il expose sa philosophie de l'architecture. « Sans volonté politique, il n'est pas d'urbanisme possible (...)», écrit-il. Ou encore : «C'est à l'aménagement du territoire de définir les grands axes du développement, de le répartir harmonieusement pour que chaque parcelle du pays reçoive sa part. C'est ainsi que l'on peut prévoir l'évolution démographique des régions et y faire face. C'est ainsi que l'on peut définir les grandes options des infrastructures de base, support indispensable du développement.»
À la question de savoir «quel architecte voulons-nous former» Pierre Neema martèle: «Qu'il reste humble devant l'immensité de la tâche (...) Qu'il participe à l'édification d'un monde plus harmonieux, où les hommes trouveront un environnement de plénitude et d'épanouissement...»
Pierre Neema, parcours d'un architecte, 50 ans d'espoir, d'angoisse et de passion, une publication de l'Alba – Université de Balamand.

 

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commentaires (3)

Du "niveau".... du bulldozer Wiëééém, mahééék !

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

08 h 18, le 29 novembre 2014

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Commentaires (3)

  • Du "niveau".... du bulldozer Wiëééém, mahééék !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    08 h 18, le 29 novembre 2014

  • DES CERVEAUX PLEINS ET CAPABLES... ON EN A PLEIN AU NIVEAU POPULAIRE. ILS FONT BIGREMENT DÉFAUT AU NIVEAU POLITIQUE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    20 h 10, le 28 novembre 2014

  • Un grand architecte, l'un des plus grands au Liban, sans nul doute! Je lui souhaite de vivre aussi longtemps qu'Oscar Niemeyer et de mourir comme lui...

    Georges MELKI

    16 h 05, le 28 novembre 2014

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