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Nos Lecteurs ont la Parole - Rabih NASSAR

Du balai !

Je m'étais offert un karcher. Un joli petit karcher pas cher. Tout beau, tout vert, il avait tout pour plaire. Je voulais tout nettoyer pour préparer l'hiver. Me sortir de cet immobilisme répété, cet abrutissement généralisé, bête comme une rime en é. Je voulais tout nettoyer, histoire de bien recommencer. Mais l'eau n'était pas claire, l'électricité était coupée. J'ai voulu me plaindre aux PTT, les lignes étaient toutes occupées. J'ai voulu me déplacer, les carrefours étaient embouteillés. À la mer, l'écume était foncée, les vagues s'embrouillaient. Et quand est venue l'heure de dîner, tout était avarié. Bref. J'ai presque tout essayé, il n'y avait rien à faire. Alors je suis rentré. Comme le générateur de quartier rationnait, j'ai allumé la télé. Les partis en baillant s'accusaient d'insuccès. Pendant que les droits de la femme étaient violés, que la jeunesse désespérait, que l'avenir disparaissait.
J'ai allumé la télé et partout la faillite frappait. J'ai allumé la télé, les députés venaient de proroger. Ma voix se faisait kidnapper, c'est tout ce qui m'était resté.
Je ne pensais pas qu'ils oseraient. Près de six ans étaient passés et ils n'avaient absolument rien fait. Près de six ans étaient passés et ils n'avaient fait que chômer. Six ans de pillage organisé, pour un salaire que je payais.
Mais au final, cette audace sans limite et sans impunité, c'est moi qui l'avais cautionnée. Ils m'ont pris pour un con et j'avais laissé faire. L'insécurité qui menaçait, les guerres sectaires que l'on risquait, les terroristes qui enlevaient, les policiers qui regardaient et l'armée qui s'alarmait. Ils n'ont jamais légiféré et ont mis des entraves à tout progrès. Ce n'était jamais le bon moment pour changer. Dans une région où on brillait, on n'était plus qu'un pays d'attardés. Sans scrupule et sans sourciller, ils nous avaient tous bien bernés. Sans scrupule et sans sourciller, on ne les a jamais inquiétés. Ils venaient de proroger et faisaient comme si de rien n'était.
Je m'étais offert un karcher. Un joli petit karcher pas cher. Tout beau, tout vert, il avait tout pour plaire. Il me fallait tout nettoyer pour préparer l'hiver. Je voulais tout nettoyer, histoire de bien recommencer. Mais je ne pouvais pas l'utiliser. Il me fallait me révolter.
Le lendemain sans trop penser, sans karcher et sans hésiter, je me rendais au Parlement, pour y donner un coup de balai.

Je m'étais offert un karcher. Un joli petit karcher pas cher. Tout beau, tout vert, il avait tout pour plaire. Je voulais tout nettoyer pour préparer l'hiver. Me sortir de cet immobilisme répété, cet abrutissement généralisé, bête comme une rime en é. Je voulais tout nettoyer, histoire de bien recommencer. Mais l'eau n'était pas claire, l'électricité était coupée. J'ai voulu me...

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