Tous ceux qui misaient sur un déblocage international suite à un accord entre l'Iran et la communauté internationale sur le dossier nucléaire ont été bien déçus. Depuis les annonces de la prolongation des négociations jusqu'au mois de juin 2015, les analyses et les spéculations foisonnent, certains voulant y voir l'incapacité des protagonistes à s'entendre et d'autres préférant se convaincre que les protagonistes ne peuvent pas accepter un échec des négociations. Ces interprétations divergentes se répercutent aussi au Liban, selon la division politique traditionnelle entre le 14 et le 8 Mars. Pour le 14 Mars, les négociations de Vienne ont abouti à un échec qui ne veut pas être officialisé et il y a peu de chances que ce qui n'a pas été réglé en plus d'un an de négociations le soit en sept mois supplémentaires. De son côté, le 8 Mars est convaincu que l'accord est pratiquement conclu mais qu'il faut du temps pour qu'il puisse se concrétiser, surtout à cause de l'opposition déclarée de l'Arabie saoudite, d'Israël... et de la France.
Face à ces thèses opposées, il existe une troisième selon laquelle le principe de l'accord est acquis, mais que ce sont les détails qui ne sont pas encore finalisés. Les partisans de cette thèse estiment que ce n'est certes pas le dossier nucléaire qui est en jeu, sachant que depuis la Seconde Guerre mondiale et l'envoi des bombes atomiques américaines sur le Japon aucune bombe de ce type n'a été lancée. Il est clair que même les pays qui possèdent la bombe savent qu'ils ne peuvent pas l'utiliser. Mais la détention de la bombe permet au pays qui la possède de s'imposer sur la scène internationale et c'est en ce sens qu'elle devient importante. C'est pourquoi, selon les partisans de cette thèse, le dossier nucléaire iranien ne pose pas véritablement de problème, surtout qu'aujourd'hui avec les nouvelles armes fabriquées par les Iraniens, notamment le missile balistique Fateh 4, qui ne peut pas être décelé par les radars et que le Hezbollah posséderait déjà, Israël peut être paralysé en une seule minute. Ce sont donc les conflits sur les dossiers régionaux qui ont dicté la prolongation des négociations, parce qu'il s'agit en réalité d'un report des compromis en Irak, en Syrie, au Yémen et sur bien d'autres sujets.
Toutefois, il y a désormais un grand titre : la lutte contre le terrorisme, thème sous lequel tous les pays concernés se réunissent. Reste encore à définir le terrorisme et les moyens de le combattre. Or, jusqu'à présent, l'Iran a refusé d'évoquer d'autres sujets que celui du nucléaire pendant les négociations avec les 5 pays plus un. C'est pourquoi, aujourd'hui, la véritable question qui se pose est la suivante : pendant les sept mois à venir, les dossiers conflictuels seront-ils évoqués au niveau des États-Unis et de leurs alliés, d'un côté, et l'Iran, de l'autre, ou bien s'acheminera-t-on vers des discussions régionales et de petits compromis partiels ?
Jusqu'à présent, l'Arabie saoudite ne donne pas de signaux positifs en direction de l'Iran, mais, selon ceux qui connaissent bien le royaume wahhabite, ce dernier serait convaincu qu'il faudra bien un jour parler sérieusement avec l'Iran. Surtout après le retour de l'émir Motaab, fils préféré du roi Abdallah et actuel chef de la garde royale, d'une visite aux États-Unis où il a entendu un conseil clair de la part des dirigeants américains de « dialoguer avec l'Iran ». Les spécialistes du royaume wahhabite estiment donc que ce qui entrave un tel dialogue, qui avait été entamé à un moment avant d'être brusquement bloqué suite aux développements au Yémen, c'est le fait que les dirigeants saoudiens ne veulent pas dialoguer en position de faiblesse. Ils ont donc stoppé net le dialogue et se sont tournés vers le Golfe où ils se sont lancés dans une opération de réconciliation avec le Qatar dans le cadre d'une médiation du Koweït. Les Saoudiens veulent ainsi resserrer les liens entre les membres du Conseil de coopération du Golfe avant de l'élargir au Maroc, à la Jordanie et à l'Égypte (C'est d'ailleurs la raison pour laquelle les dirigeants saoudiens ont pressé le président égyptien Sissi de se réconcilier avec le Qatar en dépit du grand différend qui les oppose). Avec un Conseil de coopération du Golfe plus solide et plus fort, les Saoudiens pensent pouvoir négocier en meilleure position avec les Iraniens. En attendant, ils ne seraient donc pas prêts à renouer le dialogue avec Téhéran. Mais au cours des sept prochains mois, cette tendance pourrait se préciser et le dialogue prendre une tournure plus concrète.
À moins que d'autres développements ne viennent une nouvelle fois bouleverser les cartes. Les partisans de la thèse selon laquelle les divergences sur les dossiers régionaux ont poussé à prolonger les négociations sur le nucléaire pensent aussi que les Russes et plus discrètement les Chinois sont opposés à la conclusion d'un accord sur le nucléaire iranien. Ils partent du principe suivant : tant que les Américains sont pris par le dialogue avec l'Iran, ils ne peuvent pas mettre tout leur poids dans le dossier ukrainien. De plus, plus la République islamique d'Iran se rapproche des États-Unis et plus elle pourrait s'éloigner de l'axe russo-chinois et des pays du Brics en général. Pour toutes ces raisons, l'accord attendu n'a donc pas eu lieu le 24 novembre, mais le jeu des grandes nations se poursuit...
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commentaires (12)
Mais quand est-ce que va-t-elle cesser le baratin enfin !
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
14 h 33, le 28 novembre 2014