Rechercher
Rechercher

Lifestyle - Hotte d’or

Un chien de sa chienne

J'étais à Séville. J'avais convaincu mon vieil ami Paco de sortir de son cercle vicieux de métempsychose à rebours : ce doux crétin est désormais persuadé, après avoir passé des années à répéter qu'il était une putain dans le gynécée de Cléopâtre ou une autre sottise de ce genre, qu'il est la réincarnation de Simone Veil, il ne porte plus, en privé, que des tailleurs Chanel rose et a appris la Constitution française par cœur. Je l'avais convaincu de me dessiner la robe que j'allais exhiber aux funérailles de cette guenon de Caynounette. Mes fils spirituels, Viktor et Rolf, m'avaient, eux, inventé une cape noire gargantuesque, incrustée de rubis et de gousses d'ail en surimpression, qui complétait divinement la robe Rabanne mi-alpaga mi-plaques de tungstène ramené de Corée du Sud. J'avais rajouté à ma tenue d'hyperdeuil une voilette en dentelles Balenciaga qu'Alexander Wang, qui me doit sa plus belle histoire d'amour (je la raconterai un jour), a cousue de ses mains. Je suis arrivée à Séville dans un jet privé en compagnie de trois de mes babies, Paloma Picasso, Lisa-Marie Presley et Stéphanie Grimaldi. Il a été très difficile d'entrer dans la cathédrale : une foule énorme, des dizaines de milliers de personnes, voulait rendre un dernier hommage à Cayetana. Cela sentait mauvais et braillait beaucoup. Une fois installée, j'ai été littéralement alpaguée par des effluves de Narciso Rodriguez : la princesse Cristina de Bourbon-Deux-Siciles me lance un tonitruant Margottine !
Je ne pensais pas que tu viendrais, chérie, vous étiez ennemies intimes depuis quarante ans avec Cayetana, non ? Cette concierge ménopausée de Cristina. Il est vrai que Maria del Rosario Cayetana Fitz-James Stuart, la duchesse d'Albe, mon ex-amie d'enfance avec Lisbeth, la reine Élisabeth (nous gambadions toutes les trois à Buckingham du temps du roi Georges, tiens, Lisbeth n'est pas venue, naturellement...), ne m'a plus adressé la parole depuis 1972, date à laquelle je lui avais gentiment subtilisé un footballeur de 21 ans dont elle s'était amourachée. Surtout que quelques années auparavant, c'était moi que Pablo a voulu peindre en remix psychédélique de la Maja de Goya. Pas elle. Et depuis... Mais quelque chose en moi m'a obligée de me rendre à Séville. Comme une impulsion. J'avoue que j'ai été obligée de cacher trois larmes et quart lorsqu'on la mise dans le caveau. Mon mascara Guerlain a failli s'écraser. Sacrée Caynounette. Elle savait rire et me faire rire, cette chipie. Quand mon Houssam m'a quittée il y a six mois, à 21 ans, après des lustres de félicité pour une pseudo-starlette américaine au drôle de prénom, Rihanna, elle m'a envoyé un télégramme. Je sais ce que c'est, courage ma langoustine, viens te reposer à Duenas, mon nouveau jardinier est délicieux, m'avait-elle écrit. J'avais gentiment décliné : je la hais. Na. En me rendant à ma suite impériale de l'Alfonso XIII, seule, je ne supportais plus personne, j'ai éclaté en sanglots. Une fois sur mon lit, j'ai sonné, demandé une cuvée Trilennium Réserve de Veuve Cliquot, une assiette de tomates cerise avec quelques lamelles de homard bio pêché à Moncton au Canada, et une rose blanche sévillane. Vers 1h00 du matin, vêtue d'une saharienne Yves Saint Laurent et de Doc Martens bordeaux, je me suis rendue comme une Mata Hari hyperventilée au caveau de Caynounette. J'ai su convaincre le gardien : je l'ai laissé me baiser la main. En bas, je me suis assise sur la pierre et j'ai sorti de mon maxisac Michael Kors la bouteille de champagne et la rose. Je les ai posées. Je me suis levée. Mais j'étais sûre, sûre et certaine, en partant, d'avoir entendu Maria del Rosario Cayetana Fitz-James Stuart siffler un air de rumba et me dire : à bientôt, hermana, miam-miam.

 

Lire la précédente Hotte d'or ici

J'étais à Séville. J'avais convaincu mon vieil ami Paco de sortir de son cercle vicieux de métempsychose à rebours : ce doux crétin est désormais persuadé, après avoir passé des années à répéter qu'il était une putain dans le gynécée de Cléopâtre ou une autre sottise de ce genre, qu'il est la réincarnation de Simone Veil, il ne porte plus, en privé, que des tailleurs Chanel...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut