Qui se promène dans Beyrouth ces jours-ci est pris d'une drôle de sensation, à la limite de l'hallucination. Des drapeaux libanais tout neufs et propres de toutes tailles s'étalent sur les façades des immeubles – gouvernementaux et autres –, des panneaux publicitaires vantent des produits de consommation bradés à l'occasion de l'indépendance...
J'aime ne serait-ce qu'un peu ce pays qui colle à ma peau comme le sparadrap du capitaine Haddock. Et je ne peux que pleurer devant ces manifestations dérisoires de patriotisme. L'indépendance n'est plus qu'une occasion de faire du commerce, une Saint-Valentin sans sentiments et sans patron. Pas de président, pas de défilé. L'armée est bien trop occupée sur tous les fronts pour parader devant des responsables qui n'ont jamais aussi mal porté ce qualificatif et qui, par leurs bisbilles, mettent à mal ses sacrifices et ses efforts. Certains soldats ont été livrés à des factions étrangères, aux mœurs d'un autre âge ; leurs vies se jouent depuis à la roulette russe, mettant à rude épreuve les nerfs de leurs mères éplorées et les nôtres, soupçonnant que leur élimination déchaînerait un cyclone qui plongerait le pays dans un puits sombre et sans fond.
Le peuple, complètement anesthésié, est occupé à assurer son pain quotidien à la sueur de son front. Le travail se fait rare, les menaces de faillite et de licenciement se font plus nombreuses, la vie quotidienne se fait de plus en plus chère, les enfants ne rêvent que de partir ailleurs, n'importe où mais loin de ce qu'ils ressentent comme un boulet indigne de leurs ambitions et de leurs aspirations.
Les députés, eux, se sont octroyé une rallonge. Ils sont bien les seuls à être satisfaits de leurs performances. Nous les avions choisis il y a cinq ans, espérant je ne sais quel miracle qui les rendrait plus productifs que leurs prédécesseurs... Il faut croire que nous étions bien naïfs. Non seulement ils n'ont rien produit, mais ils ne veulent plus partir. Incapables de se réunir pour élire le seul président chrétien d'une région en pleine guerre de religions, ils se sont quand même donné le mot pour se retrouver et s'octroyer une rallonge. Il ne faut pas s'étonner ensuite qu'on se prenne pour des pigeons ! Des pigeons que nos hommes politiques n'ont pas fini de plumer.
Six mois sans président... Trois candidats déclarés. Personne ne nous a demandé notre avis. S'ils avaient pris la peine de nous interroger, nous leur aurions dit que nous ne sommes ni gérontophiles, ni revanchards, ni amorphes ; et que, parmi eux, il y en a qui auraient porté nos aspirations bien loin. Mais nous sommes invisibles à leurs yeux et muets à leurs oreilles.
Alors ce 22 novembre, j'oublierai ce que ce jour représente. J'oublierai mes martyrs, mes disparus, mes défunts grands hommes d'État, mes rêves et mes illusions. Je m'enfermerai chez moi, je dépoussiérerai mes armoires et je ferai chez moi ce que je suis incapable de faire dans la sphère publique : le grand ménage !
Carine CHAMMAS
commentaires (2)
SI LES LIBANAIS SE LIBÉRAIENT DES PANURGES QUI LES GUIDENT DE CATASTROPHE EN CATASTROPHE... ET SE DÉBARRASSAIENT DE LEURS QUALIFICATIONS DE MOUTONS DE PANURGES.. .CAR FANATISÉS AUX UNS OU AUX AUTRES... ILS TOMBERAIENT DANS LES BRAS LES UNS ET DES AUTRES ET LE PAYS SERAIT SAUVÉ ! MAIS... SI... SI... ET SI...
LA LIBRE EXPRESSION
12 h 18, le 23 novembre 2014