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Moyen Orient et Monde - Les lettres de Jacqueline A.

À l’attention de M. Mazloumian

Mon cœur saigne. Mon cœur saigne depuis que j'ai lu dans le journal que votre hôtel était fermé et que vous n'aviez plus d'espoir de le rouvrir. À cause de la guerre.
Mon cœur saigne, M. Mazloumian, car votre hôtel fait partie de ma vie.
Mon cœur saigne, car le Baron est un des souvenirs d'enfance que je chéris le plus.


Mes parents et moi y avions passé une semaine je crois. C'était dans les années 50. J'avais rapporté un bon carnet de notes à la maison, papa voulait en faire une fête. Ce qui tombait bien car les vacances débutaient. En quelques heures, les valises étaient chargées dans la voiture, une Ford je crois, une américaine en tout cas, et nous prenions la route. Maman était un peu chamboulée, elle avait l'improvisation en horreur. Elle avait dû dire à papa quelque chose du genre : « Mais voyons Georges, nous ne savons même pas où nous allons ? » Papa avait dû lui répondre : « Mais Nada, nous allons à Alep ! » Il avait dû partir d'un grand éclat de rire et maman avait rapidement retrouvé le sourire. Ma mère était un paradoxe. L'organisation et la planification étaient ses valeurs cardinales, mais au fond, elle aimait mon père pour sa spontanéité.

 

Combien de temps avait pris ce voyage de Beyrouth à Alep ? Il me semble qu'en un rien de temps, nous nous sommes retrouvés devant le Baron.
Pour être tout à fait honnête M. Mazloumian, je n'ai pas de souvenirs précis de votre hôtel à ce moment-là. Même de ce voyage, je garde peu de souvenirs clairs, plutôt des sensations, des émotions. Quelques images, dont je ne sais pas si elles sont réelles ou le produit d'un passé lustré par les années. Mais de ces vacances, je garde une impression de douceur et de joie. Nous étions heureux tous les trois.

Ah si, ça me revient maintenant! Je me souviens des téléphones en bakélite. Et des armoires dans les chambres, tellement grandes que je pouvais m'y cacher.
Je me souviens aussi clairement de papa me racontant, le dernier soir, que dans cet hôtel, votre hôtel, Agatha Christie avait écrit Le crime de l'Orient-Express. J'avais eu du mal à dormir cette nuit-là.
Papa adorait Agatha Christie, maman préférait les romans à l'eau de rose. Aujourd'hui, dans la bibliothèque en face de mon lit, il y a une ligne jaune, les tranches de la série Agatha Christie publiée par cette célèbre maison d'édition dont le logo est une plume traversant un masque.

 

Quelques années plus tard, c'est aussi chez vous que nous avons passé quelques nuits, mon mari et moi. Pendant notre voyage de noces, en 1965. De ce voyage, je garde des souvenirs précis.

 

M. Mazloumian, je ne peux me résoudre à la disparition du Baron. Je comprends votre situation, les balles qui sifflent, la guerre. Moi, la Libanaise, je comprends très bien. Mais si le Baron disparaît, une époque disparaît. Une certaine innocence ? De nouveau.
Si vous abandonnez, vous m'amputez d'une partie de ma vie, ma jeunesse qui plus est. On ne fait pas ça à une vieille dame.

Bien à vous,
Jacqueline A.

 

La précédente lettre de Jacqueline A.

 

 

 

Mon cœur saigne. Mon cœur saigne depuis que j'ai lu dans le journal que votre hôtel était fermé et que vous n'aviez plus d'espoir de le rouvrir. À cause de la guerre.Mon cœur saigne, M. Mazloumian, car votre hôtel fait partie de ma vie.Mon cœur saigne, car le Baron est un des souvenirs d'enfance que je chéris le plus.
Mes parents et moi y avions passé une semaine je crois. C'était...

commentaires (3)

TROP DE PÉRIPÉTIES AVEC VOTRE FILLE, TRÈS CHÈRE MADAME ÉMILIE SUEUR, ON LIT CES DERNIERS TEMPS. SMALLAH... ALLAH I KHALLILIK YÉHA ! TROP FILLE À PAPA ET MAMAN... CHOU MIGNONNE !

LA LIBRE EXPRESSION

09 h 37, le 21 novembre 2014

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Commentaires (3)

  • TROP DE PÉRIPÉTIES AVEC VOTRE FILLE, TRÈS CHÈRE MADAME ÉMILIE SUEUR, ON LIT CES DERNIERS TEMPS. SMALLAH... ALLAH I KHALLILIK YÉHA ! TROP FILLE À PAPA ET MAMAN... CHOU MIGNONNE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 37, le 21 novembre 2014

  • Je ne le connais point cet hôtel, la seule fois où j'ai voulu traverser la frontière, on m'a fouillé, refouillé ma famille et moi, un peu plus ils plongeaient dans le pampers de ma nièce ils se sont rabattus sur les bouteilles d'eau, ils avaient soifs eux mais la petite non. Alors je vais vous dire mais qu'est ce que je m'en fiche du Baron, des hôtels d'Alep, de Damas...... Nous devrions peut-être pleurer nos hôtels, nos maisons, nos souks, notre Liban détruits par ces mêmes mains qui ont détruit Baron et consort, et jeté aux orties notre insouciance Votre fille qui ne l'oublions pas est avocate, et qui n'a sûrement pas connu le Baron doit me comprendre Pavla Riga

    RIGA Pavla

    08 h 12, le 21 novembre 2014

  • Les Libanais ont eu leur lot d'hôtels "disparus", n'est-ce pas, bien avant ce "Baron"-là ! E.g. ? Le Saint-Georges.... déjà !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    05 h 27, le 21 novembre 2014

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