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Liban - Liban

Célébration en grande pompe de la première phase de réhabilitation du dépotoir de Saïda

Les détracteurs du projet notent des lacunes dans le tri et craignent que la pollution ne fasse toujours des ravages, ce qui est démenti par la municipalité et le Pnud.

Des enfants esquissant une danse face à un parterre de personnalités lors de la célébration de la réhabilitation du dépotoir. Photo Ahmad Mantache

La municipalité de Saïda a sorti hier le grand jeu pour célébrer la fin de la première phase de la réhabilitation du tristement célèbre dépotoir de la ville. Un impressionnant défilé de personnalités a été vu sur le lieu de célébration, à deux pas d'un monticule d'environ huit mètres de haut qui remplace l'énorme montagne de plus de 50 mètres qui s'y trouvait il y a à peine plus d'un an : les ministres actuel et ancien de l'Environnement, Mohammad Machnouk et Nazem el-Khoury, le ministre de l'Intérieur Nouhad Machnouk, les députés de Saïda Bahia Hariri et Fouad Siniora, la chef de la Délégation de l'Union européenne (UE) au Liban Angelina Eichhorst, le représentant du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud, organisation qui a supervisé le projet de réhabilitation), Luca Renda, l'ambassadeur de bonne volonté pour le Programme des Nations unies pour l'environnement (Pnue) Ragheb Alamé, le président du conseil municipal Mohammad Saoudi et bien d'autres personnalités.


Les visages étaient souriants, les élèves des écoles avaient été conviés pour fêter ce qui a été présenté comme un renouveau pour la ville dans toutes les allocutions prononcées. Mohammad Machnouk s'est félicité de cette « réalisation » et a appelé à la réhabilitation des quelque 700 dépotoirs sauvages du Liban, ainsi qu'à un changement de mentalité. Fouad Siniora a vanté la résilience de la ville, « capable de vaincre les problèmes les plus insolubles ». Il est vrai que l'odeur pestilentielle a presque disparu, que la silhouette fantomatique du dépotoir le plus cauchemardesque de la Méditerranée (ouvert pendant près de quarante ans) a laissé la place à une décharge sanitaire bien plus modeste en taille. Autour de l'ancien site, un brise-lames qui l'enferme totalement, afin de protéger la mer de la pollution. Juste au sud de l'ensemble apparaît l'usine de tri et de compostage qui dessert dorénavant la ville. Un peu plus au nord sera bientôt aménagé un jardin.
Mais à quel prix ? Des critiques ont accompagné l'exécution de ce projet depuis ses débuts et n'ont pas tari au terme de sa première phase : la rapidité de l'exécution (par comparaison, la réhabilitation du dépotoir du Normandy, à Beyrouth, a duré de nombreuses années) serait due, selon les détracteurs, à une absence de tri des déchets du dépotoir, des remblais auraient été balancés tels quels dans la mer... Interrogé sur ces questions par L'Orient-Le Jour, Edgar Chéhab, représentant adjoint du Pnud au Liban, affirme qu'un tri a bien été effectué sur le site et que le travail a été mené « suivant des standards internationaux ». « Nous avons séparé les matières organiques des matières non organiques, sans étendre le tri aux matières plastiques et autres, indique-t-il. C'est ce qui explique que la réhabilitation du dépotoir n'a pas pris plus de temps que cela. Les matières organiques ont automatiquement été placées dans la décharge sanitaire (dotée d'une géomembrane protectrice). Une fois que nous avons isolé les matières inertes, nous les avons testées. Celles qui se sont avérées non polluées seront utilisées pour le jardin, les autres se sont retrouvées dans la décharge. Sans compter que le dépotoir contenait, à hauteur de 40 %, des remblais résultant des destructions datant de la guerre. »

 

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Déchets effondrés
À propos de la décharge, Edgar Chéhab nous informe qu'elle a été entièrement fermée (elle le sera pour sept ans) de manière que les matières organiques qui s'y trouvent n'aient aucune interaction avec l'extérieur, en vue d'éviter tout risque d'incendie. Elle sera dotée, selon lui, de tuyaux pour évacuer les liquides libérés par les déchets (lixiviat) et des cheminées pour évacuer et traiter les gaz, à l'aide de biofiltres, des installations qui seront sur place avant la fin de l'année.
Ibrahim Bsat, vice-président du conseil municipal, assure lui aussi à L'Orient-Le Jour qu'un tri des déchets a bien eu lieu. « Les consultants du ministère de l'Environnement et des Nations unies étaient continuellement sur place pour tout vérifier », dit-il.


Ces arguments sont loin de convaincre Osmat Kawas, directeur de Saïda TV, rencontré à son bureau quelques rues plus haut. Il assure que son équipe a surpris maintes fois durant cette année des bulldozers rejetant les déchets dans l'eau face au brise-lames, et qu'il a posté des vidéos sur son site pour le prouver. « La dernière vidéo que nous avons produite, qui montre un camion portant le logo d'une société de traitement des déchets et déversant un tas de pneus sur le site, date de dimanche, donc de la veille de cette célébration (tenue hier) », dit-il.
« Nous avons eu l'occasion de discuter de toute cette affaire avec les personnes concernées, notamment l'entrepreneur, reprend-il. Si la machine de tri sur le site devait être utilisée pour 1,5 million de tonnes de déchets, cela aurait pris des années. D'ailleurs, les responsables ont reconnu, au cours de nos contacts avec eux, qu'une opération de tri en bonne et due forme serait trop longue et trop coûteuse. Il a été décidé, selon nos informations, de traiter le dépotoir par couches plus ou moins anciennes. Mais nos inquiétudes sont loin d'être dissipées car nous sommes convaincus que les remblais jetés à l'eau sont pollués, et que, malgré le brise-lames, cette pollution finira par gagner la mer et les sources d'eau dans le sous-sol marin. »
À propos des déchets déversés dans l'eau face au brise-lames, M. Bsat avance l'explication suivante : « Il est vrai qu'une partie du dépotoir s'est effondrée durant le travail, mais c'était un cas de force majeure. Au début des travaux, de très importants incendies ont éclaté sur le dépotoir. Les équipes de pompiers et de la Défense civile ont demandé à la municipalité de construire une route sur le dépotoir, ce que nous avons réclamé à l'entrepreneur. C'est en construisant cette route qu'une quantité de déchets s'est retrouvée dans l'eau, mais elle en a été retirée. »
Osmat Kawas émet de sérieux doutes sur ce dernier point et pense qu'il est toujours possible de traiter les déchets afin d'éviter une contamination à grande échelle.

 

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Le remblayage de plus de 500 mille mètres carrés
Le projet qui prend la place du dépotoir transforme radicalement le site. Ibrahim Bsat précise que le jardin public bientôt aménagé aura une superficie de 35 000 mètres carrés et la décharge occupera 65 000 mètres carrés. Quant à la superficie juste au sud de la nouvelle décharge, entourée par le brise-lames et aujourd'hui toujours remplie d'eau de mer, elle sera entièrement remblayée pour ajouter une superficie de 550 000 mètres carrés. « Nous voulions la remblayer avec le sable de la mer, mais le ministère de l'Environnement a refusé ce projet en raison de son impact environnemental, dit-il. Nous allons donc utiliser du sable venu d'ailleurs, mais cela risque de prendre du temps. »
Le responsable municipal précise que l'intégralité du projet dispose d'un budget de 45 millions de dollars, dont 20 millions sont parvenus sous forme d'un don d'Arabie saoudite, et le reste des fonds a été assuré par l'État libanais.


Qu'en est-il de l'utilisation de tous ces terrains ? « La superficie de la décharge pourrait être ajoutée au jardin public, mais il est trop tôt pour en parler, répond-il. Le terrain remblayé fera partie des biens-fonds maritimes, nous allons œuvrer pour qu'il devienne propriété municipale. Il est certain que le terrain sera utilisé pour le bien public et non pour des intérêts individuels. »
C'est cet aspect qui révolte le plus Rima Tarabay, vice-présidente de l'association Bahr Loubnan. « Même si des déchets non traités ont été jetés dans l'eau devant le brise-lames, cela n'a aucune importance puisque tout va être bétonné, dit-elle. La vraie catastrophe écologique, c'est le remblayage. » Pour elle, le remblayage de la côte modifie celle-ci en profondeur, de manière à tuer les organismes qui sont à l'origine de la chaîne alimentaire, frappant de plein fouet toute la biodiversité marine, notamment les populations de poissons dont vivent les pêcheurs. La construction sur la côte entraîne également, selon elle, des modifications dans les courants maritimes et dans les transports des sédiments, dont le rôle essentiel est de réapprovisionner les plages en sable et galets, leur assurant ainsi un équilibre de protection des plages.
« À côté du dépotoir se trouvait une plage de sable tout à fait intacte, qui était un bien-fonds maritime, et pouvait être utilisée par le public en tant que telle, ajoute-t-elle. Je fais assumer aux responsables politiques locaux ainsi qu'à l'ancien président de la République la responsabilité du décret qui a rendu tout cela possible. »

 

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