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Liban - Conférence

Repenser sa ville pour réinventer son avenir

Des experts ont passé à la loupe, durant deux jours à Beyrouth, les moyens de rendre les villes de la région Mena plus vertes et durables. Autant dire que la tâche n'est pas aisée...

Photo Dalal Medawar.

Quand il vous faut deux heures de route, en comptant une demi-heure pour trouver une place de parking, afin de vous rendre à une conférence intitulée « Vers une feuille de route pour des villes durables dans la région Mena (Moyen-Orient-Afrique du Nord) », le moins qu'on puisse dire est que vous joignez la pratique à la théorie ! Des villes durables, ce sont notamment celles où le secteur du transport est conçu afin de réduire le trafic et s'adapter aux besoins de la population, où les espaces verts sont bien présents, inclus sur les toits, où la satisfaction des besoins en énergie et en eau prend en compte les ressources disponibles, où l'économie d'émissions de gaz à effet de serre fait partie du quotidien et des politiques... C'est de ces sujets et d'autres qu'ont débattu les participants à cette conférence régionale tenue mardi et mercredi à Beyrouth, organisée par la Fondation Friedrich Ebert et l'Institut Issam Farès de l'AUB.

Interrogé sur les concepts de durabilité à retenir pour la région Mena, Nicola da Schio, spécialiste en environnement urbain à Sciences po, Paris, précise qu'outre les concepts universels, il faut tenir compte des spécificités locales. « L'objectif n'est pas de dupliquer dans cette région des expériences réussies ailleurs, dit-il à L'Orient-Le Jour. Nous voulons définir quels sont les critères de réussite dans ce domaine et tenter d'identifier les » ingrédients « de progrès dans les villes de la région Mena. » Selon lui, le premier facteur de durabilité est un leadership ambitieux et visionnaire. « Ces leaders doivent avoir le courage d'aller au-delà des problèmes quotidiens pour initier une véritable révolution, sans se laisser intimider par les groupes d'intérêts, explique-t-il. Ils peuvent faire partie de l'administration ou être issus de la société civile. »

Une fois que ces leaders sont identifiés, il reste à trouver les moyens de fédérer tous les acteurs concernés. « Ces acteurs sont ceux qui peuvent fournir des fonds, ceux qui accordent une légitimité politique à cette action et ceux qui connaissent bien le terrain, poursuit M. da Schio. La connaissance du terrain est cruciale : pour des mesures de trafic par exemple, il faut analyser les mouvements de déplacement de la population pour déterminer les besoins à satisfaire. » Il ajoute que réunir ces trois types d'acteurs est nécessaire non seulement pour leur apport au développement de la ville, mais aussi parce qu'il est très important que les mesures prises soient approuvées par tout le monde, sous peine d'être de courte durée.

« Outre le leadership et la mobilisation de tous les acteurs concernés, il faut s'assurer que l'approche envisagée est globale, ajoute-t-il. Si on se limite à une approche sectorielle, les solutions resteront lacunaires : à titre d'exemple, on ne peut considérer séparément le problème du trafic, un des principaux responsables des émissions de gaz dans l'atmosphère, et celui de la hausse de la température en ville. Cette approche intégrée est plus efficace qu'une série de solutions qui peuvent se révéler contradictoires. »

 

(Pour mémoire : La société civile se mobilise contre le projet d'autoroute « Fouad-Boutros »)


À la question de savoir par quels moyens réaliser tous ces objectifs dans une ville, l'expert a estimé que les études sont importantes, mais que c'est surtout l'action qui compte. « Une bonne approche serait d'examiner ce qui se fait dans des villes qui présentent des similitudes et de l'adapter à la sienne, souligne-t-il. Le plus intéressant, dans les échanges entre villes, c'est non seulement de s'inspirer des réussites, mais également de tirer les leçons des problèmes rencontrés par les autorités de ces villes. » Il recommande également que les fonctionnaires des différents départements ne restent pas cloisonnés dans leurs bureaux, mais qu'ils communiquent avec leurs collègues des autres départements.

Éloigner les voitures des centres-villes
Leadership, fédération des acteurs concernés, connaissance du terrain et communication... Comment appliquer tout cela à Beyrouth, qui a désespérément besoin de mesures environnementales ? « Il faut tout d'abord un transport public décent, efficace, ponctuel et peu polluant, estime Nadim Farajallah, directeur du programme de recherches à l'Institut Issam Farès. Il serait utile de rendre l'entrée des voitures individuelles dans la ville plus difficile : si l'essence et les parkings deviennent plus chers, cela favorisera le recours au transport public. Après cela viennent les projets plus sophistiqués : le transport intelligent, les parkings, les rues piétonnes... Beaucoup de zones seraient favorisées si elles devenaient piétonnes, notamment les centres-villes. »

 

(Pour mémoire  : Un circuit de bus et une seule ligne ferroviaire, des promesses bien maigres pour le transport public au Liban)


Quelles sont les modalités d'action, selon lui ? « Je ne crois pas qu'il faudrait choisir entre une approche de bas en haut ou une approche de haut en bas, répond-il. Je suis persuadé qu'il serait judicieux d'intervenir à trois niveaux : les cadres supérieurs, les cadres moyens et la société civile. Pour ce faire, il convient de lancer en parallèle une campagne de sensibilisation et une campagne d'amélioration des capacités, à tous les niveaux. C'est ce qui permettra aux habitants de connaître non seulement leurs droits et leurs devoirs, mais aussi les options qui pourraient être les leurs. Sur un autre plan, demander des comptes aux responsables fait bouger les choses. C'est là que le rôle des médias est déterminant et qu'il faut améliorer leurs capacités à effectuer un suivi des dossiers, à condition qu'ils soient couverts par une justice efficace. En définitive, il est nécessaire que les mesures prises soient convaincantes pour la population et acceptables pour les autorités, sinon elles restent lettre morte. »

Interrogée sur sa vision d'un Beyrouth plus durable, Raya Haddad, qui fait partie de la Coalition nationale sur le transport durable, un rassemblement d'ONG, évoque d'emblée « la nécessité d'installer un système de transport public rapide : des bus, des tramways, des voies pour cyclistes... ». « Nous voulons encourager les citadins à se déplacer à pied ou à bicyclette, dit-elle. Pour cela, il faudrait appliquer le code de la route et même adopter de nouvelles lois plus favorables aux piétons et aux cyclistes. Il est nécessaire que les gens se respectent, sachant que l'espace est exigu et que tout le monde en pâtit. »

 

(Lire aussi : A Beyrouth, « Bikeathon 2014 » défend un mode de vie plus respectueux de l'environnement)


L'atelier de travail s'est également penché sur des problématiques telles que le changement climatique et son impact sur les villes : celles-ci en sont victimes et responsables en même temps, en raison des émissions qui émanent des activités humaines. La résilience des villes face aux phénomènes climatiques extrêmes a été abordée. Des approches intégrées pour des politiques globales sur l'eau, l'énergie et la nutrition ont été exposées, avec leur cortège de mesures pour améliorer la qualité de l'air, augmenter les espaces verts en profitant des murs verticaux et des toits, adapter les infrastructures, créer des espaces publics...

 

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