Pendant dix ans, Monsieur le Président, j'ai enseigné à Paris. En primaire, dans une petite école du 15e. De bien belles années. Mais pas toujours faciles, notamment parce que ma fille a été dans ma classe deux ans, CE1 et CE2. Difficile de trouver la bonne distance quand votre enfant devient votre élève. Ma fille était une bonne élève, mais elle a toujours eu son caractère. Je n'aurais pas aimé l'avoir au collège ou au lycée. Ah non !
Aujourd'hui, je suis retraitée, à Beyrouth, chez moi. L'élève qui m'a le plus marquée n'est pas ma fille – vous ai-je dit qu'elle est avocate ma fille ? –, c'est le petit Jean-Luc.
Je l'ai eu en CM1. Il était grand pour son âge, un peu dégingandé, et toujours un épi au sommet du crâne. Un enfant charmant, plutôt jovial, agréable. Et loin d'être idiot. Jean-Luc a commencé l'année sur les chapeaux de roue. De bonnes notes en classe, un vrai talent de meneur dans la cour de récréation.
Mais en février, au beau milieu de l'année, ses notes ont commencé à dégringoler, son comportement à changer, il s'est isolé. J'ai tout essayé pour inverser la tendance. Je l'ai motivé, grondé, je lui ai donné des gommettes, j'ai essayé de le faire parler, je l'ai encadré, soutenu... En vain. La chute libre. Je n'ai jamais su pourquoi. À la fin de l'année, son redoublement a été voté en conseil de classe, mais il a changé d'école. J'ai harcelé la direction pour avoir une adresse, un numéro de téléphone. Je suis même allée au rectorat. Apparemment, il était sorti du système public. Je ne l'ai pas retrouvé. C'était différent à l'époque, il n'y avait pas l'Internet, seulement le bottin. J'ai essayé pourtant. Vraiment.
Cher François, hier au petit déjeuner, ma fille m'a parlé de vos notes.
12 % des Français estiment que votre bilan est positif. 1 % qu'il est « très positif ». Donc un total de 13 %. Ramené sur 10 ? Ça fait combien François? Ça fait 1,3 sur 10. Chez moi, 1,3, c'est une très mauvaise note François.
Poursuivons.
97 % des Français estiment que vous avez « plutôt échoué » dans la politique de l'emploi. 78 % des personnes interrogées vous refusent le qualificatif de « compétent ». François, ce n'est pas bon tout ça. Mais tout n'est pas noir François. Sur le mariage pour tous, vous avez la moyenne, la moitié des Français sont contents de votre loi.
François, l'année n'est pas finie. Loin d'être finie. Je vais te donner un petit exercice. Tu vas choisir une réforme, celle que tu veux. Une petite réforme, toute simple, toute bête. On ne va pas aller dans les complications maintenant. Cette réforme, François, tu vas la mener à son terme. Tu la choisis, tu me dis ce que tu as choisi, et tu la mets en œuvre. En entier, sans rien changer. Une seule réforme. Voilà, c'est ton devoir pour lundi.
Mon petit François, il est temps de se ressaisir. Je sais que tu peux remonter la pente. Un peu de détermination, un peu de concentration, et de la volonté que diable !
Allez mon petit François, je compte sur toi.
Avec tous mes encouragements,
Jacqueline A.
La précédente lettre de Jacqueline A.
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Surtout, ne pas le faire redoubler!
Yves Prevost
06 h 51, le 08 novembre 2014