D'elle, on connait ses surnoms, "Rehana", "l'ange de Kobané". On connaît aussi son visage, qui a fait le tour du monde. On sait qu'elle est Syrienne. A partir de ces éléments, une histoire est née, qui a évolué, changé, gonflé...
De simple volontaire d'un groupe de protection local, Rehana est devenue victime, décapitée par les jihadistes du groupe Etat islamique, avant de ressusciter sous la forme d'une tueuse de jihadistes, d'un symbole de la résistance contre l'EI à Kobané, troisième ville kurde de Syrie.
Tout commence avec une photo de la jeune femme, en treillis, l'arme au pied et faisant le "V" de la victoire, postée le 23 août sur un blog pro-kurde "Bijikurdistan". La jeune femme est présentée comme étant membre du YPG, (Unités de protection du peuple kurde), la branche armée du PYD, principal parti kurde de Syrie.
A partir du 10 octobre, cette même photo est juxtaposée à celle d'une femme décapitée par un jihadiste. Elle fait le tour des réseaux sociaux. Trois jours plus tard, un bloggeur indien, Pawan Durani, décide de rendre hommage à celle qu'il baptise "Rehana". Selon lui, la jeune femme a tué 100 jihadistes de l'EI.
Rehana has killed more than a hundred #ISIS terrorists in #Kobane . RT and make her famous for her bravery pic.twitter.com/YvmfXMpuu1
— Pawan Durani (@PawanDurani) October 13, 2014
"Retweetez et rendez la célèbre pour sa bravoure", écrit-il. Plus de 5 000 personnes le feront.
Un mythe est né.
Dès le lendemain, l'histoire est reprise par plusieurs médias, dont l'International Business Times qui fait de "Rehana" "l'héroïne de Kobané". La rumeur de sa décapitation arrive en Europe avec le tabloïd britannique Daily Mail, selon qui "Rehana" aurait combattu dans les rangs de YPJ, branche féminine du YPG. Puis le Daily Mirror, également britannique, dément son décès, soulignant que selon "un journaliste kurde" "Rehana" est bien vivante. Ce journaliste kurde n'est autre que le bloggeur indien...
Alors que la rumeur ne cesse de gonfler, un journaliste suédois, Carl Drott, qui s'est rendu à de multiples reprises dans les régions kurdes de Syrie, entre en scène.
"Arrêtez les rumeurs. Je l'ai rencontrée à Kobané en août, elle ne fait pas partie du YPJ et il ne s'agit pas de la femme décapitée", tweete-t-il.
Mais alors, qui est "l'ange de Kobané"?
"Cette femme est une volontaire dans ce que j'appelle l'unité des gardiens de maisons. Il y a toujours eu des volontaires qui aident le YPG (armée) et Asayish (police) dans les régions kurdes autonomes en Syrie", explique Carl Drott à L'Orient-Le Jour. Ces volontaires "aident dans les tâches simples, notamment au niveau des checkpoints".
Aleppo law student (unknown name, unlikely "Rehana") shown in middle of my pic & quoted here: http://t.co/k5lM16wJ1I pic.twitter.com/b6lN05Ttib
— Carl Drott (@CarlDrott) October 28, 2014
Carl Drott, qui indique ne pas connaître le véritable nom de "Rehana", affirme l'avoir rencontré le 22 août à Kobané, lors d'une cérémonie où il était le seul journaliste international présent. "Elle m'a dit qu'elle a étudié le droit à Alep et que l'EI a tué son père, dit-il. Je voulais l'interviewer après la cérémonie", précise-t-il. Pris par d'autre interviews, il ne réussira pas à le faire et ne la retrouvera pas.
La photo qui fait le tour du web a été, selon Carl Drott, prise lors de cette cérémonie. Il affirme que c'est le bloggeur indien qui a lancé la rumeur selon laquelle elle aurait tué 100 jihadistes. "Cette fausse histoire est certainement un élément de la propagande pro-kurde, mais elle n'a pas été lancée par des militants kurdes", estime-t-il.
Le 16 septembre, les jihadistes de l'EI ont lancé une offensive contre Kobané (Aïn el-Arab en langue arabe), troisième ville kurde de Syrie. La semaine dernière, des peshmergas irakiens sont entrés dans Kobané pour épauler leurs frères d'armes kurdes syriens du YPG. Selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), quelque 3 000 à 4 000 jihadistes livrent combat à environ 1 500 à 2 000 YPG à Kobané, devenue le symbole de la résistance au groupe ultra-radical responsable d'atrocités en Syrie comme en Irak.
Avant "Rehana" deux autre femmes avaient fait la une des journaux dans la bataille de Kobané. Le 5 octobre, la combattante kurde Dilar Gencxemis, identifiée par son mouvement sous le nom de guerre d'Arin Mirkan, s'est donnée la mort en provoquant celle de "dizaines" de jihadistes aux abords de Kobané. Elle est la première kamikaze kurde recensée depuis le début de la guerre civile en Syrie en mars 2011. Quelques jours plus tard, une ONG et des militants rapportaient que Mayssa Abdo, mieux connue par son pseudonyme Narine Afrine, était aux avants-postes de la bataille de Kobané contre l'EI.
La présence de femmes parmi les forces kurdes n'est pas un phénomène nouveau. Dès les années 90, ces combattantes ont connu une notoriété mondiale, notamment en menant des opérations suicide.
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De simple volontaire d'un groupe de protection local, Rehana est devenue victime, décapitée par les jihadistes du groupe Etat islamique, avant de ressusciter...
commentaires (6)
Heureux les pauvres esprit car le royaume des cieux est à eux.....
issa louis
22 h 59, le 06 novembre 2014