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Liban - Liban

Mobilisation timide mais déterminée de la société civile contre la prorogation

La société civile a bloqué hier les axes menant au Parlement pour protester contre la prorogation du mandat des députés. Un mouvement timide par le nombre mais symbolique et déterminé.

Le jeune militant Tarek Mallah arrêté et menotté pour avoir osé dire son avis. Photo Anne-Marie El-Hage

Arrêté, jeté à terre, pris à la gorge, menotté, transporté comme un vulgaire criminel à la gendarmerie du centre-ville (el-Borj), avant d'être libéré, une heure plus tard : tel est le sort qui a été réservé hier au jeune activiste Tarek Mallah pour avoir osé manifester contre la prorogation du mandat du Parlement.
« On m'arrête parce que j'ai donné mon avis », a lancé à L'Orient-Le Jour, au moment de son arrestation dans le secteur de la rue Weygand, ce membre du collectif de « L'action civile pour la reddition de comptes », comprenant plus d'une soixantaine d'associations de la société civile. Blême, encore tremblant, barbouillé d'œuf cru que les forces de l'ordre lui ont cassé sur le dos, le jeune homme n'avait d'autre choix que de se laisser embarquer par la police, alors que les dizaines de manifestants, redoublant de colère, hurlaient des slogans contre le Parlement. « Honte à vous, voleurs ! Vous avez tout usurpé, la mer et la montagne, et maintenant vous usurpez la démocratie », ou encore « Désormais, la liberté d'expression est interdite, comme l'est la liberté de vote », ou encore « Le vide constitutionnel est un moindre mal pour le peuple que votre maintien, vous, symboles de la corruption ».


Il faut dire que l'information venait tout juste de tomber. Les députés avaient prorogé leur mandat, une fois de plus, de deux ans et sept mois, par 95 voix sur 97. Emporté par sa passion, le jeune Tarek avait invité ses camarades à braver l'impressionnant cordon de sécurité et à marcher en direction du Parlement pour dénoncer « l'atteinte à la démocratie » et « au droit de vote ». Opération qui a conduit à l'arrestation de l'activiste, mais qui n'a pas mis un terme à la détermination des manifestants à « faire entendre leur voix ».
Munis d'œufs crus et de tomates, de drapeaux libanais, de calicots et de slogans contre la prorogation du mandat des députés, les manifestants avaient marché depuis le lieu de rassemblement devant le quotidien an-Nahar, qu'ils occupaient depuis le matin. Ils s'adressaient maintenant aux forces de l'ordre qui bloquaient l'accès au Parlement, rue Weygand. Pour ce faire, ils avaient contourné les cordons de sécurité formés par l'armée libanaise et les Forces de sécurité intérieure. L'ambiance était électrique, particulièrement tendue, les forces de l'ordre sur le qui-vive, prêtes à intervenir. « Il est de notre droit de nous rendre au Parlement, vous ne pouvez nous en empêcher, nous manifestons pacifiquement. Et puis nous ne sommes pas en Syrie, mais sur le territoire libanais », scandait Marwan Maalouf, qui arborait une blessure fraîche sous l'œil.


Toute la matinée, depuis 9 heures, lui et ses compagnons qui mènent campagne depuis la première prorogation de 2013, parmi lesquels Ali Mrad, Paul Abi Rached, Makram Oueiss et bien d'autres encore, avaient barré les routes menant au Parlement, histoire d'empêcher les députés de se rendre à la séance. Certains avaient bien lancé des tomates et des œufs en direction de voitures empruntées par les députés. Mais ils savaient pertinemment bien que leur action était symbolique. Que les députés n'ont eu aucune peine à se rendre au Parlement par différents moyens et que certains avaient même passé la nuit à l'hôtel. « Nous sommes des empêcheurs de tourner en rond, parce que les députés nous ont volé le Parlement et ont pris nos voix en otage », a souligné Jamal Sakaya qui n'a pas manqué de réclamer « une nouvelle loi électorale, sur base de la proportionnelle ». De son côté, Claude Jabre déplorait : « Nous sommes devenus une dictature. » Parmi les activistes, des femmes comme Nada Kaddoura et Rania Nakad sont convaincues que « les députés ont perdu toute légitimité » et que « la prorogation annule le citoyen ». « Nous voulons du sang neuf, des jeunes instruits et éduqués capables de travailler pour le pays », ont-elles martelé.


Tous, d'une même voix, s'exprimaient au nom de la Constitution libanaise, assurant que « plus de 80 % du peuple libanais est contre la prorogation du mandat du Parlement », cherchant surtout « un moyen légal de lancer un recours en invalidation ». Sauf que la manifestation qui n'a rassemblé que plusieurs dizaines de personnes, principalement des activistes engagés, a montré du doigt la grande réticence des Libanais, désabusés, à se battre pour leurs droits et pour la démocratie.

 

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Arrêté, jeté à terre, pris à la gorge, menotté, transporté comme un vulgaire criminel à la gendarmerie du centre-ville (el-Borj), avant d'être libéré, une heure plus tard : tel est le sort qui a été réservé hier au jeune activiste Tarek Mallah pour avoir osé manifester contre la prorogation du mandat du Parlement.« On m'arrête parce que j'ai donné mon avis », a lancé à...

commentaires (4)

Même pour les peuples modernes et développés, cette lutte essentielle contre le fond borné de ce statu quo pseudo-parlementaire libanais ne peut pas ne pas présenter d'intérêt. Le statisme libanais est en effet le parachèvement ouvert de l'ancien et vieux système, et cet ex-système est la tare cachée de la société moderne. La lutte contre ce présent politique, yîîîh, libanais, c'est la lutte contre le passé politique de ces peuples modernes ; en sus que les réminiscences de ce passé ne cessent de les importuner et leur casser les pieds. Il est instructif donc, pour les peuples développés, de voir l'ancien système pré-parlementaire qui a, chez eux, connu la Tragédie, jouer ici encore dans ce Grand-Liban la Comédie comme un revenant. Cet ancien et néfaste système chez les peuples modernes eut une histoire tragique, tant qu'il fut le pouvoir préexistant du monde et la Liberté une toute simple incidence personnelle ; en un mot, tant qu'il croyait et devait croire lui-même à son droit, le niais. Tant que cet ex-système luttait, comme ordre réel du monde contre un autre monde démocratique naissant dorénavant inévitablement dominant, il y avait de son côté une erreur historique, mais pas d'erreur personnelle. Et c'est pourquoi sa mort fut si tragique et elle le sera ici aussi. Ceci n’est ici ni un rêve, ni une utopie ! Et on n’aura plus besoin de dire encore n’challâh dans ce magnifique Grand Pays !

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

14 h 07, le 06 novembre 2014

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Commentaires (4)

  • Même pour les peuples modernes et développés, cette lutte essentielle contre le fond borné de ce statu quo pseudo-parlementaire libanais ne peut pas ne pas présenter d'intérêt. Le statisme libanais est en effet le parachèvement ouvert de l'ancien et vieux système, et cet ex-système est la tare cachée de la société moderne. La lutte contre ce présent politique, yîîîh, libanais, c'est la lutte contre le passé politique de ces peuples modernes ; en sus que les réminiscences de ce passé ne cessent de les importuner et leur casser les pieds. Il est instructif donc, pour les peuples développés, de voir l'ancien système pré-parlementaire qui a, chez eux, connu la Tragédie, jouer ici encore dans ce Grand-Liban la Comédie comme un revenant. Cet ancien et néfaste système chez les peuples modernes eut une histoire tragique, tant qu'il fut le pouvoir préexistant du monde et la Liberté une toute simple incidence personnelle ; en un mot, tant qu'il croyait et devait croire lui-même à son droit, le niais. Tant que cet ex-système luttait, comme ordre réel du monde contre un autre monde démocratique naissant dorénavant inévitablement dominant, il y avait de son côté une erreur historique, mais pas d'erreur personnelle. Et c'est pourquoi sa mort fut si tragique et elle le sera ici aussi. Ceci n’est ici ni un rêve, ni une utopie ! Et on n’aura plus besoin de dire encore n’challâh dans ce magnifique Grand Pays !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    14 h 07, le 06 novembre 2014

  • DE QUELLE SOCIÉTÉ OU QUELLES SOCIÉTÉS CIVILE(S) S'AGIT-IL ? DANS QUELLE BERGERIE... OU PART DE BERGERIE... LE RÉVEIL S'EST-IL MANIFESTÉ ? FORMEZ UNE SOCIÉTÉ CIVILE POUR LE BON DÉBARRAS DES ABRUTIS QUI ENTRAÎNENT LE PAYS DE CATASTROPHE EN CATASTROPHE(S) !

    LA LIBRE EXPRESSION

    13 h 37, le 06 novembre 2014

  • QUE LA RÉVOLUTION DÉMARRE POUR BALAYER TOUS CES PARLEMENTEURS. ON CROISE LES DOIGTS.

    Gebran Eid

    11 h 34, le 06 novembre 2014

  • Si elections y avait, les moutons auraient de toutes façons votés pour Panurge.

    Tzebaras Georges

    08 h 48, le 06 novembre 2014

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