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Moyen Orient et Monde - Conflit

Les peshmergas enfin à Kobané

Affrontements entre rebelles modérés et el-Qaëda à Deir Sinbel ; selon les experts, les frappes ont encouragé l'afflux de jihadistes étrangers en Syrie et en Irak.

Les peshmergas lourdement armés entrent à Kobané. Yannis Behrakis/Reuters

Les renforts de combattants kurdes irakiens sont entrés hier soir dans la ville syrienne de Kobané, assiégée par les jihadistes de l'État islamique (EI), a indiqué l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH).
En provenance de Suruç en Turquie, les quelque 150 peshmergas sont « entrés à Kobané avec leurs armes à partir de Tall al-Chaïr, à l'ouest de la ville », a indiqué le directeur de l'OSDH Rami Abdelrahmane. Selon lui, les peshmergas ont « ouvert une voie avec des bulldozers à partir de Tall al-Chaïr pour accéder à la ville et ne sont pas entrés par le poste-frontière de Mursitpinar », juste au nord de Kobané.

Leur entrée dans la ville a été précédée par de nouvelles frappes des forces de la coalition contre des positions jihadistes à Kobané, a indiqué M. Abdelrahmane, qui a fait état par ailleurs de violents combats opposant vendredi soir des jihadistes aux milices kurdes syriennes (Unités de protection du peuple, YPG). Leur convoi composé de plusieurs autocars et véhicules militaires a quitté peu avant 21h30 heure locale l'entrepôt de Suruç où ils se trouvaient depuis quarante-huit heures et pris la direction du poste-frontière de Mursitpinar, escortés par les forces armées turques et acclamés par des centaines de Kurdes massés le long de la route.

Auparavant, selon l'OSDH, des combats ont eu lieu hier après-midi dans le centre de Kobané. Les combattants kurdes ont réussi à avancer vers une position de l'EI dans le nord de la ville, après une opération ayant fait « beaucoup de morts » dans les rangs jihadistes. « Les frappes de la coalition ont visé hier des rassemblements de l'EI dans le nord et dans le centre de Kobané, détruisant des canons du groupe jihadiste et faisant des morts », a indiqué l'OSDH. En outre, dans la province de Homs, l'EI s'est emparé de la compagnie de gaz située à proximité du champ gazier de Chaer, qu'il avait pris jeudi en grande partie.

(Voir : Kobané : les images satellites avant et pendant la bataille)

 

Erdogan critique les frappes
De son côté, le président turc Recep Tayyip Erdogan a reproché hier à la coalition internationale engagée contre l'État islamique en Irak et en Syrie de concentrer ses actions sur Kobané et de ne pas avoir pris en compte d'autres territoires syriens. « Pourquoi seulement Kobané ? Pourquoi pas d'autres villes ? Pourquoi pas Idlib ? » a demandé le président turc à l'issue d'un entretien avec François Hollande à l'Élysée. François Hollande a répondu en rappelant l'aide apportée à l'Armée syrienne libre (ASL) et à l'opposition démocratique syrienne.

« Va combattre contre le régime ! »
Parallèlement, des combats opposaient hier dans le nord-ouest de la Syrie des rebelles modérés du Front révolutionnaire syrien (FRS) à des jihadistes du Front al-Nosra, branche syrienne d'el-Qaëda, qui s'insultaient sur Internet, a affirmé une ONG. Les combats, qui ont lieu près d'un bastion du FRS à Deir Sinbel, dans la région de Jabal al-Zawiya, surviennent quelques jours après qu'al-Nosra s'est emparé de plusieurs postes du FRS, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH). « Il y a de lourdes pertes des deux côtés », a précisé cette organisation. L'OSDH et les militants ont indiqué que l'accord pour un cessez-le-feu conclu jeudi soir n'est jamais entré en application. Des militants ont publié une vidéo montrant le chef du FRS, Jamal Maarouf, en habit militaire marchant avec ses combattants. Il lance à l'adresse du chef d'al-Nosra Abou Mohammad al-Jolani : « Tu as terni le nom de l'islam, tu as terni la religion. Pourquoi tu nous attaques ? Va combattre contre le régime ! » « Tu n'es rien, tu es identique à Baghdadi, espèce de salaud », ajoute-t-il, en référence à Abou Bakr al-Baghdadi, qui dirige l'EI. Al-Nosra a répondu via Twitter en accusant Maarouf de « corruption » et de « s'éloigner de la révolution ».

(Lire aussi : Pour des dignitaires d'Irak, il faut renforcer les sunnites pour vaincre l'EI)

 

L'armée irakienne dans Baïji
Par ailleurs, les forces gouvernementales irakiennes ont pénétré hier dans la ville de Baïji, au nord de Bagdad, et ont repris la main sur deux quartiers de cette localité stratégique contrôlée par les jihadistes depuis plusieurs mois, ont assuré des officiers de l'armée. Ces forces « sont entrées dans Baïji (...) et ont avancé vers les quartiers al-Sinaï et al-Tamim qu'elles ont vidés des jihadistes », selon le général Abdulwahab al-Saadi, en charge du commandement militaire dans cette région. « Nos forces sont stationnées à plusieurs endroits et à des barrages » de la ville, a ajouté le commandant Hassan Mekhlif, qui a pris part aux opérations, confirmant la prise des deux quartiers. Un autre général de l'armée a expliqué que l'assaut sur Baïji avait été précédé par des bombardements contre l'EI. Selon ce général, l'assaut sur Baïji a été interrompu par une attaque sur le quartier général du centre de commandement situé à l'Université de Tikrit, au sud de Baïji. Les insurgés, qui ont tenté de faire exploser trois voitures piégées contre le bâtiment, ont été repoussés au bout de trois heures d'affrontements, a-t-il ajouté.

Afflux de jihadistes : tendance à la hausse
Sur un autre plan, les frappes de la coalition internationale ont, selon les experts, davantage encouragé que freiné l'afflux de jihadistes étrangers en Syrie et en Irak. Quelque 15 000 combattants étrangers en provenance de 80 pays se sont rendus depuis 2010 dans la région pour rejoindre des groupes comme l'EI, soit « plusieurs fois » le total cumulé entre 1990 et 2010, met en garde ce document cité hier par le quotidien britannique The Guardian. Ce chiffre de 15 000 avait déjà été évoqué en septembre par la CIA. Il a été réévalué à 16 000 depuis et un responsable du renseignement américain a indiqué hier que les combattants étrangers continuaient de se rendre en Syrie au rythme de 1 000 par mois. « Et la tendance est à la hausse », a expliqué la même source, qui s'exprimait sous le couvert de l'anonymat.

 

(Infographie: Jihadistes français en Syrie et en Irak : tous les chiffres)

 

La plupart viennent du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord, la Tunisie représentant le contingent le plus élevé. Quelque 2 000 combattants viennent d'Europe et une centaine sont américains, dont environ une dizaine se sont rangés sous la bannière de l'EI. Le nombre des Européens surprend et interpelle les spécialistes, selon Erin Marie Saltman, analyste à Quilliam, un groupe de réflexion de Londres. Les services de renseignements français ont recensé près de 1 000 Français ou étrangers résidant en France à être partis. Simon Palombi, consultant en sécurité internationale à Chatham House, estime de son côté que les frappes sont exploitées par le groupe EI pour sa propagande. « Regardez ce que l'Occident fait aux musulmans : ce message, il l'utilise comme un signe de ralliement et il le fait de manière très efficace », explique-t-il, renvoyant notamment vers l'utilisation massive des réseaux sociaux. « La perspective de combattre la coalition internationale, et surtout les États-Unis, contribue à attirer des jihadistes du monde entier », renchérit Romain Caillet, expert des mouvements jihadistes à l'Institut français du Proche-Orient.

 

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