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Culture - Théâtre

« Le retour de Sitt Lamia », ou l’évasion d’une femme au bord de la crise de nerfs !

En solo sur les planches du théâtre Gemmayzé, Roula Hamadeh incarne, avec truculence, une femme de 46 ans confrontée à l'inévitable crise du milieu de vie.

Roula Hamadeh, magistrale en Sitt Lamia.

Elle parle au mur de sa cuisine, Lamia! Elle en a choisi un – allez savoir pourquoi celui-ci!– qu'elle a hissé au rang d'ami. Un confident muet à qui elle livre ses soucis, ses fragilités, ses rêves et frustrations de femme esseulée, engluée dans un quotidien banal, loin de son pays d'origine, loin de ses espérances de jeunesse...
Face à ce mur, Lamia, un peu beaucoup portée sur la bouteille, se laisse aller sans vergogne. Lui jetant à la face ce qu'elle aurait bien aimé cracher aux visages de certains. À commencer par son aversion pour cette voisine antipathique qui veut toujours faire mieux qu'elle et qui, s'absentant quelques jours, lui a confié son molosse «végétarien». «À nourrir exclusivement de poudre de maïs», lui ordonne-t-elle. Qu'à cela ne tienne. Frondeuse, Lamia préférera faire découvrir au chien les délices de la kebbeh bel-sanieh, qu'il avalera jusqu'à la dernière miette. Et vlan, d'une pierre deux coups! Car cette kebbeh, qui constitue le rituel culinaire du jeudi soir auquel son mari tient comme à la prunelle de ses yeux, déclenchera le début de rébellion conjugale de la dame. Et ouvrira les vannes de son ras-le-bol existentiel...


Eh oui, Sitt Lamia en a marre de tout ! De sa vie étriquée d'exilée qui, depuis son arrivée au Canada 20 ans plus tôt pour fuir la guerre libanaise, n'a plus jamais repris l'avion à cause de la phobie qu'en a développée son mari! Du vide et de la solitude qu'elle ressent depuis le départ de ses enfants du nid familial. Mais aussi et surtout, de jouer les bobonnes à son (jamais plus) tendre époux, essuyant au mieux son indifférence, au pire ses sarcasmes!


Et puis, elle a le mal du pays, Sitt Lamia. Alors, tant qu'à faire, au lieu de continuer à tourner en rond dans sa cuisine au point de friser la folie, elle va accepter d'accompagner Lila, sa meilleure amie, au Liban. Espérant y retrouver la saveur de sa vie d'avant le mariage et l'exil... Et renouer avec la Lamia de sa jeunesse, dont Youssef, son mari, adorait alors la fantaisie ! Un retour sous forme d'évasion pour cette femme au bord de la crise de nerfs. Et qui se révélera, en fin de compte, une seconde chance...

 

Rires et identification...
Dans ce Retour de Sitt Lamia, l'auteur et metteur en scène Gérard Avédissian signe (en arabe) un aussi drôle qu'émouvant portrait de femme libanaise confrontée à la crise du milieu de vie. Dessinant – un peu dans l'esprit de la Shirley Valentine de Willy Russel dont il s'est vaguement inspiré, dit-il –, d'un trait aussi savoureux que subtil, les aspirations et déceptions d'une femme réduite à son rôle d'épouse et de mère. Esquissant aussi, en filigrane, les inévitables achoppements entre les cultures orientale et occidentale, ainsi que cette terrible et sournoise usure du quotidien qui délite les liens...


Sauf que tous ces sujets graves sont traités sous l'angle de la comédie. Et portés par le jeu magistral de Roula Hamadeh. Une comédienne dont le talent n'est plus à prouver. Et qui excelle, dans ce monodrame de 70 minutes, à passer d'un registre à l'autre. De la gravité à la drôlerie, de la nostalgie à la moquerie, de la sensibilité à la truculence... Relevant le défi d'incarner, à elle seule, toute la galerie de personnages que Sitt Lamia évoque: de la voisine antipathique au mari déplaisant, en passant par les enfants exigeants ou indifférents et les copines aux antipodes l'une de l'autre, au moyen de modulations de voix, d'accents, d'intonations et d'attitudes adaptés à chacun des protagonistes de cette comédie humaine. Des personnages si justement croqués par l'auteur et si bien rendus par le jeu de la comédienne qu'ils prennent, aux yeux des spectateurs, une densité de personnes réelles. Rires et phénomène d'identification assurés.
À voir, jusqu'au 16 novembre, au théâtre du Collège des frères du Sacré-Cœur*.

 

* Jeudi, vendredi, samedi, dimanche (21h). Billets en vente au guichet du théâtre ou à la librairie Antoine.

Elle parle au mur de sa cuisine, Lamia! Elle en a choisi un – allez savoir pourquoi celui-ci!– qu'elle a hissé au rang d'ami. Un confident muet à qui elle livre ses soucis, ses fragilités, ses rêves et frustrations de femme esseulée, engluée dans un quotidien banal, loin de son pays d'origine, loin de ses espérances de jeunesse...Face à ce mur, Lamia, un peu beaucoup portée sur la...

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