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Liban - Drame

Les parents des militaires kidnappés otages à leur tour de la bataille du Liban-Nord

Le Front al-Nosra a menacé hier d'exécuter les soldats pris en otage si la troupe ne cessait pas ses combats à Tripoli.

Ali Bazzal, un des soldats otages, menacé d’exécution par al-Nosra hier, le premier d’une série d’assassinats promis.

Le combat de la troupe contre des islamistes armés à Tripoli a rallumé le feu dans la capitale du Nord qui connaissait depuis déjà plusieurs mois un calme précaire. Et si Tripoli revient sur le devant de la scène, menaçant de modifier le statut quo sécuritaire au pays, il s'agit cette fois d'un dossier beaucoup plus complexe qui non seulement oppose les soldats à des islamistes extrémistes parmi les radicaux de la capitale du Liban-Nord, mais pourrait influencer dangereusement cette fois une toute autre affaire aussi délicate et dramatique, celle des militaires pris en otage par Daëch (acronyme arabe du groupe Etat islamique) et al-Nosra depuis début août. Trois soldats ont déjà été exécutés, dont deux par décapitation.

Promesse après promesse, les proches des militaires otages vivaient jusque-là dans l'espoir que leurs fils rentreraient sains et saufs au bercail, grâce aux nombreuses négociations et médiations. Mais, depuis vendredi, ces familles suivent impuissantes les événements du Nord, conscientes du fait que le pire des scénarios qu'ils auraient pu imaginer a eu lieu et que la menace ne va pas tarder à grandir. Et en effet, hier, le Front al-Nosra a menacé d'exécuter quelques-uns de ces otages si la troupe ne cessait pas ses combats à Tripoli.

(Reportage : La mort, la peur, l'exode et de vieux souks dévastés)

« Nous mettons en garde l'armée libanaise contre une escalade militaire visant les sunnites à Tripoli, a indiqué al-Nosra dans un communiqué mis en ligne. Nous l'appelons à lever le siège et à entamer une solution pacifique, sinon nous serons amenés dans les prochaines heures à en finir avec le dossier des soldats otages chez nous, vu qu'ils sont des prisonniers de guerre. La première exécution des otages se fera ce dimanche. »

La menace d'exécution suspendue

Depuis la place Riad el-Solh où ils observent un sit-in depuis plusieurs semaines, les proches des militaires, désemparés, ont rendu public un communiqué poignant, montrant à quel point ils ne savent plus à quel saint se vouer. « Au nom de tous les prophètes, de tous les apôtres, de l'humanité toute entière, de la miséricorde, de la conscience, de Dieu et de l'islam, nous appelons les ravisseurs à ne pas exécuter leurs menaces et à ne pas faire payer le prix du laxisme de l'État à nos fils. Nous implorons l'État et l'armée de lever le siège de Tripoli et de cesser les combats », a précisé le communiqué lu par l'un des parents.

Devant les journalistes, le père du soldat Ali el-Bazzal, désigné par al-Nosra comme le premier à être exécuté, tente de s'exprimer avant de s'effondrer en larmes et de perdre conscience.

(Lire aussi : Solidaires de l'armée à Tripoli, les sunnites chargent le Hezbollah)

En soirée, toutefois, les familles des otages ont reçu des informations selon lesquelles les menaces ont été gelées grâce à la médiation du Qatar et des ulémas musulmans. Le cheikh salafiste Moustapha el-Houjeiri, pour sa part, se serait rendu à l'intérieur du territoire syrien pour rencontrer les ravisseurs, à la demande de responsables libanais qui l'auraient imploré de « tout faire pour suspendre la menace d'exécution ». « Il nous importe que ces menaces soient annulées, a confié Hussein Youssef, père du soldat Mohammad Youssef, à L'Orient-Le Jour. Nous espérons que notre souhait sera exaucé ; nous avons appris que le comité des ulémas musulmans qui a déjà joué un rôle très positif dans ce dossier est intervenu à cet effet avec le médiateur qatari et qu'en principe, la menace d’exécuter un otage a été suspendue pour le moment. Nous avons par ailleurs tenté de joindre à plusieurs reprises le général Mohammad Kheir, directeur du Haut Comité de secours, mais il était occupé sur le terrain par les événements du Nord. »
Et d'ajouter : « Nous craignions depuis des semaines que les choses ne s'accélèrent à Tripoli et que nous soyons pris entre deux feux. Nous passons des jours difficiles. La journée de samedi a été particulièrement difficile. Et même si nous avons appelé l'armée à cesser le feu, nous sommes les pères de l'armée et nous soutenons cette institution quoi qu'il arrive. »

 

(Actualisation dernière minute : En soirée le Front al-Nosra, la branche syrienne d'el-Qaëda, a annoncé qu'il va exécuter le soldat libanais Ali Bazzal lundi à l'aube. Dans un communiqué publié sur Internet, al-Nosra affirme également qu'il va utiliser le soldat otage Georges Khoury comme « moyen de pression » contre les autorités libanaises.
Quelques minutes à peine après cette annonce, les parents des otages étaient carrément en état de choc place Riad el-Solh. La mère du soldat Bazzal n'a pas été par quatre chemins : « Nous n'en avons rien à faire de l'État. Ce que nous volons, ce qui compte, ce sont nos enfants. Nous n'avons plus de nerfs, nous sommes usés », a-t-elle hurlé devant les caméras de la chaîne al-Mostaqbal.)



Sur un autre plan, un autre soldat libanais a été enlevé hier à Tripoli. Il s'agit de l'adjudant-chef Fayez al-Ammouri, qui a été kidnappé de sa propre maison à Bab al-Tebbané. L'islamiste Chadi el-Mawlaoui, qui affirme être un partisan d'al-Nosra, a assuré que le militaire enlevé se portait bien et qu'il ne serait pas libéré tant que les combats se poursuivent à Tripoli.

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« Il faut faire quelque chose, a confié de son coté Marie Khoury, sœur de l'otage Georges Khoury, à L'Orient-Le Jour. Nous ne pouvons nous permettre d'appeler l'armée à arrêter les combats car c'est toute la situation sécuritaire du pays qui est en jeu, mais nous avons besoin d'une solution rapide. Nous vivons vraiment un dilemme entre notre peur pour nos proches et la situation du pays qui est vraiment menacée. » « La priorité reste la stabilité du pays, bien avant nos fils mais nous avons peur. J'ai passé toute la journée à pleurer, a-t-elle ajouté. Je sens que la situation empire et que des jours difficiles nous attendent. Et je crains que notre dossier ne soit oublié et relégué aux oubliettes... »


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