Décision sans précédent, revanche du droit sur l'impunité : le député de Zahlé, Nicolas Fattouche, dont la brusquerie et la grossièreté s'étaient déversées, mercredi, sur une fonctionnaire du Palais de justice de Baabda, et qui, croyant se justifier, a tenu des propos scandaleux, jeudi, devant les caméras de télévision, a été radié hier du barreau de Beyrouth.
La décision de radiation n'a pas été rendue publique, M. Fattouche n'ayant pas encore été notifié dans les formes. L'avocat a en outre le droit de faire appel de la décision devant la cour d'appel de Beyrouth, selon les statuts de la loi sur l'exercice de sa profession.
Il reste que M. Fattouche a été convoqué hier par le président de l'ordre, après des propos diffamatoires à son encontre qu'il avait tenus dans sa conférence de presse de jeudi. Toutefois, M. Fattouche a ignoré la convocation. À l'issue de la réunion, un communiqué a été publié annonçant que son comportement inacceptable a été sanctionné.
Dans sa conférence de presse, M. Fattouche avait étalé sa hargne de zaïm « ignoré », couvert de son mépris le bâtonnier de l'ordre et tenu un langage nauséabond en comparant les droits de l'homme à « des suppositoires ».
La veille, l'avocat s'en était pris physiquement, en la secouant, à une greffière du Palais de justice de Baabda, Manal Daou, qui tardait à prendre ses ordres, avant de commettre une faute grave en révélant la nature de l'action en justice qu'il était venu déposer au greffe. Son comportement, ses propos, sa faute professionnelle, de toute évidence, ont eu un effet boomerang et se sont retournés contre lui.
Trois fautes graves
« Ce n'est pas le fait d'avoir brusqué en public la fonctionnaire du ministère de la Justice qui vaut à M. Fattouche sa radiation, ont précisé des sources du barreau de Beyrouth, mais les fautes graves dont il s'est rendu coupable dans sa conférence de presse.
Rappelons que M. Fattouche avait trahi le secret professionnel en évoquant une plainte déposée par l'épouse du ministre Michel Pharaon contre ce dernier. L'on apprenait hier d'ailleurs que le fils du député et ministre Michel Pharaon, Pierre Pharaon, a porté plainte au civil pour diffamation contre M. Fattouche.
Dans sa conférence de presse, M. Fattouche s'était en outre vanté d'avoir davantage de diplômes que M. Jreige et avait déclaré « regretter l'époque des grands bâtonniers ». La remise en ordre a été cassante. « Je ne permettrai pas que l'on porte atteinte à l'honneur de la profession », avait lancé M. Jreige dans un communiqué, jeudi, que le conseil de l'ordre a repris à son compte hier.
Enfin, M. Fattouche a dérogé aux articles 39 et 40 du code de la profession, en tenant une conférence de presse télévisée sans une autorisation préalable du conseil de l'ordre.
M. Fattouche, qui se dit victime d'une campagne visant à « porter atteinte à (sa) position patriotique en faveur de la prorogation du mandat du Parlement », assure de son côté ne pas avoir frappé la fonctionnaire, mais simplement d'avoir élevé la voix.
Une source proche de Mme Daou avait indiqué à L'Orient-Le Jour que le député, excédé de devoir attendre quelques secondes, l'avait insultée avant de l'empoigner violemment par l'épaule.
Najjar : Un incident sans précédent
C'est « un incident sans précédent » que l'ancien ministre de la Justice, Ibrahim Najjar, a dénoncé hier. Joint au téléphone par L'Orient-Le Jour, M. Najjar s'est dit tout étonné de voir un avocat s'en prendre au bâtonnier, alors que l'ordre des avocats est un peu sa famille.
« Les propos de Nicolas Fattouche sont d'une véhémence sans pareille, a-t-il dit. Ils bouleversent toutes les règles de la déontologie ! »
M. Najjar s'est félicité que « pour une fois, la loi et le code de déontologie soient appliqués », dénonçant « une déliquescence morale devenue insupportable » dans les milieux de la profession comme dans les milieux politiques.
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commentaires (8)
Bravo, mais ce n'est pas suffisant! Il faudrait lui ôter son immunité parlementaire également, pour qu'il cesse de se pavaner comme un paon!
Georges MELKI
19 h 36, le 25 octobre 2014