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Économie - Enquête

Quand l’agroalimentaire s’alimente sur les réseaux sociaux

Du « foodie » qui poste chaque jour la photo de son repas sur Instagram ou Twitter, à la mère de famille qui cherche une recette de goûter à son enfant sur Pinterest, en passant par les blogs d'experts en nourriture, l'agroalimentaire ne laisse pas une miette sur ce qui se passe sur les réseaux sociaux, espérant y gagner des parts de marchés, au risque d'être laissé sur le bord de l'assiette.

Le consommateur est « empereur » à l’ère du web 2.0 et peut nuire à la réputation d’une compagnie, sans toujours mesurer les conséquences désastreuses sur la réputation de l’entreprise. Archives/AFP

Il est difficile d'échapper au phénomène « food » sur Internet. De plus en plus d'internautes n'hésitent pas à poster la photo de leur nourriture, que ça soit leur propre utilisation ou ce qu'ils dégustent au restaurant.
Ce culte de l'assiette est devenu immanquable sur les sites des principaux réseaux sociaux comme Instagram, Pinterest ou même sur les blogs. L'avènement du web 2.0, et le développement des nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC) ont modifié le comportement de ces « fooders » et leur relation avec la marque agroalimentaire. Près de 1 500 000 tweets en une semaine rien que sur la catégorie « pizza », quand un poids lourd comme Coca-Cola en récolte beaucoup moins.
Des communautés de consommateurs attentives et connectées se forment, qui échangent et publient leurs avis sur tel ou tel produit. La réputation des organisations agroalimentaires ou restaurants se retrouve ainsi exposée.
Il est donc nécessaire pour les marques agroalimentaires d'appréhender ces réseaux et médias sociaux. Certaines marques se sont déjà lancées activement dans cette révolution sur la Toile en lançant des promotions, des jeux-concours, ou même la distribution de nouveaux produits aux blogueurs influents... D'autres, en revanche, craignent de s'exposer par manque de connaissance ou d'expérience, ou même par simple peur des réactions des consommateurs.

Un nouveau moyen marketing
Interrogé par L'Orient-Le Jour, Jeanne Albouy, professeur-chercheur à l'École supérieure de commerce de Pau et docteur en marketing sur le comportement du consommateur, estime que l'émergence des réseaux sociaux « permet de mieux affirmer la personnalité de l'entreprise à travers la façon dont elle va s'adresser. L'agroalimentaire aujourd'hui se place dans le top 5 du classement de marques préférées des Français. La consommation alimentaire est source de plaisir et de bien-être ».
Le consommateur sera certes content de trouver des conseils, astuces ou même des recettes : une sensation de proximité qui rappelle les relations humaines traditionnelles. « La connaissance d'un produit alimentaire se fait rarement en ligne. Le rapprochement avec le consommateur se fera donc de manière indirecte, l'entreprise pourra améliorer son image et sa réputation. C'est un peu comme si elle préparait le terrain », ajoute-t-elle.

Yannick Chatelain, enseignant-chercheur, directeur du département des enseignements appliqués à Grenoble, École de management, et spécialiste des nouvelles technologies et du marketing numérique, explique que l'intérêt que cette nouvelle mode présente pour l'agroalimentaire « est le potentiel informationnel de ce nouveau comportement social. Une veille structurée permet d'une part de suivre les tendances et les usages des consommateurs au plus près (et de façon internationale). Cette dimension internationale pouvant, d'autre part, se révéler source d'inspiration quant aux usages faits des produits ».
Le développement du phénomène de communication collaboratif du consommateur permet de passer d'une communication ancienne à un nouveau mode issu et centré autour du consommateur et de son opinion. Cela permet par conséquent de découvrir des opportunités de niches inconnues et de mieux cibler la demande des clients.

« Le client est plus que roi »
Comme le consommateur se montre plus exigeant, mais aussi plus vigilant, Mme Albouy estime que « le client est aujourd'hui plus que roi ». Elle explique que l'information du consommateur se déplace partout sur le Net en très peu de temps et peut parfois nuire à la réputation de la compagnie en quelques mots.
De son côté, M. Chatelain qualifie le consommateur d'« empereur » à l'ère du web 2.0. Même s'il peut nuire à la réputation d'une compagnie, il explique « qu'il ne mesure pas toujours les conséquences désastreuses d'un mouvement d'humeur sur la réputation d'une entreprise qui peut, par ailleurs, être parfaitement irréprochable ».
Mais il rappelle qu'il ne s'agit pas de redouter cette nouvelle configuration de critiques des consommateurs, mais plutôt « de se doter des moyens d'y participer et d'adapter sa communication à la vitesse de circulation de l'information ». La réactivité est en effet l'une des clés de l'e-réputation.

Ce que n'a pas fait la marque Nestlé en 2010. Après une vidéo dans le cadre d'une campagne Greenpeace visant à critiquer Nestlé (via la marque Kit Kat) utilisant de l'huile de palme dans ses produits, cause majeure de la déforestation, les commentaires et l'invasion sur la page Facebook de Nestlé ont alors été très importants.
Mais la marque, dans un souci de dialogue et de transparence, n'a pas souhaité modérer ses commentaires et a fini par fermer sa page Facebook. Une réaction de peur et d'abandon qui, a priori, n'a pas laissé ses consommateurs indifférents.
« "La peur n'évite pas le danger" et les professionnels de l'agroalimentaire doivent plutôt voir dans cette fusion d'outils (blog, web, forum, réseaux sociaux) une réelle opportunité de se rapprocher de leurs clients finaux, ce que font d'ailleurs déjà des professionnels du secteur, en nouant des partenariats avec des sites prisés des Foodies », explique M. Chatelain.

Nous pouvons aussi mentionner le scandale du groupe alimentaire Findus et la polémique sur la viande de cheval en 2012. Bien que la marque ait rapidement retiré ses produits de la vente, la réaction des internautes était sans appel, et le scandale a aussi touché l'ensemble du marché avec la découverte d'ADN de cheval dans des viandes estampillées 100 % bœuf, à l'image d'Ikea, Burger King, Carrefour, Nestlé, Picard ou encore Leclerc.

Réagir c'est bien, s'adapter c'est mieux
Pour Mme Albouy, s'adapter sur les réseaux sociaux est tout d'abord question de veiller sur ses actes. « La transparence oblige les entreprises à prendre plus de responsabilités. Une pratique néfaste à l'environnement ou à l'homme se saura dans les quatre coins du monde », souligne-t-elle.
« Il faudrait aussi se servir des caractéristiques des réseaux sociaux : une personnalisation en fonction des thèmes qui intéressent les consommateurs, une proximité plus accrue et surtout de la réactivité », ajoute-t-elle.
« Comme l'agroalimentaire est toujours sujet de "minicrise", les entreprises doivent toujours être sur le qui-vive, prêtes à réagir et contrôler la situation », estime l'experte.

Enfin, la plus grande valeur ajoutée d'une communauté de consommateurs est de pouvoir l'impliquer dans l'innovation du produit, dans une démarche de « Consumer Empowerment ». Et quoi de plus simple dans le domaine de l'agroalimentaire que de faire participer sa communauté de consommateurs au choix du nom d'un nouveau produit, ou à l'élaboration d'un nouveau menu de restaurant ou même le soumettre à des tests...
M. Chatelain conclut en affirmant qu'il ne s'agit pas de donner l'impression au consommateur qu'il participe à la vie d'entreprise, de n'être rien d'autre qu'un outil commercial. L'effet sera « désastreux ».
« Il faut que l'entreprise soit prête à accepter ses recommandations et ses critiques, au même titre qu'elle les accepterait d'un nouveau collaborateur », ajoute l'expert.

 

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