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Liban - Liban

Dans le Akkar, un laboratoire pour la paix

L'association PeaceLabz vient d'achever fin septembre un projet qui facilite le dialogue entre les différentes communautés du Akkar. Pour son directeur Jean-Paul Chami, les efforts engagés doivent continuer pour éviter l'effondrement de la paix fragile obtenue.

Les habitants travaillant à des plans d’action pour régler de manière pacifique les conflits.

«Notre projet visant à immuniser les communautés du Liban-Nord contre les conflits est terminé, mais nous n'allons pas nous arrêter là», déclare Jean-Paul Chami, fondateur de l'ONG PeaceLabz, qui a travaillé de janvier 2013 à septembre 2014 avec des chefs religieux, présidents de conseils municipaux et intellectuels au sein des cinq régions du Akkar et dans le camp palestinien de Beddaoui. «Construire la paix, ce n'est pas seulement lancer une initiative de médiation, c'est aussi fournir un suivi, s'assurer que les conflits évités ne recommencent pas dès la fin de cette initiative.» La vision de PeaceLabz, soucieuse de rendre les communautés actrices du processus de paix, a trouvé un soutien du côté de l'Union européenne et de l'ambassade des Pays-Bas, qui ont financé à hauteur de 225000 euros son projet, mené en coopération avec Partners for Democratic Change International, une ONG basée à Bruxelles.


L'association PeaceLabz, créée en 2012, est donc toute jeune, mais elle a des ambitions pour le long terme. Après avoir passé des années à travailler pour diverses ONG au Liban, Jean-Paul Chami réalise que de nombreux projets souffrent de ne pas être poursuivis dans la durée. «J'ai par le passé travaillé avec le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud), qui avait dépensé près de 70 000 dollars pour un projet d'amélioration de l'approvisionnement en eau à Fnaidek, ainsi que pour y organiser des rencontres au cours desquelles les villageois réglaient par le dialogue leurs différends liés à l'eau. Dès que le projet du Pnud a pris fin, les tensions se sont ravivées car plus personne ne poussait les habitants à maintenir le dialogue.» Jean-Paul Chami avait donc décidé, avec d'autres volontaires, de retourner à Fnaidek, pour que les réunions s'y poursuivent.
«Malheureusement, il est rarissime de trouver des projets qui se perpétuent. Dans cette région pauvre, il faudrait pourtant vingt, trente ans pour obtenir une paix durable, dit-il. Nos actions sont menées à très petite échelle. Par exemple dans la région de Karkaf, l'augmentation du nombre de Syriens et celle du trafic automobile ont créé des tensions communautaires fortes. Il y a un risque réel de voir un enfant percuté par une voiture. Dans ce cas et de nombreux autres, un climat politique délétère a vite fait de dégénérer en affrontement.»

 

Catalyseur de solutions
C'est avant cette explosion que PeaceLabz veut agir. «Cela n'a pas été simple au début. Nous avons rencontré les chefs locaux, des cheikhs ou des commerçants, et avons essayé de comprendre leurs modes de pensée. Notre réseau, tissé de manière lente car il a fallu gagner la confiance des notables, nous permet de détecter et d'empêcher les conflits», raconte Jean-Paul Chami. «L'appel d'un cheikh aux membres de sa communauté à participer à une conférence est un soutien très puissant car les villageois écoutent plutôt leur chef que des ONG étrangères», explique-t-il, avant d'ajouter: «Nous avons pu obtenir une véritable attention de la part des communautés lors des conférences et réunions organisées pour les sensibiliser à la gestion pacifique de différends liés à l'eau, l'électricité ou d'autres sources de tensions courantes. »


Les efforts de PeaceLabz, dont les membres aux origines variées reflètent la mosaïque des confessions présentes au Liban, ont ainsi su créer un dialogue avec de nombreux habitants du Nord. À Beddaoui par exemple, plus de 200 Palestiniens ont participé à des réunions rappelant les règles de construction de maisons, ou d'ouverture de commerces de fruits et légumes. «Dans un camp aussi densément peuplé, construire son habitation sans tenir compte des autres ou ouvrir un commerce de fruits et légumes peut vite agacer les voisins. Mais la médiation est possible, ces réunions donnent des outils aux habitants du camp pour régler leurs différends sans en venir aux mains.» Grâce à ses contacts, PeaceLabz participe à la prévention des conflits, mais sait aussi détecter les acteurs positifs capables de les empêcher. «Nous pouvons expliquer par exemple quelles initiatives menées à Beddaoui, comme les réunions entre habitants permettent d'éviter des disputes majeures.»


Le soutien précieux des chefs locaux, espère Jean-Paul Chami, permettra à plus long terme de consolider cette paix précaire. «PeaceLabz agit à la manière d'un catalyseur. Nous soutenons les communautés, mais ce sont elles qui doivent apprendre à régler leurs différends, car l'aide des ONG ne sera pas éternelle. Nous accélérons la construction de la paix par les notables locaux.» Son directeur reste pourtant pessimiste quant à l'avenir de la région: «La vraie maladie du Akkar, ce n'est ni la religion ni l'appartenance communautaire, mais la pauvreté. Il y a là des trafics, des groupes de personnes qui se sentent marginalisées et cherchent avant tout de survivre. Dans ces conditions difficiles, comment voulez-vous que les individus s'ouvrent aux autres communautés pour construire ensemble?» s'interroge-t-il.

 

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