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Moyen Orient et Monde - Analyse

L’expérience tunisienne à l’épreuve des élections législatives

L'exercice du pouvoir devrait trancher entre les différentes interprétations possibles du texte constitutionnel.

Rached Ghannouchi, le leader du parti islamiste Ennahda à Tunis. Photo AFP/Fethi BELAID

Après l'adoption de sa nouvelle Constitution le 26 janvier 2014, la Tunisie est félicitée de toute part et désignée comme la seule aventure réussie au lendemain des printemps arabes. Il faut admettre que, comparée aux situations libyenne, égyptienne, syrienne, ou encore yéménite, la relative stabilité de ce pays est encourageante. Après l'épisode révolutionnaire, une assemblée composée de non moins de 90 islamistes a voté un texte, en continuité avec la tradition libérale tunisienne, qui constitue à bien des égards une victoire pour les démocrates. Il ne faut pourtant pas se réjouir trop vite. Pour au moins trois raisons.

Tout d'abord la situation économique est catastrophique puisque la Tunisie ne cesse d'accroître annuellement son taux d'endettement depuis la chute de Ben Ali. Ensuite, il serait très exagéré de dire que la Tunisie d'aujourd'hui n'a plus rien à voir avec celle de l'ancien régime. La plupart des fonctionnaires, notamment les hauts magistrats, sont toujours en place, et il suffit de regarder le nombre de candidats ayant fréquenté de très près l'ancien président et qui se présentent aux élections législatives et présidentielles pour finir de s'en convaincre. L'État n'a toujours pas réglé ses comptes avec le clan Ben Ali puisque non seulement aucun de ses membres n'a été jugé, mais, en plus, les milliards de dollars détournés par la famille n'ont pas pu être restitués, à l'exception des 22 millions d'euros récupérés sur un compte bancaire de Leïla Trabelsi au Liban.

Enfin, la troisième raison qui pousse à la prudence, et certainement la plus importante, résulte de l'ambiguïté originelle du texte constitutionnel. Or il n'est pas nécessaire d'être juriste pour savoir qu'un même texte constitutionnel peut être interprété de mille façons différentes et que ce n'est que l'exercice du pouvoir qui permet de clore, au moins dans la pratique, cet infini débat. En France, la Constitution de 1958 définit très clairement que la Ve République est un régime parlementaire. Pourtant, du fait de son autorité charismatique et de son recours au référendum, le général de Gaulle va accentuer les prérogatives présidentielles aux dépens du Parlement et consacrer ainsi une coutume constitutionnelle.


Voilà l'un des enjeux principaux des élections législatives tunisiennes de ce dimanche. S'il remporte les élections, comme il l'avait sans doute imaginé au moment de faire des concessions aux partis laïcs sur certains points fondamentaux, telles l'absence de référence à la charia dans le texte constitutionnel et la garantie consacrée par la Constitution du respect des droits de l'homme et du citoyen, le parti Ennahda pourra réorienter le texte en faveur de ses interprétations. Plus en rapport avec son discours vertueux et sa vision des mœurs, avec sa méfiance envers l'occidentalisation et sa passion pour la modernisation, avec son islamisation sociétale et son pragmatisme politique. Si la Constitution est à la base de l'État, c'est bien le vote qui décide seul du chemin que celui-ci empruntera.

 

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