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Moyen Orient et Monde - Le point

Le dilemme d’Erdogan

Recep Tayyip Erdogan se trouve depuis le 10 août de cette année à la tête de la Turquie après en avoir été, onze années durant, le Premier ministre. Et maintenant que l'hydre daechiste accapare la scène proche-orientale, après une irruption combien fracassante, rares sont ceux qui l'envient d'occuper ce poste, prestigieux certes mais qui a fini par ressembler, au fil des semaines, à un douloureux casse-tête.
Propulsez-vous, à la force du poignet, à la fonction suprême dans un pays de (bientôt) 80 millions d'habitants en omettant, tout occupé que vous êtes à gagner la bataille par K.-O. dès le premier round, de jeter un coup d'œil sur la carte ethnico-religieuse. Elle donne pourtant le tournis, cette mosaïque à nulle autre pareille. Il y a là, éparpillés sur plus de 780 000 kilomètres carrés (783 562 pour être précis), un nombre incroyable de spécimens, depuis les Hasaras jusqu'aux Turkmènes, en passant par les Balkars, les Karakalpaks, les Ouïgours, les Tatars et autres Tchouvaches. Bien sûr que l'on trouve aussi des Turcs osmanlis venus, eux, des quatre coins de cette partie du monde. Et puis des Kurdes et des alévis – 18 millions pour les premiers, entre 10 et 15 pour cent de la population pour les seconds – pratiquant un islam refaçonné à leur image : une religion que l'on peut qualifier ici de... kurde, là d'un incertain chiisme duodécimain. Avec pour ces deux races un accent particulier mis sur la langue et la culture plutôt que sur l'appartenance religieuse.


Après avoir effectué ce bref et plutôt simplifié tour d'horizon, observez ce qui se passe dans cet Orient compliqué. Vous comprendrez alors les raisons des crises de céphalalgie du chef de l'État turc, écartelé entre son envie d'intégrer le club de moins en moins fermé de l'Union européenne ; son rêve, un moment caressé et aujourd'hui en voie d'estompement, de se poser en héros du monde islamique ; sa farouche détermination, qui reste à concrétiser, d'en finir avec le régime de Bachar el-Assad ; sa volonté de régler à domicile, on voit mal de quelle manière, le problème kurde ; son souci de ne pas heurter une partie de son opinion publique encore agrippée au legs de la laïcité, vestige de la révolution kémaliste ; enfin son programme d'islamisation douce qui servirait d'exemple aux partisans d'une oumma qui en est encore à se chercher.


En l'espace de quelques jours, Ankara est passé du pilonnage des peshmergas sur sa frontière irakienne à la réouverture de ladite frontière pour autoriser lesdits peshmergas à voler au secours de leurs coreligionnaires assiégés à Kobani. Un miracle qui s'est accompli en vertu du dicton selon lequel un résistant est un terroriste qui a réussi.


Le douzième président turc avait-il raison dans les deux cas? Avait-il partiellement ou entièrement tort ? Tout dépend de l'angle sous lequel on se place pour répondre à la question. C'est que Recep Erdogan a deux priorités régionales : obtenir la chute de la maison Assad et éviter l'unification, selon un nouveau tracé, de l'ancien Kurdistan qui se ferait au détriment de la Turquie, mais aussi de l'Irak, de la Syrie et de l'Iran. Et qui représenterait, avec ses 40 millions de citoyens, un formidable pôle d'attraction, comme le prouve le succès, éphémère malheureusement, du Kurdistan irakien. On comprend dès lors combien délicate est la position d'Ankara sur l'échiquier actuel et pourquoi, devant un journaliste de l'hebdomadaire américain Time, le chef de l'État a eu ce commentaire : « Pour nous, Daech et le PKK (Parti du peuple du Kurdistan), c'est la même chose. »


Il faut comprendre aussi que les Turcs n'ont pas oublié les précédents de la première guerre du Golfe de George Herbert Bush en 1991 et de l'invasion de l'Irak en 2003 que l'on doit à George Walker Bush, l'une avec sa déferlante de réfugiés kurdes, l'autre avec la désintégration de l'ancienne Mésopotamie et les sanglants règlements de comptes entre sunnites et chiites.
En déclenchant une offensive diplomatique visant à avoir « zéro problème » avec ses voisins arabes, Erdogan ne s'attendait pas à voir se produire l'actuelle réaction en chaîne qu'il cherche à gérer à moindres frais. Piètre consolation : il n'est pas seul à bord du radeau.

Recep Tayyip Erdogan se trouve depuis le 10 août de cette année à la tête de la Turquie après en avoir été, onze années durant, le Premier ministre. Et maintenant que l'hydre daechiste accapare la scène proche-orientale, après une irruption combien fracassante, rares sont ceux qui l'envient d'occuper ce poste, prestigieux certes mais qui a fini par ressembler, au fil des semaines, à un...

commentaires (6)

bon article merci Christian

nora panoyan

04 h 21, le 29 octobre 2014

Tous les commentaires

Commentaires (6)

  • bon article merci Christian

    nora panoyan

    04 h 21, le 29 octobre 2014

  • Hyper malin, ce Grand Turc !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    17 h 13, le 24 octobre 2014

  • ERDO RÊVE... ET VOIT SON RÊVE TRANSFORMÉ EN UN NOIR CAUCHEMAR... IL VEUT LA TÊTE DU LIONCEAU.... MAIS NE SACHANT PAS CHASSER... IL SE SERT DES SERVICES DE CHASSEURS NÉANDERTHALIENS QUI CHASSENT TOUT CE QU'ILS VOIENT... MÊME... ETC...

    LA LIBRE EXPRESSION

    17 h 25, le 23 octobre 2014

  • Et si vous écriviez son nom comme il se prononce en Turc, c.a.d Erdoganne, pour les gentilles petites speakerines de no chaines de TV cessent de penser que le "tarbouche" de son père est suspendu au sommet de la Tour Eiffel?

    Georges MELKI

    15 h 27, le 23 octobre 2014

  • La Turquie va finir comme l'Iraq et la Syrie quoi qu'il fasse!!! Patience et ce pays aura aussi son compte!!!

    Pierre Hadjigeorgiou

    13 h 32, le 23 octobre 2014

  • Aucune excuse pour le sultan Erdogan qui est presque en train de permettre un génocide contre les Kurdes de Syrie par les barbares de Daech. On dirait qu'il est lui-même un daéchiste ottoman.

    Halim Abou Chacra

    04 h 03, le 23 octobre 2014

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