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Nos Lecteurs ont la Parole - Peter GERMANOS

La recette de la prospérité

Pourquoi le soi-disant monde arabe est-il pauvre? Selon un rapport récent de la Fao, quarante millions trouveraient une difficulté à se nourrir correctement. Selon l'Unesco, 31% seraient analphabètes. Son sous-développement est-il dû à la religion musulmane? La réponse est négative, puisque des pays dits musulmans comme la Turquie, les EAU et la Malaisie sont des exemples de réussite au niveau économique. Est-ce la cause du climat chaud, voire de la disparité Nord/Sud? La réponse est aussi négative puisque des pays du Sud comme le Brésil, l'Australie et la Chine ont bel et bien réussi leur décollage économique. Quelle est alors la raison qui fait que le monde arabe soit de nos jours le laissé-pour-compte du monde moderne? La réponse à cette question est plus simple qu'on le croie. Il s'agit avant tout du système de gouvernement.
Commençons par la fin. Cela veut dire divulguer «la recette secrète de la prospérité des nations»: un État central minimal qui puisse imposer l'ordre public, garantir la propriété privée et une taxation équitable. Un système électoral qui permet le changement permanent de «l'élite politique gouvernante». Une économie ouverte et distributive loin des monopoles et des places protégées. Et enfin, une autorité judiciaire indépendante et compétente. Sur le plan pratique, si l'Égypte, et ce depuis le temps des pharaons, s'est caractérisée par un État central fort, par contre on y observe sans cesse une élite gouvernante régnante qui a établi une économie extractive aux dépens de la majorité de la population permettant de pomper la richesse nationale de bas en haut. Chaque coup d'État, celui de Nasser y compris, était l'occasion de remplacer une caste prédatrice par une autre. Le court métrage des Frères musulmans a montré que ces derniers avaient des solutions très faciles à des problèmes très compliqués. Il y va sans dire que ce parti octogénaire n'avait pas la moindre idée de la façon gérer l'économie d'un pays aussi vaste que l'Égypte. Malgré ce diagnostic, le pays des pharaons demeure le plus prometteur de la région. Si l'armée décide de se retirer du devant de la scène politique, tout en demeurant une réserve stratégique comme ce fut le cas de la Turquie post-Atatürk, et si des reformes économiques sont adoptées qui abolissent les monopoles et imposent un système de taxation équitable, le tout couplé avec un régime fédéral qui permet le développement régional, alors l'Égypte sera l'Inde des Arabes et des Africains. Par comparaison, les EAU disposent d'un État minimal, mais qui n'est pas de droit. Léviathan hobbien, libéral sur le plan économique, mais absolu et paternaliste sur le plan politique, un peu selon le modèle qu'ont adopté la Chine, l'Arabie saoudite et le Qatar. Ce pays a réussi son spectaculaire décollage économique grâce au leadership clairvoyant de cheikh Zayed al-Nahyane, surnommé non sans fondement «le sage des Arabes». Le développement continu des Émirats ne se fera dans l'avenir que s'il y a une ouverture politique. Dans le cas contraire, le pays risque de suivre le modèle syrien. Enfin, le pays du Cèdre. Un pays libéral sur le plan économique, où règne la liberté de la presse, mais qu'on ne peut pas qualifier de démocratique car ce qu'on appelle l'État minimal central ou l'État de droit est toujours en cours de formation. Les deux grandes religions qui y cohabitent, le christianisme et l'islam, et les trois plus grandes confessions du pays, maronite, sunnite et chiite, se livrent une lutte acharnée de peur que l'une des deux autres composantes ne mette la main sur les ressources du pays. Ce combat a eu pour résultat la création de forces infra étatiques plus fortes que l'État central, et une élite politique qui se perpétue ou se copie dans un comportement d'appropriation des richesses nationales, dans une ambiance d'impunité générale. C'est dire que les forces dominatrices ont intérêt à ce que se perpétue la situation de dégénérescence du pays puisqu'elles en profitent en établissant un modèle d'économie extractive qui profitent à une élite gouvernante statique.
Dans ce contexte, le changement devient le rêve d'une élite intellectuelle sans le moindre pouvoir sur le terrain. Tous ces pays du printemps arabe font face au problème du choix du régime politique optimal qui doit initier, encadrer et conduire les multiples réformes qu'exige l'économie de marché. À la façon d'œuvrer pour le changement sans qu'une autre élite dominatrice ne prenne la place de la première. Un dictateur qui succède à un dictateur. Un féodal remplaçant un féodal. Une tribu succédant à une autre. Seule la recette secrète de la prospérité des nations (voir dans ce sens le remarquable ouvrage d'Acemoglu et de Robinson: Why Nations Fail) permet d'absorber les forces de destruction créatrices du printemps arabe en établissant des institutions politiques et économiques ouvertes qui bénéficient à la majorité et œuvrent pour la prospérité générale.

Peter GERMANOS

Pourquoi le soi-disant monde arabe est-il pauvre? Selon un rapport récent de la Fao, quarante millions trouveraient une difficulté à se nourrir correctement. Selon l'Unesco, 31% seraient analphabètes. Son sous-développement est-il dû à la religion musulmane? La réponse est négative, puisque des pays dits musulmans comme la Turquie, les EAU et la Malaisie sont des exemples de réussite au...

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