Le Liban est à ce jour à l'abri d'Ebola, qui a franchi les frontières de l'Afrique de l'Ouest atteignant les États-Unis et l'Espagne. Il n'en reste pas moins que la vigilance est de mise. Dans cette optique et dans la suite des mesures que le ministère de la Santé avait déjà prises à l'aéroport, le ministre Waël Bou Faour a annoncé hier des mesures supplémentaires, d'autant que « le Liban fait partie des pays qui sont les plus exposés, en raison de la grande communauté libanaise dans les pays endémiques ». Dans ces pays se trouvent des « Libanais de troisième génération, des hommes d'affaires, mais aussi des familles, a-t-il expliqué au cours d'une conférence de presse. De nombreuses familles sont déjà rentrées au Liban. Ceux qui y travaillent effectuent des va-et-vient au Liban, ce qui nécessite que des mesures exceptionnelles soient prises ».
Celles-ci consistent à « suivre la maladie de la source jusqu'au Liban ». Il a été ainsi convenu, « en accord avec le ministre des Affaires étrangères », de soumettre tout voyageur venant des pays endémiques à des contrôles très stricts avant qu'un visa d'entrée ne lui soit accordé. M. Bou Faour a indiqué dans ce cadre que ces mesures ont déjà commencé à être appliquées par les ambassades libanaises. Quant aux Libanais qui désirent visiter Beyrouth, « ils doivent informer l'ambassade du Liban de leurs déplacements, qui informe à son tour les autorités libanaises pour que les premières mesures de prévention soient prises ».
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Coordination avec les compagnies d'aviation
Le deuxième volet de ces mesures consiste à coordonner avec les compagnies d'aviation. M. Bou Faour explique que des brochures explicatives sur la maladie sont en train d'être distribuées aux passagers. De même, il a été convenu avec les compagnies d'aviation qui assurent des vols à partir du Maroc, d'Éthiopie, de Lagos et du Nigeria en général de demander aux passagers en provenance des pays endémiques de remplir des documents pour s'assurer qu'ils ne présentent pas des symptômes de la maladie. Au cas où un cas est suspecté sur le vol, les autorités libanaises sont averties avant que l'avion n'atterrisse. Une équipe médicale est alors dépêchée sur l'avion « pour examiner l'individu dans un endroit isolé, avant de le transférer à l'hôpital gouvernemental Rafic Hariri où il sera mis dans une unité d'isolement équipée pour recevoir deux malades », note M. Bou Faour. Il poursuit que, même en l'absence de cas suspects, des équipes du ministère de la Santé resteront en contact avec les passagers pour s'assurer qu'ils ne développeront pas la maladie plus tard, « d'autant que la période d'incubation s'étale entre deux et vingt jours ».
À l'aéroport, la température des passagers est automatiquement examinée par les caméras thermiques. « Nous avons besoin urgemment d'installer une deuxième unité d'isolement à l'aéroport, a insisté M. Bou Faour. De plus, les services VIP doivent être interrompus pour que tous les passagers, sans exception, soient contrôlés. »
Par ailleurs, les autorités portuaires sont appelées à informer le ministère de la Santé de tout bateau en provenance d'un pays endémique.
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De nouvelles unités d'isolement
Le troisième volet concerne les hôpitaux. M. Bou Faour a expliqué qu'en plus de l'unité d'isolement installée à l'hôpital gouvernemental Rafic Hariri, avec l'aide de l'Organisation mondiale de la santé, de nouvelles unités vont être installées dans des hôpitaux gouvernementaux de Nabatiyeh, Saïda, Tripoli, Dahr el-Bachek et Baalbeck. En ce qui concerne les hôpitaux privés, « ceux qui comptent plus de 100 lits disposent d'un délai maximal de trois semaines pour installer de pareilles unités ».
Il s'agit d'une « chambre isolée, munie d'un système de filtrage d'air ou d'un système de ventilation à pression négative, c'est-à-dire qui ne permet pas à l'air de filtrer en dehors de la chambre », explique à L'Orient-Le Jour le Dr Jacques Mokhbat, spécialiste en maladies infectieuses. « Le malade ne sort pas de cette chambre, poursuit-il. Même les examens sont faits dans cette unité. Quant au personnel médical et infirmier qui va à son chevet, il s'habille d'une combinaison qui protège la peau et les muqueuses puisque la transmission du virus se fait par contact et par gouttelettes respiratoires. » Quelque quatre-vingts combinaisons ont déjà été distribuées aux hôpitaux.
Quid des hôpitaux qui refuseront l'hospitalisation d'un éventuel patient ? « Ils n'ont pas le choix, affirme à L'Orient-Le Jour M. Bou Faour. Évidemment, les petits hôpitaux n'ont pas les moyens de recevoir d'éventuels patients. Mais les hôpitaux qui comptent plus de 100 lits disposent de trois semaines pour se préparer. »
Les corps médical et infirmier au Liban sont-ils habilités à prendre en charge d'éventuels cas d'Ebola ? « Les équipes mobilisées à l'aéroport et à l'hôpital Rafic Hariri ont déjà suivi une formation dans ce sens et sont prêtes, répond M. Bou Faour. Ces formations se poursuivent dans les différentes régions. »
Et de conclure : « Si elles sont bien appliquées, ces mesures sont susceptibles de diminuer les risques de transmission du virus au Liban. »
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commentaires (3)
Qui ça ? Le Liban !?
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
11 h 00, le 21 octobre 2014