Est-ce une fatalité ? Une damnation ? Ou le résultat désastreux de décennies d'irresponsabilité, d'inconscience et de corruption généralisée ? Le constat, aujourd'hui, est sans appel : le Proche-Orient arabe se délite, se désintègre, se décompose sous les yeux sournoisement satisfaits de dirigeants hallucinés qui voient là l'occasion de reconstituer de vieilles frontières basées sur des géographies et des appartenances claniques ou tribales.
Et quand le facteur religieux intervient dans le débat, quand il devient le moteur des révoltes et des insurrections, la boucle est alors bouclée et tout espoir d'un retour à la raison s'évapore au rythme des décapitations, des massacres et même des génocides perpétrés pour d'horribles considérations raciales ou ethniques.
Où est donc passé le fameux rêve arabe d'une nation grandiose s'étendant du Golfe à l'océan, un rêve brandi, comme un défi au reste du monde, par un Gamal Abdel Nasser adulé qui entendait rayer Israël de la carte du Proche-Orient par une nuit sans lune ? Où est donc passé ce rêve auquel ont adhéré, auquel ont cru dur comme fer des dizaines de millions de citoyens arabes qui y voyaient là une revanche sur l'histoire, le passage obligé pour sortir de longues années d'humiliation et de misère ?
Ce rêve s'est fracassé le temps d'une guerre de six jours, le temps de découvrir l'étendue du mensonge et des illusions, le temps d'une défaite accablante qui a ramené le monde arabe aux dures réalités de son asservissement à des régimes et à des potentats dont les horizons se limitent aux murailles de leurs palais.
Et depuis, rien n'a changé, rien n'y fit, ni la guerre « glorieuse » de 1973 aux conséquences désastreuses, ni l'incroyable visite de Sadate à Jérusalem, ni les actes de résistance du Hezbollah ou d'organisations palestiniennes, elles-mêmes montées les unes contre les autres. Sans oublier les agendas étrangers qui n'ont que faire des souffrances et des souhaits des populations arabes et qui imposent lignes de conduite et diktats à des « alliés » d'une docilité exemplaire.
Où est donc passé le fameux rêve arabe d'une nation souveraine s'étendant du Golfe à l'océan ? Question ubuesque, presque insolente, alors que tout autour de nous les guerres civiles réduisent en ruine ce qui n'a pas encore été détruit, que les institutions se désintègrent, que les États se morcellent en entités hostiles et que l'Iran « impérial », fièrement perse et chiite, s'acharne à bétonner toutes ses cartes dans la région, de l'Irak à la Syrie, de Bahreïn au Yémen. Sans oublier bien évidemment le Liban, par Hezbollah interposé...
Comment s'étonner dès lors que des fous de Dieu, des tueurs déterminés, aient pu surgir de la nuit des temps pour en découdre et avec les tyrans et avec l'envahisseur. En sortant de boîtes trop longtemps comprimées, les jihadistes sunnites et autres qaëdistes, qui terrorisent aujourd'hui le monde entier, entendent ainsi s'asseoir sur les trônes des dictatures qui vacillent et rendre à l'Iran chiite, dans un véritable bain de sang, la monnaie d'une pièce brûlante qui a mis le feu aux poudres.
Fondamentalisme chiite contre jihadisme sunnite : c'est désormais chacun pour soi et un Allah créé à l'image de l'homme nouveau : vengeur et haineux. Entre un Hezbollah qui prétend avoir l'oreille de ce dieu-là et des terroristes qui se le sont appropriés et quasiment pris en otage, y a-t-il encore un dieu disponible, libre de ses mouvements, pour protéger le Liban ?
Chacun pour soi et Allah à la carte
OLJ / Par Nagib AOUN, le 20 octobre 2014 à 00h00
commentaires (7)
"Fondamentalisme chiite contre jihadisme sunnite : c'est désormais chacun pour soi et un Allah créé à l'image de l'homme nouveau : vengeur et haineux. Entre un Hezbollah qui prétend avoir l'oreille de ce dieu-là et des terroristes qui se le sont appropriés et quasiment pris en otage, y a-t-il encore un dieu disponible, libre de ses mouvements, pour protéger le Liban ?" Mais permettez-moi, M. Aoun: Allah a été créé à limage de l'homme on ne peut plus ancien! Jugez vous-même: "Car qui est Dieu, si ce n'est l'Éternel? Et qui est un rocher, si ce n'est notre Dieu? 33 C'est Dieu qui est ma puissante forteresse, Et qui me conduit dans la voie droite. 34 Il rend mes pieds semblables à ceux des biches, Et il me place sur mes lieux élevés. 35 Il exerce mes mains au combat, Et mes bras tendent l'arc d'airain. 36 Tu me donnes le bouclier de ton salut, Et je deviens grand par ta bonté. 37 Tu élargis le chemin sous mes pas, Et mes pieds ne chancellent point. 38 Je poursuis mes ennemis, et je les détruis; Je ne reviens pas avant de les avoir anéantis." 39 Je les anéantis, je les brise, et ils ne se relèvent plus... 43 Je les broie comme la poussière de la terre, Je les écrase, je les foule." C'est David, le roi David, qui est l'auteur de cette diatribe! Alors, qu'est ce qui a changé???
Georges MELKI
16 h 17, le 20 octobre 2014