Le temps automnal qui se précise au Liban a, cette année, une importance double. Non seulement il pourrait, si la pluie était bien utilisée, mettre un terme à la pénurie d'eau dont souffre le pays, mais de plus, il dessert les projets des combattants d'al-Nosra et du groupe État islamique installés dans le jurd qui sépare la frontière libanaise de la Syrie. Selon une source de sécurité, les neiges qui s'annoncent précoces dans cette région réduisent la période pendant laquelle les combattants jihadistes pourraient entreprendre des tentatives d'infiltration en direction du Liban. En même temps, elles rendent une action de leur part plus urgente et imminente. La source précitée précise ainsi que, comme du côté syrien, l'armée du régime et les combattants du Hezbollah ont rendu toute tentative d'infiltration difficile, les combattants installés dans le jurd sont acculés à agir du côté libanais car ils ont désespérément besoin de s'assurer un passage sûr pour le ravitaillement et les soins divers avant que les neiges ne les bloquent dans les grottes ou rendent leur survie plus difficile, notamment pour les blessés. Ce serait la raison pour laquelle une nouvelle tentative de percée a eu lieu samedi soir dans le jurd de Ersal, mais elle a été repoussée par l'armée. Auparavant, il y avait eu une infiltration à Brital, mais elle a été elle aussi non seulement repoussée, mais de plus les combattants ont dû reculer derrière leurs lignes de départ. Une troisième tentative a eu lieu au cours des derniers jours dans la zone des projets de Qaa, mais là aussi, les soldats libanais ont fait preuve d'une grande vigilance, repoussant les agresseurs.
Il semble donc qu'aussi bien l'armée que le Hezbollah ont pris leurs précautions tout au long de la ligne de frontière dans la Békaa. Malgré cela, selon la source de sécurité, les combattants devraient multiplier les tentatives parce qu'ils n'ont pas d'autre choix et que le temps ne joue pas en leur faveur. Mais face à eux, l'armée et le Hezbollah, qui surveillent chacun une zone, sont en train de changer régulièrement leurs tactiques pour surprendre les assaillants. La source précitée est donc confiante dans la possibilité pour la troupe et le parti chiite, chacun de son côté, de repousser toute agression éventuelle. Le seul flanc un peu mou aurait pu être la région des fermes de Chebaa qui, en raison de sa géographie, permettrait à des flots de combattants d'utiliser ce couloir pour entrer vers Chebaa et y installer un nouveau foyer de tension, comme à Ersal, qui affaiblirait à la fois l'armée et le Hezbollah. Mais une percée des jihadistes dans cette région ne peut se faire qu'avec l'aval et l'aide des militaires israéliens qui devraient faciliter leur passage vers le Liban. C'est la raison pour laquelle le Hezbollah aurait réalisé une opération contre une position israélienne il y a une dizaine de jours dans ce secteur. Bien que critiquée par des parties politiques locales, cette opération avait un objectif précis : adresser un message ferme aux Israéliens. Selon la même source, cette opération était à la fois précise et audacieuse, et visait à brandir la menace suivante face aux Israéliens : si vous aidez les jihadistes à passer par vos positions pour lancer des attaques au Liban, c'est contre vous que nous riposterons. Selon la source de sécurité, le message a été bien reçu, et en dépit du flot de menaces verbales, les Israéliens n'ont finalement pas réagi sur le terrain. En principe, le risque qui pointait à l'horizon de Chebaa serait donc neutralisé et les jihadistes réellement coincés. Ils pourraient réagir au Nord en suscitant une vague de troubles, à la fois des agressions contre l'armée et un réchauffement du front entre Jabal Mohsen et Bab el-Tebbaneh. Mais le plan de sécurité tient encore le coup dans la capitale du Nord et la marge de manœuvre des jihadistes est étroite. Ils peuvent aussi « réveiller les cellules dormantes » dans d'autres régions du pays pour semer le chaos, affaiblir l'armée et creuser encore plus le fossé entre les sunnites et les chiites, mais là aussi, la troupe fait preuve d'une grande vigilance, effectuant régulièrement des arrestations dans plusieurs régions du pays.
La source de sécurité estime par conséquent que la fermeture, plus ou moins efficace (car les surprises ne sont pas à exclure), de la frontière dans la Békaa et la vigilance dans le reste du pays vont pousser les combattants à chercher à négocier avec les autorités pour la libération des militaires détenus en otage. Selon cette source, ces militaires pourraient être détenus dans un endroit très proche de Ersal, ceinturé d'explosifs et gardé par les combattants eux-mêmes. La source se base sur le fait que dans le jurd, il n'y a pas de réseau de communications. Or, les ravisseurs contactent régulièrement les familles des militaires pris en otage. Si le gouvernement reste ferme sur ses positions, les combattants pourront donc être obligés de négocier un passage de ravitaillement sûr en contrepartie de la libération des militaires. Mais il faudrait pour cela que les pressions des familles des otages et des médias sur le gouvernement cessent ou baissent d'un cran pour lui permettre de négocier en position de force... Il faudrait aussi que la classe politique ne s'en mêle pas, pour éviter de faire de ce dossier particulièrement sensible un élément de polémique interne.
Liban - Décryptage
Quand la neige devient l’alliée de la troupe...
OLJ / Par Scarlett HADDAD, le 20 octobre 2014 à 00h00
commentaires (6)
Tres belle analyse Scarlett!
Michele Aoun
16 h 47, le 20 octobre 2014