Rechercher
Rechercher

Qui a peur de l’EI ?

Elle a beau avoir perdu de son autorité et de son prestige, l'Onu reste tout de même l'Onu. Et quand l'Onu s'inquiète explicitement et spécifiquement pour vous, pour votre stabilité, pour la sécurité de vos frontières, cela devrait, pour le moins, vous faire réfléchir.

La semaine dernière, c'est le secrétaire général Ban Ki-moon qui faisait part de ses angoisses libanaises. L'a rapidement suivi Terjé Roed-Larsen, chargé du suivi de la résolution 1559 du Conseil de sécurité. Pour faire bonne mesure, c'est Staffan de Mistura, envoyé spécial des Nations unies pour la Syrie, par ailleurs grand ami de notre pays qu'il connaît bien, qui agitait vigoureusement, jeudi, la sonnette d'alarme. Le diplomate a accompli une véritable première en incluant le Hezbollah dans sa tournée des responsables et dirigeants libanais, initiative dont s'étaient abstenus ses deux prédécesseurs, Kofi Annan et Lakhdar Ibrahimi. Partie du problème puisqu'elle prend une part active aux combats de Syrie, la milice chiite est désormais perçue donc comme une partie de la solution, tout comme l'est évidemment son patron iranien.

Cette première n'est d'ailleurs pas la seule, puisque l'Amérique vient de prendre langue avec les Kurdes de Syrie : ceux-là mêmes pourtant qu'abhorrent ses alliés turcs. Toujours est-il que Barack Obama est, lui aussi, profondément inquiet, et il n'a pas manqué d'en informer les chefs militaires de la coalition internationale réunis autour de lui, mardi à Washington. Ce n'est pas précisément pour le Liban que le président US se fait du souci, mais c'est tout comme. À son auditoire copieusement galonné, il a annoncé que la campagne contre l'État islamique sera longue et ardue et qu'elle connaîtra des hauts et des bas avant la victoire finale. Or sommes-nous parés et préparés pour une aussi hasardeuse traversée de ce désert syro-irakien que les jihadistes se targuent d'avoir débarrassé de ses archaïques frontières étatiques ? Mieux encore, les dirigeants libanais eux-mêmes sont-ils aussi inquiets pour leur pays que les hauts responsables onusiens ? Se donnent-ils même la peine de faire semblant ?

Ce que Barack Obama n'a pas dit aux militaires de la coalition, il le confiait en août dernier dans une interview au New York Times. Interrogé sur les lignes issues des accords Sykes-Picot de 1916, il y voyait un ordre remontant à la Première Guerre mondiale et qui commence à crouler. Cette énorme petite phrase est passée presque inaperçue dans notre pays. C'est lui pourtant qui aurait le plus à perdre d'un effondrement total de ces accords quasi centenaires, ne serait-ce qu'en raison de sa diversité religieuse et de l'exiguïté de son territoire.

En s'en allant guerroyer en Syrie, le Hezbollah s'est égoïstement adjugé une vocation transfrontalière, à laquelle ont fatalement répondu, dans le même mépris des barrières étatiques, les hommes de Daech et du front al-Nosra. L'élection d'un président de la République est bloquée depuis des mois et le Parlement est sur le point de s'octroyer une rallonge de service ; dernière institution encore debout, l'armée est quotidiennement prise pour cible par les terroristes. Et on trouve encore moyen de se disputer comme chiffonniers, en plein Conseil des ministres, de se battre à propos de la mauvaise répartition de mauvais asphalte pour les mauvaises routes de notre doux pays...

Issa GORAIEB
igor@lorient-lejour.com.lb

Elle a beau avoir perdu de son autorité et de son prestige, l'Onu reste tout de même l'Onu. Et quand l'Onu s'inquiète explicitement et spécifiquement pour vous, pour votre stabilité, pour la sécurité de vos frontières, cela devrait, pour le moins, vous faire réfléchir.
La semaine dernière, c'est le secrétaire général Ban Ki-moon qui faisait part de ses angoisses libanaises. L'a...