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Nos Lecteurs ont la Parole - Ibrahim TABET

II.- Le califat et l’Europe

Au-delà de la quête de puissance ou de richesse, l'antagonisme entre l'Occident et le monde musulman tient à la nature même de leurs civilisations et au caractère messianique et universel des religions fondées sur elles (voir L'Orient-Le Jour du jeudi 16 octobre 2014).
« Déclarée et ouverte, ou larvée et sournoise, la guerre entre l'islam et la chrétienté malgré des périodes de trêve, des traités d'alliance, malgré tout ce que chrétiens et musulmans se sont mutuellement apportés, ont échangé, cette guerre est une réalité ; elle n'a jamais pris fin. » Cette citation tirée du livre de Jean-Paul Roux, Islam et chrétienté, un choc de religions, n'a jamais paru autant d'actualité qu'en ce début du XXIe siècle. Bien que depuis longtemps Occidentaux et Russes ne se battent plus au nom de leur foi et ne revendiquent même plus l'héritage chrétien. Et bien que, depuis quelques années, les conflits internes à l'islam soient plus violents que ceux qui l'opposent à l'Occident postchrétien.
Si ce regain d'antagonisme est surtout dû à la montée de l'extrémisme musulman propagé par l'Arabie saoudite, le Qatar et le Pakistan, les États-Unis en sont également responsables. Les répercussions en chaîne de leur intervention en Afghanistan s'avérèrent particulièrement désastreuses. Elle a favorisé la naissance des jihadistes d'el-Qaëda qui vouent une haine inexpiable à l'égard des « croisés et des juifs ». Revêtant une énorme portée symbolique, les attentats du 11 septembre 2001 ont imposé l'image auprès de l'opinion occidentale d'une lutte entre la démocratie et le terrorisme, la civilisation et la barbarie, voire entre l'islam et l'Occident chrétien. Encore plus catastrophiques, du moins pour l'Irak, furent les conséquences du renversement du régime de Saddam Hussein par les Américains ; même si l'antagonisme sunnito-chiite lui est antérieur. Certes, si l'on se place du point de vue occidental, les malheurs de l'Irak et de la Syrie ne l'affectent pas directement. Et il n'y a pas eu des attentats de grande envergure en Europe et encore moins aux États-Unis depuis ceux de Londres et Madrid. Enfin, à la différence d'el-Qaëda, les objectifs prioritaires de Daech semblent pour le moment davantage régionaux que transnationaux. Cela dit, jamais auparavant un groupe islamiste n'avait représenté une telle force de mobilisation. Non seulement du fait de son assise territoriale et de l'impact psychologique de ses victoires, mais de par la portée eschatologique et universelle de la notion de califat. Il représente de ce fait une menace pour la sécurité et la stabilité de la région et du monde beaucoup plus sérieuse qu'el-Qaëda qui n'a jamais formé un État, ni disposé d'une assise territoriale et d'une telle structure. D'ailleurs, l'EI est en train de recruter des milliers de combattants dans le monde entier. Plusieurs groupes jihadistes lui ont fait allégeance. Et nombre de jeunes Européens de confession musulmane ayant rejoint ses rangs représentent une menace terroriste potentielle une fois retournés dans leur pays d'origine.
Au-delà de cette menace terroriste, les dirigeants européens sont conscients que dans un contexte mondial de réaffirmation identitaire de l'islam, un des plus grands défis historiques que devra affronter l'Europe est l'intégration de ses populations musulmanes en pleine croissance. En France, 8 à 10 % de la population est musulmane. Ce pourcentage pourrait atteindre 20 % vers 2025. Soit ces musulmans adopteront la culture française, soit se constituera une société musulmane en mesure de défendre sinon d'imposer ses normes. Événement qui serait un des plus graves de son histoire. D'après les sociologues, la grande majorité des musulmans de France respectent les lois de la République et ne cherchent qu'à s'intégrer. Toute analogie entre le sort de la vieille Europe à la démographie en berne et celui de l'Empire romain assailli par les barbares serait donc fallacieuse. Comme serait erronée la vision faisant des musulmans, selon la terminologie de Toynbee, un « prolétariat intérieur » et « un prolétariat extérieur » frappant aux portes de la forteresse Europe et menaçant sa civilisation.

Au-delà de la quête de puissance ou de richesse, l'antagonisme entre l'Occident et le monde musulman tient à la nature même de leurs civilisations et au caractère messianique et universel des religions fondées sur elles (voir L'Orient-Le Jour du jeudi 16 octobre 2014).« Déclarée et ouverte, ou larvée et sournoise, la guerre entre l'islam et la chrétienté malgré des périodes de...

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