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Nos Lecteurs ont la Parole

Un plan Marshall euro-arabe ?

Penser l'Euro-Méditerranée implique de circonscrire un horizon géographique à ce vaste ensemble. Traditionnellement, une telle notion semble inclure les pays riverains de la seule Méditerranée. Cependant, et au vu des transformations du monde, l'espace euro-méditerranéen est aujourd'hui de loin plus vaste. Il recouvre une réalité qui va de l'Atlantique-Nord au Golfe arabo-persique dans le sens ouest-est. Dans le sens nord-sud, il s'agit de la ligne Caucase-Mésopotamie-Golfe. La limite méridionale est le Sahara qui sépare l'Afrique méditerranéenne du reste du continent. Dès 1995 fut mis en place le « Partenariat euro-méditerranéen », à l'occasion de la conférence de Barcelone. À ce processus de Barcelone succéda la «Politique européenne de voisinage» à partir de 2004. D'autres initiatives, impliquant divers mécanismes de coopération directe et indirecte, virent également le jour. Force est de reconnaître que les résultats concrets de toute cette stratégie sont loin d'avoir donné les fruits escomptés.
Les violences et les drames que connaît l'Orient euro-méditerranéen, depuis le déclenchement des soulèvements arabes, ne semblent pas soulever, en Euro-Méditerranée occidentale, plus qu'une réaction émotive: dégoût, réprobation ou haut-le-cœur. L'opinion publique commence à s'émouvoir à cause de l'adoption par une jeunesse européenne, pataugeant dans un nihilisme total, des thèses les plus radicales de l'activisme islamiste jihadiste. Il suffit pour s'en rendre compte de voir les cohortes de ces nihilistes sur les théâtres d'opération de Daech ou État islamique.
Et pourtant, la tragédie actuelle du monde arabe est un ébranlement majeur dans cette aire géographique centrale de l'histoire humaine, l'Euro-Méditerranée. L'actualité a invariablement montré, depuis la première guerre du Golfe jusqu'aux soulèvements de 2010-2011, combien est cruciale, pour la stabilité géopolitique de cette vaste région, la situation en Mésopotamie syro-irakienne, dans le Golfe arabo-persique, ainsi que dans le Caucase et en mer Noire. Le noyau de cette aire centrale demeure cependant euro-arabe. Certains préféreront parler d'espace islamo-chrétien, bien qu'une telle notion, utile certes, demeure quelque peu réductrice, pour rendre compte de la complexité du problème. Un siècle après le début de la Première Guerre mondiale, il est légitime de se demander : que deviendront les frontières nées du démantèlement des empires centraux en 1918, notamment celles de l'Empire ottoman ? L'observateur le moins averti est en mesure de comprendre qu'au Moyen-Orient, le tracé de ces frontières serait devenu caduc ou, du moins, virtuel aux yeux des forces de facto sur le terrain. L'irruption, sur la scène de l'histoire, de l'État islamique en est une démonstration flagrante. Mais le fait que la communauté internationale mobilise, sous l'égide des USA, une quarantaine de nations pour faire la guerre à ce qui n'est pas un État mais un réseau de la terreur indique autant la gravité de la question de ces frontières que l'importance vitale de la question.
Nul n'est en mesure de prédire l'issue de ce conflit. Tout le monde, cependant, appréhende les conséquences à moyen et long terme de ces violences. Tout un chacun sent bien qu'un monde est terminé et qu'un autre est en gestation. Dans le clair-obscur de ce qui n'est plus les ténèbres de la nuit et pas encore la clarté du jour, tous les fantômes de l'ombre continuent à rôder. Qu'est-ce qui émergera donc de toutes ces ruines? Quel que soit l'issue des conflits actuels et de l'ordre politique qui suivra, il est impératif de se doter, dès à présent, d'une vision prospective qui tienne compte de plusieurs paramètres stratégiques de premier ordre :
1. Maintenir la Méditerranée comme mer ouverte non commandée du milieu de l'immense Eurasie. Cela implique d'assurer la sécurité de la ligne Mésopotamie/Golfe qui joue le rôle de verrou.
2. Susciter une collaboration et un partenariat performants entre les pays de l'Euro-Méditerranée, dans tous les domaines.
3. Protéger le vivre-ensemble en Euro-Méditerranée, d'autant plus que la transhumance des peuples pose des problèmes, quasi insolubles, d'intégration et de sécurité.
4. Promouvoir le développement durable dont profiteraient tous les peuples de l'espace euro-méditerranéen, ou mieux euro-arabe.
La violence la plus extrême a des limites. Une fois qu'on a tout détruit, que pourra-t-on faire de plus sinon vivre ensemble ? Le maître mot de toute vision pour demain est la « reconstruction » et ce, indépendamment de la forme de l'ordre politique qui émergera des ruines de l'Orient. Tout sera à reconstruire, depuis les infrastructures jusqu'à l'homme lui-même.
Comment? Un Plan Mashall pour l'Euro-Méditerranée, impliquant un ambitieux partenariat euro-arabe, s'avère désormais indispensable. Les acteurs institutionnels potentiels ne manquent pas et ils sont nombreux. Mais deux d'entre eux se distinguent particulièrement : l'Union européenne (UE) et le Conseil de coopération du Golfe (CCG). Ce sont sans doute, aujourd'hui, les deux mamelles de l'Euro-Méditerranée. Leurs intérêts mutuels se conjuguent en Méditerranée. L'UE et le CCG possèdent des moyens financiers impressionnants ainsi que des ressources humaines et un savoir-faire. On voit mal qui d'autre pourrait assurer la reconstruction du monde arabe et la durabilité de son développement, conditions essentielles de la protection du vivre-ensemble.

Penser l'Euro-Méditerranée implique de circonscrire un horizon géographique à ce vaste ensemble. Traditionnellement, une telle notion semble inclure les pays riverains de la seule Méditerranée. Cependant, et au vu des transformations du monde, l'espace euro-méditerranéen est aujourd'hui de loin plus vaste. Il recouvre une réalité qui va de l'Atlantique-Nord au Golfe arabo-persique dans...

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