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Économie - Commerce extérieur

Les produits libanais en route pour la Russie ?

Ces dernières semaines, plusieurs signes ont laissé entrevoir une volonté du secteur privé libanais d'orienter une partie de ses efforts pour renforcer ses échanges avec les sociétés russes. Le ministre de l'Économie semble, de son côté, avoir pris la mesure de l'importance que représente ce marché pour compenser une demande intérieure pénalisée par les aléas sécuritaires dans la région.

L’agroalimentaire libanais figure en tête parmi les secteurs susceptibles de percer sur le marché russe. Photo Bigstockphoto.com

« L'embargo décrété par la Russie sur les produits agroalimentaires en provenance de l'Union européenne et des États-Unis représente une opportunité historique pour le Liban de relancer ses exportations vers le marché russe. » Prononcée il y a un peu plus d'un mois par le président de la Chambre de commerce et d'industrie de Beyrouth et du Mont-Liban (CCIAB), Mohammad Choucair, la déclaration a le mérite d'être sans équivoque. Et pour cause, la tectonique des plaques géopolitiques qui avait lourdement sanctionné les exportations locales dès 2011 offre désormais à tout un pan de l'économie locale une sérieuse chance de se refaire. Cela dit, une telle opportunité reste rarement ouverte très longtemps dans un monde en perpétuel mouvement, d'où la nécessité pour la diplomatie économique libanaise de presser le pas afin de s'engouffrer au plus vite dans cette brèche.
Le ministre de l'Économie et du Commerce, Alain Hakim, l'a bien compris. S'il n'a bien évidemment pas fallu attendre que la situation s'envenime entre Moscou et les puissances occidentales pour entretenir des relations amicales avec la Russie, la conjoncture actuelle a largement simplifié la donne. « Le marché russe a un potentiel extrêmement intéressant », affirme le ministre, avant d'ajouter que « la spécialisation des industriels libanais, notamment dans le secteur de l'agroalimentaire, sera un atout déterminant pour la suite ». M. Hakim escompte les premiers résultats de cette manœuvre pour « fin 2014 ».

 

Un marché prometteur ?
Avec un peu plus de 143 millions d'habitants, une place sur le podium des producteurs mondiaux de gaz et de pétrole et un président attaché à l'idée d'accroître l'attractivité de son pays, la Russie a de quoi faire rêver les exportateurs en mal de débouchés. Il convient toutefois de rappeler que le pays des tsars n'occupe que le 92e rang du classement 2014 de l'indice de facilité de faire des affaires, établi par la Banque mondiale (Ease of doing business), le 8e rang au niveau du PIB nominal, juste derrière le Brésil et doit composer avec un degré très important de corruption (classé 127e sur 175 pour l'indice de perception de la corruption de l'ONG Transparency International pour 2013).
Samir el-Daher, conseiller économique de l'ancien Premier ministre Nagib Mikati, explique que malgré ces ombres au tableau, la Russie présente « une occasion très intéressante pour compenser les pertes liées aux exportations par voie routière provoquées par la dégradation de la situation au Moyen-Orient ». Car un des facteurs qui distingue aussi la Russie d'une autre destination pour les exportations est sa relative proximité géographique avec le pays du Cèdre. Si Moscou est plus proche de Beyrouth que ne l'est Paris, Sotchi place l'Union douanière eurasiatique (YeEK) qui rassemble désormais la Russie, la Biélorussie, le Kazhakhtan et, depuis vendredi dernier, l'Arménie, à un peu plus de 1 100 km de la capitale libanaise.
Cela dit, les négociations ont d'ores et déjà atteint « un niveau avancé », comme le confirme M. Hakim avec enthousiasme. Le ministre de l'Économie a par ailleurs agi en coordination avec ses homologues à l'Agriculture et à l'Industrie, et en accord avec le ministère des Affaires étrangères. M. Hakim précise également que la CCIAB, l'Association des industriels libanais (AIL), l'Association des agriculteurs (AA), l'Autorité de développement des investissements au Liban (Idal), la Lebanese Franchise Association (LFA), ainsi que l'ambassade de Russie au Liban, ont été mis à contribution sur ce dossier, à travers la mise en place de « points de contact ». Une délégation d'hommes d'affaires libanais doit, par ailleurs, se rendre en Russie dans les prochaines semaines pour permettre aux acteurs économiques impliqués de passer à la vitesse supérieure.

 

La Russie comme nouvelle rampe de lancement
Contacté par L'Orient-Le Jour, M. Choucair souligne qu'il compte beaucoup sur ce déplacement qui aura lieu du 17 au 19 novembre et auquel les ministres de l'Économie, de l'Agriculture et de l'Industrie ont été conviés. Le président de la CCIAB révèle, par ailleurs, que « le secteur privé libanais a déjà pris les devants sur ce dossier et que plusieurs commandes passées par des sociétés russes ont déjà été honorées, notamment grâce à la précieuse contribution de l'ancien président de l'AIL, Jacques Sarraf ». M. Choucair dévoile ainsi qu'une société de distribution basée en Russie a, par exemple, déjà chiffré ses besoins à 40 tonnes par mois en produits laitiers (fromages, beurre et yogourt). D'autres tablent sur « 200 tonnes de crevettes par an, 4 000 tonnes de saumon pour la même période ou encore 750 tonnes de tomates cerises sur 10 mois ». Il ajoute que si cette tentative devait se couronner de succès, les premières retombées au niveau des exportations devraient être comprises « dans une fourchette allant de 200 à 400 millions de dollars annuels ». M. Choucair insiste enfin sur la nécessité d'être réactif pour saisir cette opportunité qui permettra, à terme, « d'écouler des marchandises locales à des prix très intéressants par rapport au marché et qui seront réglées en dollars ».
De son côté, M. Hakim rappelle que le but de l'opération « n'est pas d'inonder le marché russe, mais de placer nos produits en comblant les failles qui existent dans certaines sources spécifiques d'approvisionnement des sociétés établies dans ce pays ». Les agrumes, les fruits et légumes constituent ainsi le fer de lance de la première vague d'exportations libanaises à destination de ce pays, en attendant que les « industriels percent à leur tour ». En ce qui concerne ce dernier secteur, le président de la LFA, Charles Arbid, précise qu'il faudra, dans un premier temps, « procéder à un travail en amont pour mettre les produits libanais à jour au niveau des normes internationales ». « Le marché russe est très concurrentiel, mais dans ces temps difficiles pour la demande interne, conquérir de nouveaux marchés à l'étranger est une priorité qu'il faut encourager. » Pour M. Arbid, les franchises libanaises issues des secteurs de la restauration et de la mode pourront sans doute, à terme, trouver preneur du côté de Moscou.
Reste à savoir si cette première pierre sera la base d'une coopération élargie entre les deux pays. Pour M. Hakim, même si la récente visite officielle en Russie du ministre de l'Intérieur, Nouhad Machnouk, pouvait laisser supposer le contraire, « l'effort actuel se limite pour l'instant à l'exportation des produits locaux ». Pour le ministre, cette initiative doit par ailleurs s'inscrire dans un processus de construction d'une « économie libanaise autosuffisante, afin que la recherche de débouchés sur les marchés étrangers ne s'inscrive plus dans une logique de survie ». Un processus qui passera forcément par un « replacement des PME au centre de l'appareil productif », conclut-il. En attendant, les pommes libanaises n'ont jamais été aussi proches de Moscou.

 

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