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Rabih Mroué, un regard intime sur la guerre

"Mon objectif, quand je fais du théâtre, est d'amener le public à réfléchir, sans se laisser emporter par l'émotion".

L'artiste libanais Rabih Mroué. STEPHANE DE SAKUTIN/AFP

La guerre civile est finie depuis 1990, mais pour l'artiste libanais Rabih Mroué, le passé ne passe pas: quatre de ses créations sur ce conflit sont montrées à Paris dans le cadre du Festival d'Automne.
"Mon objectif, quand je fais du théâtre, est d'amener le public à réfléchir, sans se laisser emporter par l'émotion", explique Rabih Mroué, 46 ans.

C'est donc avec une extrême pudeur qu'il met en scène l'histoire de son frère Yasser, dans "Riding on a Cloud", présenté au Théâtre de la Cité Internationale. Sur le plateau, Yasser est tantôt acteur, tantôt spectateur de vidéos projetées derrière lui, qui opèrent comme un puzzle, reconstituant peu à peu son histoire.

La vie de Yasser bascule en 1987: il a 17 ans, la balle d'un franc-tireur lui traverse la tête. Il gardera de la blessure des difficultés de langage mais deviendra poète. A travers Yasser se croisent l'histoire intime - Yasser enfant sur une photo de famille, Yasser adolescent jouant de la guitare ... - et la grande Histoire.
Vidéos, cassettes magnétiques, photos permettent à Rabih Mroué de déconstruire l'Histoire et d'aller au-delà des représentations habituelles des conflits pour révéler la face intime, cachée de la guerre.

"J'ai commencé à faire du théâtre dans les années 90, mais c'est en 1998 que j'ai fait ma première pièce radicale, et ça a déclenché un refus, un déni au Liban", raconte-t-il. Sa vision de la guerre choque, dans un pays qui veut surtout oublier.

En 2007, une de ses pièces est censurée ("How Nancy wished that everything was an april fool's joke", ou "Comment Nancy espérait que tout cela n'était qu'un poisson d'avril"). "Je nommais les responsables de la guerre, et ça, ce n'est pas permis", raconte-t-il. "Tous ces responsables sont encore aujourd'hui au pouvoir, ce sont des criminels, tous sans exception, et je donnais leurs noms".

Révolutions arabes

La pièce sera finalement autorisée avec le soutien du ministre de la Culture de l'époque, mais Rabih Mroué ne soumet plus ses oeuvres au bureau de la censure. "Je donne mes pièces pour deux ou trois soirées à Beyrouth, sans faire payer les gens, et si on m'interroge je dis qu'il s'agit d'une soirée privée", explique-t-il.

Depuis 2007, il est reconnu en Europe et aux Etats-Unis, ce qui lui a permis d'arrêter son travail à la télévision pour se consacrer uniquement à ses créations.

Rabih Mroué conçoit des oeuvres sans frontière, qui mêlent performance, vidéo, enregistrements, photos, parfois collectées sur internet. "Je n'aime pas les étiquettes", dit-il. "J'ai horreur de ça quand on me dit que je fais du théâtre documentaire". Il a baptisé certaines de ses oeuvres "conférences non-académiques": il y commente sur scène, devant un écran, images et vidéos.

Trois "conférences" sont données du 14 au 18 octobre au Théâtre de la Bastille à Paris. L'une d'elle, "Pixelated Revolution" débute sur les mots: "Les Syriens filment leur propre mort". Rabih Mroué, présent comme un conférencier sur scène, commente et interprète des photos et vidéos envoyées sur internet par des manifestants syriens en butte à la répression.
"J'étais si optimiste après les révolutions arabes!" lance-t-il. "Pour la première fois, le monde arabe bougeait sans que ce soit à la suite d'un leader, ou après un coup d'Etat". "Ces mouvements ont échoué, parce qu'ils n'avaient pas de véritable projet alternatif, dit-il, que les régimes corrompus et les dictatures étaient très forts, et aussi à cause de la réaction stupide des Américains et des Européens, qui n'ont pas su comment réagir, surtout en Syrie".
Il soupire: "Et maintenant c'est trop tard. Enfin ... comment dit-on en Français? Le pire n'est jamais sûr".


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