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Liban - Liban

Le barrage de Janneh : un projet controversé contre le patrimoine libanais

Les médias abordent la question du barrage de Janneh à partir de deux points de vue contradictoires. L'un défend la construction d'un barrage pour répondre à la demande croissante d'eau et venir ainsi à bout de la pénurie – une option jugée donc nécessaire – alors que l'autre s'oppose à tout projet sur le site à cause de son importance, ce qui est légitime.
La valeur de Janneh ne peut pas et ne doit pas être appréciée indépendamment de l'ensemble de toute la vallée où ce site est niché, à savoir la vallée d'Adonis (Nahr Ibrahim). Cette vallée est l'un des rares endroits de la planète, combinant une mythologie et une archéologie uniques, une longue et complète séquence humaine d'histoire et de développement, une importante géologie, une topographie particulière et d'immenses ressources et atouts naturels.


La valeur de la vallée d'Adonis est essentiellement issue du fait que les Phéniciens eux-mêmes l'avaient sanctifiée. Elle était leur terre sacrée. Aucun autre endroit dans le monde ne jouit d'une telle connotation. Ici même, les Phéniciens pratiquaient leurs rituels et leurs dévotions. Ici même, leurs marches de pèlerinage ont ébloui le Vieux Monde. Des gens venaient de partout pour admirer et partager cette marche qui partait de Byblos et se terminait à Afqa, marquant ainsi une phase unique tant dans l'histoire que dans les multiples cultures. Ici même, les Phéniciens ont combiné eau, terre et ciel dans une symphonie de vie et de mort émanant de la terre où Adonis est né, puis mort, avec son propre sang mêlé à l'eau et sa renaissance des profondeurs de la terre jusque dans le flot d'une source. La vallée préserve leur héritage ainsi que leurs artefacts. D'innombrables vestiges et sites archéologiques aux représentations uniques sont parsemés, ici et là, sur le site.

 

(Pour mémoire : Des ONG manifestent contre les dangers du barrage de Janné à Nahr Ibrahim)


La vallée d'Adonis compte de nombreuses sculptures gravées sous le règne de l'empereur romain Hadrien pour protéger ses atouts arboricoles, il y a de cela quelque 2 000 ans. En outre, environ 70 % de la diversité végétale du Liban se trouve dans cette région qui va de l'embouchure de la rivière jusqu'aux sommets, à environ 2 000 m d'altitude. Son écosystème est heureusement en grande partie toujours intact, en dépit de certaines exploitations forestières pour le charbon de bois (autorisées ou non) qui s'inscrivent dans le cadre de l'élagage des arbres. Ce système naturel est également unique de par ses caractéristiques climatiques, géologiques et topographiques qui ont favorisé sa création. Il est riche, sain et intact. L'interaction des paramètres de l'ensemble écologique véhicule la vigueur, un taux de survie élevé et beaucoup d'autres facteurs encore.


La faune y est très riche. Le site abrite les rares familles des damans (les tabsouns) qui vivent toujours dans la réserve de Jabal Moussa, elle aussi un coin de cette vallée qui présente ainsi une valeur éducative certaine. Son système présente une référence fort précieuse qui pourrait être étudiée et enseignée dans les universités proposant des domaines analogiques.
Par conséquent, Janneh, qui se situe au cœur même d'une vallée aux étendues les plus verdoyantes, ne peut être détachée de l'ensemble majestueux et être réduite à un simple cours d'eau. Le jour où le Liban décidera de noyer la vallée de Qannoubine dans un barrage, ou d'utiliser des pierres extraites des ruines de Baalbeck dans une carrière, ce jour-là, on pourrait alors envisager la construction d'un barrage à Janneh dont le cours d'eau est partie intégrante de notre patrimoine naturel et culturel.
La vallée d'Adonis est l'une des plus importantes de la Méditerranée, si ce n'est la première de toutes. Dans l'Antiquité, le caractère sacré ainsi que l'histoire de la vallée ont été protégés par ceux qui ne comprenaient pas à l'époque ce que nous sommes supposés comprendre aujourd'hui. Par son symbolisme et son contexte, la vallée égale les terres emblématiques des Mayas et des Incas.

 

(Pour mémoire : Barrage de Janné : Mohammad Machnouk demande une nouvelle fois l'arrêt des travaux)


J'ai exploré toutes les informations concernant la vallée dans les 360 pages d'une publication parue en 2013, La Terre sainte des Phéniciens, La rivière d'Adonis, La vallée des Ombres dansantes. Les ombres de tous ceux qui sont venus avant nous suggèrent que cette vallée a le droit d'être reconnue pour sa valeur et son importance. Elle a aussi le droit d'être classée parmi les sites faisant partie du patrimoine national, ouvrant ainsi la voie vers son classement sur la liste du patrimoine mondial.
La reconnaissance véhicule toujours le développement, à condition que ce dernier soit en relation et en accord avec les caractéristiques culturelles et l'importance naturelle de la vallée.
Toutefois, il est certain que la reconnaissance de la valeur de la vallée ne permettra pas de capturer les gouttelettes d'eau nécessaires. Je voudrais par ailleurs faire remarquer que lorsqu'un pays prend une décision concernant ses atouts, ceux-ci doivent être en parfait accord. Les banlieues inférieures de la vallée d'Adonis ont été grignotées par des carrières, et des projets de construction domestiques et industriels y ont été réalisés. Si la construction d'un barrage promet de faire bénéficier la région des ressources d'eau et d'améliorer ses aspects sociaux, économiques et esthétiques, la transformant, peut-être, en une autre « Janneh » (paradis), seuls des experts en la matière doivent clairement avoir leur mot à dire.

 

*Auteur de La Terre sainte des Phéniciens, La rivière d'Adonis, La vallée des Ombres dansantes.

 

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« Un permis pour abattre un million de mètres carrés d'arbres à Janné », dénonce le LEM

 

Les médias abordent la question du barrage de Janneh à partir de deux points de vue contradictoires. L'un défend la construction d'un barrage pour répondre à la demande croissante d'eau et venir ainsi à bout de la pénurie – une option jugée donc nécessaire – alors que l'autre s'oppose à tout projet sur le site à cause de son importance, ce qui est légitime.La valeur de Janneh ne...

commentaires (2)

Décidément, ce barrage gêne de plus en plus de monde! Après les élucubrations de certains sur une prétendue communication entre le bassin de Nahr Ibrahim en queue de retenue et le bassin de Jeita, qui est supposée devoir vider le réservoir en moins de temps qu'il ne faut pour lire l'OLJ en sirotant son café le matin(le débit de fuite "calculé" par les soins du BGR étant supérieur au double du débit maximal de l'Oronte...), et après les diatribes des environnementalistes sur les effets catastrophiques du barrage sur la faune et la flore du bassin(Ah! le cyclamen! "Rigide comme un cyclamen/Chevauchez votre cycle. Amen!disait Alphonse Allais...), voici maintenant l'accusation de lèse-sainteté! Comme si la "sainteté" contemporaine ne nous causait pas suffisamment de problèmes, il faut maintenant prendre en considération les "lieux saints" de nos "ancêtres" le Phéniciens! Mais où étaient donc tous ces gens lorsque parut le Décret No 2280 en date du 15 juin 2009 au Journal Officiel? Ce Décret déclare d'utilité publique le barrage et lac de Janneh sur le Nahr Ibrahim, en vue du stockage des eaux et la production de l'énergie hydro-électrique...Et pourquoi avoir attendu 2013 et le début des travaux pour nous raconter toutes ces histoires aussi ineptes les unes que les autres? Et est-ce un hasard si toute cette campagne anti-Janneh a débuté juste après la formation du gouvernement Salam et la nomination d'un nouveau Ministre de l"Environnement? Il est permis d'en douter...

Georges MELKI

20 h 00, le 07 octobre 2014

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Commentaires (2)

  • Décidément, ce barrage gêne de plus en plus de monde! Après les élucubrations de certains sur une prétendue communication entre le bassin de Nahr Ibrahim en queue de retenue et le bassin de Jeita, qui est supposée devoir vider le réservoir en moins de temps qu'il ne faut pour lire l'OLJ en sirotant son café le matin(le débit de fuite "calculé" par les soins du BGR étant supérieur au double du débit maximal de l'Oronte...), et après les diatribes des environnementalistes sur les effets catastrophiques du barrage sur la faune et la flore du bassin(Ah! le cyclamen! "Rigide comme un cyclamen/Chevauchez votre cycle. Amen!disait Alphonse Allais...), voici maintenant l'accusation de lèse-sainteté! Comme si la "sainteté" contemporaine ne nous causait pas suffisamment de problèmes, il faut maintenant prendre en considération les "lieux saints" de nos "ancêtres" le Phéniciens! Mais où étaient donc tous ces gens lorsque parut le Décret No 2280 en date du 15 juin 2009 au Journal Officiel? Ce Décret déclare d'utilité publique le barrage et lac de Janneh sur le Nahr Ibrahim, en vue du stockage des eaux et la production de l'énergie hydro-électrique...Et pourquoi avoir attendu 2013 et le début des travaux pour nous raconter toutes ces histoires aussi ineptes les unes que les autres? Et est-ce un hasard si toute cette campagne anti-Janneh a débuté juste après la formation du gouvernement Salam et la nomination d'un nouveau Ministre de l"Environnement? Il est permis d'en douter...

    Georges MELKI

    20 h 00, le 07 octobre 2014

  • La préservation et la défense de notre patrimoine ...doit être prioritaire...! de l'eau il y en plein en Méditerranée...! et toutes les technologies sont disponibles , pour la transformer en eaux douce agricole ou domestique ....

    M.V.

    12 h 25, le 07 octobre 2014

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