Rechercher
Rechercher

Moyen Orient et Monde - Portrait craché #2 Dilma Rousseff

Laissez venir à moi les petits enfants

Les cordonnières sont décidément les plus mal chaussées. Diplômée d'économie, elle jongle avec les chiffres et les programmes de ses ministres comme une professionnelle du Cirque du Soleil. Et pourtant, c'est là qu'elle s'est superbement rétamée, qu'elle a tout raté : mamãe, à l'aube de son premier mandat, avait martelé que sa mission était d'éradiquer la pauvreté. Mais mamãe a besoin de temps. Au moins, de quatre autres années. Il faut dire qu'à part ses enfants, ils sont tout de même plus de 200 millions, mamãe tient absolument à s'occuper de toute la marmaille de la terre. Papa bulgare, maman brésilienne, grand-mère juive, mamãe est brechtienne.
Mais c'est une drôle de mamãe, Dilma Rousseff. Les mamans, d'habitude, on adore les aimer. Surtout quand elles ont 66 ans. Elle, c'est un peu particulier. Elle, on ne sait pas/plus trop.
Quand elle sautille comme une pupuce à peine sortie de chez les ursulines, huée par ses compatriotes mais sourde comme une diva, dans un Maracanã bondé en plein Mondial 2014 de futebal ; quand elle pleure comme une gamine parce que son pays et ses boys se sont pris la plus insensée des raclées (ce 7-1, elle ne l'oubliera jamais ; pire : elle ne le pardonnera jamais à l'autre, à la Merkel...) ; quand elle sort ses bijoux pour aller au théâtre, pour serrer ses petits poings et retenir son souffle devant les Troyennes ou Iphigénie à Aulis – ces bijoux dont elle rêvait, guérillera superbe de résilience et de fierté, torturée à 23 ans par la dictature en place ; quand, enragée d'avoir été espionnée par les yankees, elle s'intronise Superwoman, déterminée à faire protéger la vie privée de tous les internautes de la planète ; quand elle jure, presque Mme de Tourvel dans les Liaisons dangereuses, presque Emma Bovary devant Lucia de Lammermoor à l'opéra de Rouen, qu'elle n'est ni adolescente ni romantique, qu'elle est absolument capable d'analyser objectivement ; quand elle fait ses balades à moto incognito dans Brasilia ou qu'elle se faufile dans une bijouterie avec son amoureux, à chacun de ces moments-là, à tous ces moments-là, Dilma Rousseff est juste une mamãe idéale. Une délicieuse desperate housewife.
Mais mamãe est duelle. Pas bipolaire, juste duelle. Mamãe est revêche : Lula et son sourire tellement bonhomme sont bien loin. Mamãe est colérique, très, et ses ministres s'en souviendront pour longtemps : c'est Peggy Alcazar dans Tintin, concierge dans l'escalier. Ou alors une version un peu affadie de Margaret Thatcher. Mamãe ne tient pas ses promesses : elle a effectivement laissé le Brésil dans un état pire que celui où elle l'a trouvé, et les infrastructures de son Gargantua de pays souffrent toujours d'un déficit abyssal, sa compétitivité est dans un état lamentable, et son déficit grimpe lentement peut-être, mais sûrement. Mamãe, parfois, se retranche dans des silences indignes de sa nature, de sa culture, de son courage, de sa testostérone : chrétienne juste ce qu'il faut pour ne pas détonner dans le plus grand pays catholique de la planète, elle a choisi l'autisme à propos de l'avortement et du mariage gay. Et puis mamãe est mauvaise joueuse. Mamãe boxe sous la ceinture : voilà Marina Silva, sa rivale, celle qui rêve de devenir l'Obama brésilienne, accusée de vouloir supprimer les programmes sociaux dont bénéficient des millions de pauvres. Mamãe n'aime pas trop les femmes, surtout en politique. C'est bizarre : c'est elle qui avait espéré un jour que les papas et les mamans de petites filles les regardent et se disent : Yes, women can.
Je m'appelle Dilma et je vous emmerde. Petite mère du povo, de son peuple à elle : elle y croit. Elle est comme ça, Dilma Rousseff. Et c'est sans doute pour cela qu'elle a de grandes chances d'être réélue.

Les cordonnières sont décidément les plus mal chaussées. Diplômée d'économie, elle jongle avec les chiffres et les programmes de ses ministres comme une professionnelle du Cirque du Soleil. Et pourtant, c'est là qu'elle s'est superbement rétamée, qu'elle a tout raté : mamãe, à l'aube de son premier mandat, avait martelé que sa mission était d'éradiquer la pauvreté. Mais mamãe a...

commentaires (2)

Celui ou celle qui use de grand mot dont il n'est pas capables d'assumer fini par échouer. Si les Brésiliens l’élisent a nouveau, ils n'auront fait que se tirer une balle au pied juste autant que l'ont fait les Venezueliens ou les Français. Dans les deux cas les pays sont dans la merde!

Pierre Hadjigeorgiou

15 h 22, le 03 octobre 2014

Tous les commentaires

Commentaires (2)

  • Celui ou celle qui use de grand mot dont il n'est pas capables d'assumer fini par échouer. Si les Brésiliens l’élisent a nouveau, ils n'auront fait que se tirer une balle au pied juste autant que l'ont fait les Venezueliens ou les Français. Dans les deux cas les pays sont dans la merde!

    Pierre Hadjigeorgiou

    15 h 22, le 03 octobre 2014

  • En quatre ans de présidence, Mme Rousseff a en effet poursuivi avec succès le combat engagé par Lula contre les profondes inégalités sociales du Brésil. Paradoxalement, elle a déçu dans son domaine: l'économie.

    Sabbagha Antoine

    12 h 10, le 03 octobre 2014

Retour en haut