Rechercher
Rechercher

Moyen Orient et Monde - Éclairage

Feu vert turc à une intervention militaire contre l'EI : un nouveau chapitre s’ouvre dans la région

La décision turque d'intervenir militairement, « une stratégie contre l'EI et contre le PKK », selon Ömer Taşpınar.

Le Parlement turc a voté hier à une large majorité pour une intervention turque en Syrie contre l’État islamique. Adem Altan/AFP

Critiqué jusque-là pour sa position plus ou moins ambiguë au sein de la coalition internationale dirigée par les États-Unis contre l'État islamique, Ankara a finalement crevé l'abcès, avec le feu vert du Parlement pour une intervention militaire en bonne et due forme, alors que l'EI était annoncé hier à quelques encablures de la ville syrienne de Kobané (Aïn el-Arab en arabe), située sur la frontière syro-turque. Cette décision pourrait ouvrir un nouveau chapitre dans la région.


Dans un premier temps, la Turquie avait refusé de rejoindre la coalition, une sorte de grosse bouderie politique après la prise d'otage de 49 citoyens turcs, détenus en Irak par l'EI. La libération de ces derniers le 20 septembre a évidemment changé la donne, surtout que l'EI menace désormais la sécurité de l'État turc. Un revirement qui s'inscrit dans le pragmatisme turc au Moyen-Orient, malgré des approches hésitantes et maladroites, ces dernières années, de certains dossiers brûlants : Syrie, Libye, Égypte.
Les premiers indices d'un changement de cap ont été donnés par le président Recep Tayyip Erdogan, lorsqu'il déclarait que son pays était prêt à faire « ce qui est nécessaire », que les frappes aériennes contre l'EI ne constituaient qu'une « solution temporaire », comme un appel voilé à un élargissement des prérogatives de la coalition, et enfin, lorsqu'il militait pour la création dans le nord de la Syrie d'une zone tampon afin de protéger les réfugiés kurdes syriens.

 

Au plus mal...
De cette nouvelle phase d'activisme dans la région, pourraient naître des changements à plusieurs niveaux pour l'acteur turc. Pour la première fois, Ankara est en phase de se transformer en stabilisateur régional, objectif affiché par le parti AKP au pouvoir, qui a recentré à partir du milieu des années 2000 sa politique étrangère vers le Moyen-Orient. Une intervention contre l'EI, prélude à une pacification du flanc sud-est de la Turquie, permettrait à celle-ci de casser la prépondérance du PYD (Parti de l'union démocratique), qui avait les coudées franches au nord de la Syrie avant la percée spectaculaire de l'EI, et celle du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) en Irak, Ankara ne pouvant avoir le luxe de laisser ces deux acteurs agir de manière autonome dans son « étranger proche ». Selon Ömer Taşpınar, chercheur au think tank américain Brookings et docteur en relations internationales, interrogé par L'Orient-Le Jour, « il est intéressant de se pencher sur le langage utilisé par le gouvernement turc, qui insiste sur le mot "terrorisme". Cela lui permettrait de justifier une action contre les organisations kurdes considérées terroristes par Ankara. Or, le PYD et le PKK sont les seuls à se battre véritablement contre l'EI, respectivement en Syrie et en Irak du Nord. » L'académicien turc, également professeur au National War College à Washington, estime que la prise de Mossoul par l'EI en juin dernier modifie la stratégie turque qui se transforme en « stratégie contre l'EI, mais également contre le PKK ». Il considère de même que la nouvelle position turque signifie que « le processus de paix engagé avec le PKK (en 2013) est au plus mal ».


Une deuxième implication serait au niveau régional. Alors que la présence militaire en Irak des pasdaran iraniens est attestée, Ankara marquerait des points contre Téhéran, son principal concurrent au niveau régional. Enfin, au niveau international, une intervention turque en Syrie pourrait inciter les États-Unis à accepter finalement l'idée de l'établissement d'une « no fly zone » en Syrie, une demande martelée depuis deux ans par la Turquie, nécessaire pour l'enclenchement d'opérations militaires terrestres de grande envergure. « Les États-Unis veulent une Turquie plus active dans la coalition et encouragent son leadership. Mais celle-ci n'entend pas agir unilatéralement et désire que l'armée américaine intervienne au sol, ce qui est strictement refusé par Washington. »


En tout état de cause, l'imminente intervention turque en Syrie, qui accroîtrait son rôle dans la coalition, annonce un refaçonnage du paysage politique régional.

Critiqué jusque-là pour sa position plus ou moins ambiguë au sein de la coalition internationale dirigée par les États-Unis contre l'État islamique, Ankara a finalement crevé l'abcès, avec le feu vert du Parlement pour une intervention militaire en bonne et due forme, alors que l'EI était annoncé hier à quelques encablures de la ville syrienne de Kobané (Aïn el-Arab en arabe),...

commentaires (1)

"l'imminente intervention turque en Syrie, qui accroîtrait son rôle dans la coalition, annonce un ré-façonnage du paysage politique régional." En bref la fin d'Assad et de son régime accompagnée de la fin de l'influence Iranienne en Syrie. L'Iran tiendra l'Irak et la Turquie la Syrie. La ou il nous faudra se poser des questions c'est combien de temps durera ce status quo entre les deux larrons?

Pierre Hadjigeorgiou

15 h 33, le 03 octobre 2014

Tous les commentaires

Commentaires (1)

  • "l'imminente intervention turque en Syrie, qui accroîtrait son rôle dans la coalition, annonce un ré-façonnage du paysage politique régional." En bref la fin d'Assad et de son régime accompagnée de la fin de l'influence Iranienne en Syrie. L'Iran tiendra l'Irak et la Turquie la Syrie. La ou il nous faudra se poser des questions c'est combien de temps durera ce status quo entre les deux larrons?

    Pierre Hadjigeorgiou

    15 h 33, le 03 octobre 2014

Retour en haut