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Liban - Polémique

« Des terrains publics, d’une valeur de 500 millions de dollars, menacés de privatisation à Beyrouth »

L'association Green Line, en collaboration avec la Campagne pour la protection de Dalyeh-Raouché, a lancé un cri d'alarme pour la protection du littoral de Beyrouth, allant de Raouché à Ramlet el-Baïda.

Ramlet el-Baïda, une imposante plage de sable en plein Beyrouth. Photo Nasser Traboulsi

Des projets privés en perspective le long de ce qu'on appelle la « zone 10 du littoral de Beyrouth », allant de Raouché à Ramlet el-Baïda, inquiètent et mobilisent les ONG depuis de longs mois, voire des années. La conférence de presse des ONG, hier, a tenté de donner un ordre de grandeur concernant ces terrains supposés appartenir au public mais qui, par des amendements successifs des lois, ont été confiés à des privés. « Si, soulignent les ONG, on compte le prix minimum du mètre carré dans cette zone de Beyrouth, soit 5 000 dollars, on obtient le chiffre de 500 millions de dollars de pertes pour le public. »


Les militants se sont principalement attaqués aux grands projets ayant défrayé la chronique ces derniers mois : d'une part, les rumeurs autour d'un projet touristique prévu au niveau de Dalyeh, une plage et un port de pêcheurs donnant sur la Grotte aux Pigeons, et, d'autre part, les projets menaçant la plage publique de Ramlet el-Baïda. « La définition même du terrain public a été modifiée, constate Ali Darwiche, président de Green Line. Selon la loi de 1925, les biens-fonds maritimes publics s'étendent jusqu'au point le plus éloigné atteint par les vagues. Or ces terrains dont on parle ont tous été maintes fois atteints et recouverts par les vagues. Malgré cela, ils sont enregistrés au nom d'individus ou de sociétés depuis près de 90 ans, et cela continue. »


Sur le sujet plus spécifique de Ramlet el-Baïda, Ali Darwiche a dit « avoir cru que le dossier était clos depuis les années 2000-2001, quand des propriétaires de terrains privés sur la plage, principalement l'ancien Premier ministre Rafic Hariri (NDLR : assassiné en 2005), ont décidé d'en faire une plage publique ». « Or, poursuit-il, nous avons été surpris récemment d'une demande faite à la municipalité par de nouveaux propriétaires pour un permis de clôturer Ramlet el-Baïda. Il faut savoir que les terrains sur cette plage ne sont pas tous privés. Et même les terrains privés, sur une moitié de largeur de la plage, sont non ædificandi, c'est-à-dire ne peuvent être bâtis, donc ont une valeur d'investissement pratiquement nulle. »
Et d'ajouter : « Nous demandons au conseil municipal, qui se plaint d'un manque de moyens pour exproprier les terrains, de refuser tout changement de classement dans cette zone, qui en augmenterait le prix à l'expropriation. »


L'environnementaliste note plusieurs empiètements à Ramlet el-Baïda, une zone dans laquelle, au cours des années 80 et 90, et jusqu'à présent, les ventes de terrains ont assuré à de nouveaux propriétaires des parcelles de plus de 20 000 mètres carrés, superficie nécessaire pour demander un permis d'investissement sur les biens-fonds maritimes.


« Le député Georges Adwan, qui a engagé récemment des pourparlers pour le financement de la nouvelle échelle des salaires, a proposé comme solution d'imposer des sommes aux propriétaires de projets sur le littoral dans le cadre d'une régularisation de leur situation, a souligné Ali Darwiche. Pour notre part, nous réitérons notre refus de toute régularisation des empiètements sur les biens-fonds maritimes publics, et nous insistons sur le paiement, par les contrevenants, des montants qu'ils doivent à l'État, c'est-à-dire entre 10 et 20 000 dollars le mètre carré. Il est inacceptable que l'État continue de percevoir quelques centaines de milliers de livres seulement par an de contrevenants qui se sont enrichis aux dépens du public. »

 

(Lire aussi : La plage publique de Ramlet el-Baïda risque-t-elle d'être fermée au public ?)

 

Des amendements en série
Pour sa part, Abir Saksouk, qui représentait la Campagne pour la protection de Dalyeh-Raouché, a plaidé pour la protection de ce site qui comporte un port de pêcheurs grâce auquel vivent plus de 70 familles.

Selon elle, ce sont les amendements successifs des lois qui ont ouvert la voie à la privatisation progressive de ces terrains publics :
– 1954 : premier plan directeur de Beyrouth qui interdisait tout bonnement les constructions dans la zone 10 de Beyrouh.
– 1966 : nouvelle loi qui autorise les constructions sur le littoral (sous certaines conditions) à l'exception de cette zone 10.
– 1982 : nouveau décret qui stipule que tout propriétaire d'un terrain de 20 000 mètres carrés peut construire sur les biens-fonds maritimes, mais devra offrir 25 % de ses terrains à la municipalité.
– 1989 : le décret 169, que les militants qualifient de « scandale », qui annule coup sur coup les 25 % des terrains à offrir aux municipalités, et l'exception de bâtir dans la zone 10. Un recours a été présenté au Conseil d'État par les ONG contre ce décret il y a une semaine : cela a été rendu possible, malgré l'ancienneté du texte, du fait des lacunes juridiques qui ont entaché son adoption (aucune des institutions concernées n'avait été prévenue en ce temps-là).
– 1995 : un décret relève le coefficient d'exploitation des biens-fonds maritimes, entre autres dans la zone 10. Il a été maintes fois renouvelé, dont une dernière fois en 2014. C'est à cette époque, note Abir Saksouk, que les terrains de Dalyeh ont été massivement achetés.



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