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Nos Lecteurs ont la Parole - Bélinda IBRAHIM

Islamophobie sur le Net : #notinmyname

« Le XXIe siècle sera religieux ou ne sera pas. » - Citation attribuée à André Malraux

Il a fallu 24 heures pour que la Toile se transforme en camps retranchés. Il faut dire que le terrain s'y préparait : après chaque exécution barbare et tranchante, le tollé de condamnations saturait les réseaux sociaux, et cela est fort louable. Ce qui l'est beaucoup moins en revanche, c'est l'attitude méfiante doublée d'une colère teintée de racisme qu'ont adoptée d'un coup les Libanais non musulmans à l'égard de leurs compatriotes, en particulier les sunnites. Brusquement, il a fallu que ces derniers justifient leur religion, qu'ils soient croyants, pratiquants ou athées, et clament haut et fort qu'ils se démarquent de cette bande d'assassins qui se fait appeler « État islamique ». Les posts ont commencé à pleuvoir de partout : des status anti-islamiques, des injonctions poussant les musulmans à descendre dans la rue clamer haut et fort qu'íls se démarquent de l'IS. La Toile s'est scindée en deux avec une ligne de démarcation honteuse. D'un côté se cantonnaient les chrétiens frileux qui préféraient mettre une croix sur l'autre qui ne leur ressemble pas et de l'autre une multitude de personnes qui réagissaient chacune à sa manière : entre silence choqué et verbe enrobé d'excuses. Certains n'avaient pas mis les pieds dans une mosquée, comme beaucoup de mes amis, musulmans intellectuels athées, qui se sont sentis obligés de se « défendre » d'être nés musulmans. La tension s'amplifiait, et les uns et les autres, tour à tour, passaient leur temps à accuser, s'excuser, se solidariser, se désolidariser, condamner, condamner doublement. Oui, il a honteusement été demandé aux musulmans de prendre fermement position par le biais d'une double condamnation : la première du fait même de leur religion qui les rendait en quelque sorte « complices » de la barbarie de l'EI, et la seconde : en tant qu'être humain. La guerre civile virtuelle bat désormais son plein. Un mur d'incompréhension s'est érigé entre les amis d'hier qui badinaient de post en post et que la religion/obstacle a transformés en belligérants d'une guerre froide. Guerre raciste et fratricide. Guerre nauséeuse et abjecte.
Non, un musulman n'a pas à démontrer s'il fait partie ou pas des » bons musulmans « . Il est temps que l'amalgame stigmatisant cesse, et que bon nombre d'entre nous ne se sentent plus obligés de défendre leurs amis musulmans à coups de versets du Coran qui prouvent que l'EI est loin d'appliquer ce que le Coran prône. S'il y a une chose qui est certaine, c'est que l'EI marche à « contre-Coran » et verse dans une horreur qui n'a ni source ni nom et qui n'est liée qu'à la bête atrocement inhumaine qui s'est réveillée en eux. Les religions sont à mettre de côté, et c'est uniquement en tant qu'être humain que les musulmans du Liban et ceux du monde entier devraient brandir au même titre que nous
tous : #notinmyname.
Bien sûr, l'islamophobie sur la Toile n'est que le reflet de ce qui se passe dans le monde. On le voit tous les soirs sur les chaînes télévisées. Elle s'est insidieusement infiltrée partout. Le monde est devenu méfiant, peureux, intolérant. Moi qui étais si fière de ma double nationalité franco-libanaise, l'idée, la simple idée que je puisse être regardée « autrement » en passant la police des frontières, ou de percevoir la moindre hésitation liée au fait que je sois née à Beyrouth et que je m'appelle Ibrahim, me coupe soudain l'envie de passer quelques jours à Paris. Pourtant je ne suis pas musulmane. Que serait-ce alors pour ceux qui le sont ?...

« Le XXIe siècle sera religieux ou ne sera pas. » - Citation attribuée à André Malraux
Il a fallu 24 heures pour que la Toile se transforme en camps retranchés. Il faut dire que le terrain s'y préparait : après chaque exécution barbare et tranchante, le tollé de condamnations saturait les réseaux sociaux, et cela est fort louable. Ce qui l'est beaucoup moins en revanche, c'est...

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