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Moyen Orient et Monde - Le point

Dans le bourbier syro-irakien

Les problèmes seraient-ils devenus aussi difficilement réglables qu'on nous le dit ? Ou bien sont-ce plutôt les hommes chargés de les résoudre qui n'auraient pas la stature adéquate ? Telles sont les deux questions existentielles qu'il convient de se poser en ces journées de tous les dangers où les flammèches du brasier proche-oriental inquiètent l'Europe et l'Amérique, menacées désormais par le boomerang islamiste. Réponse : l'un et l'autre, mon général. Non ? Voyons voir.
Pendant que le président Barack Obama n'en finissait pas de peser au trébuchet les avantages et les inconvénients d'une éventuelle intervention musclée en terre arabe, les daechistes, chaussant leurs bottes de sept lieues, empilaient les conquêtes et les butins de guerre, coupaient des têtes comme jadis les Ibans et les Kayans du Sarawak et, dans la foulée, ramenaient le monde à l'ère d'un califat aboli par Mustafa Kemal le 3 mars 1924. Des semaines plus tard, la Maison-Blanche, se décidant enfin à franchir le Rubicon, réveillait son armada aérienne – à la vérité plutôt étique, convient-il de souligner. Las ! Ce fut pour démanteler quelques misérables tuyaux de pétrole véhiculant vers de douteuses destinations l'indispensable nerf sans lequel la guerre ne serait pas ce qu'elle est, un gigantesque Murder Inc.
Fallait-il, pour un si piètre résultat, s'attirer les foudres de la ligue des défenseurs des vertus démocratiques ? Car les médias d'outre-Atlantique n'arrêtent pas, depuis, d'administrer des leçons de bonne gouvernance à l'élève accusé de nombreux errements : un « Wrong Turn on Syria » (titre de l'éditorial du New York Times du 23 septembre), une absence de plan exhaustif qui précipiterait la fin de l'État islamique sans pour autant déclencher une cascade de contre-coups, un blitzkrieg différent du plan évoqué dans le discours présidentiel du 10 septembre, le bénéfice que pourrait tirer Bachar el-Assad de l'offensive...
Plus grave est l'impression que toute l'entreprise semble avoir été concoctée à la va-vite. On n'ose penser à ce qu'aurait été la crise des missiles de Cuba si l'actuel chef de l'exécutif US, et non pas John Fitzgerald Kennedy, s'était trouvé aux commandes face à l'imprévisible Nikita Khrouchtchev.
Le tableau n'est guère plus rassurant sur les bords de la Tamise. L'empressement mis par David Cameron à enrôler le Royaume-Uni dans la campagne contre l'EI, avec cette fois le soutien de la Chambre des communes, n'a rien à voir avec le refus qu'il avait essuyé fin août 2013 de la part de cette même instance législative. Cet été, le gaffeur émérite qu'il est a trouvé le temps de prendre de nouvelles vacances alors que les préparatifs militaires allaient bon train à Washington. Pour sa défense, le Premier ministre a avancé l'argument suivant : « Où que je sois, je ne suis jamais trop loin d'un BlackBerry, prêt à prendre les mesures qu'impose la situation. » N'est pas Tony Blair qui veut, certes (« le caniche de George W. », disait-on à l'époque), mais de là à endosser les habits de l'Américain Dwight Eisenhower, plus présent sur les greens de golf que dans le bureau Ovale...
Les fidèles sujets de Sa Gracieuse Majesté en rient encore : après avoir joué des coudes pour figurer dans l'escadrille de tête qui allait bombarder les vilains islamistes d'Abou Bakr al-Baghdadi, le même Cameron déclarait le plus solennellement du monde, le 26 septembre devant l'Assemblée générale des Nations Unies, que la hâte devait être précédée d'un plan précis – ce qui, en l'occurrence, n'est pas le cas.
À Paris, le tour pendable que Barack Obama avait joué à François Hollande l'an dernier n'est plus qu'un lointain souvenir. Rappelez-vous le « saber rattling », comme disent les militaires américains, préalablement aux frappes qui allaient s'abattre sur la tête d'Assad. Puis plus rien, alors que tournaient déjà les réacteurs des « Rafale », prêts à envoyer leurs missiles Scalp sur les usines d'armes chimiques du tyran dans le sillage des F-16 Fighting Falcon. Explication : le président US venait de faire volte-face, préférant obtenir au préalable l'approbation d'un Congrès hostiles à l'idée même de telles frappes. Cette année, les quarante membres de la coalition sont sur la même longueur d'onde et, promis, juré, il n'y aura pas de faux bond.
Alors, feriez-vous confiance, vous, à des leaders qui sont menés par le monde (s'il vous plaît, ne parlons pas de meneurs), qui réagissent à l'événement, et plutôt mal, au coup par coup ? Oubliez donc ceux-là qui font figure d'ancêtres, de Gaulle, JFK, Paul VI, Adenauer. Et rappelez-vous toujours que nous sommes à l'ère de la realpolitik.

Les problèmes seraient-ils devenus aussi difficilement réglables qu'on nous le dit ? Ou bien sont-ce plutôt les hommes chargés de les résoudre qui n'auraient pas la stature adéquate ? Telles sont les deux questions existentielles qu'il convient de se poser en ces journées de tous les dangers où les flammèches du brasier proche-oriental inquiètent l'Europe et l'Amérique, menacées...

commentaires (3)

Le mot "realpolitik" est magique . Il fait prendre conscience de pas mal de choses , il ramene les reveurs les niais et les credules a leur place de neuneu . Obama pouvait il "impunememt" bombarder la Syrie legitime de Bashar ? oui si on considere les moyens dont il dispose et non si on considere que la menace du retour de baton etait reelle . nathannazi peut il empecher l'Iran de posseder le nucleaire , oui si on considere les moyens qu'ils possedent et non si on tient compte des retours de manivelle . Voici des exemples simples , et je passe sur le fait qu'israel après sa raclee de 2006 ne pourra pas reediter son crime contre le sud Liban , non pas a cause d'un manque de moyens , mais a cause de la peur du retour de flamme . Certains diront Obama est faible , Obama est lache etc... les pauvres , ils ne savent pas , ils voudraient ne pas savoir que le monde n'est plus la propriete exclusive de la barbarie sioniste , d'autres aussi peuvent le faire , qu'ils soient manipules par eux , sionistes d'israel ( daech et consorts) , ou pas . Merci pour le mot magique Merville . REALPOLITIK .

FRIK-A-FRAK

10 h 40, le 30 septembre 2014

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Commentaires (3)

  • Le mot "realpolitik" est magique . Il fait prendre conscience de pas mal de choses , il ramene les reveurs les niais et les credules a leur place de neuneu . Obama pouvait il "impunememt" bombarder la Syrie legitime de Bashar ? oui si on considere les moyens dont il dispose et non si on considere que la menace du retour de baton etait reelle . nathannazi peut il empecher l'Iran de posseder le nucleaire , oui si on considere les moyens qu'ils possedent et non si on tient compte des retours de manivelle . Voici des exemples simples , et je passe sur le fait qu'israel après sa raclee de 2006 ne pourra pas reediter son crime contre le sud Liban , non pas a cause d'un manque de moyens , mais a cause de la peur du retour de flamme . Certains diront Obama est faible , Obama est lache etc... les pauvres , ils ne savent pas , ils voudraient ne pas savoir que le monde n'est plus la propriete exclusive de la barbarie sioniste , d'autres aussi peuvent le faire , qu'ils soient manipules par eux , sionistes d'israel ( daech et consorts) , ou pas . Merci pour le mot magique Merville . REALPOLITIK .

    FRIK-A-FRAK

    10 h 40, le 30 septembre 2014

  • L'ANALYSE DIT QUE TOUT A ÉTÉ MINITIEUSEMENT PLANIFIÉ. SANS LES DAESCHS ON N'AURAIT JAMAIS VU SE RÉPÉTER LE SCÉNARIO LYBIEN... CAR DE TEL, SI CE N'EST DE PIRE, IL S'AGIT... LE MASTODONTE... MALGRÉ LUI... S'EST RÉVEILLÉ ! GARE AUX RÊVEURS DE VICTOIRES ILLUSOIRES S'ILS NE SE RÉVEILLENT PAS DE LEURS PROFONDS SOMMEILS...

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 51, le 30 septembre 2014

  • Non, M Merville, nous ne sommes pas à "l'ère de la realpolitik"; nous sommes à l'ère de la cowardlypolitik instaurée par un président américain indécis et hésitant à l'extrême, qui passe des mois à penser et penser sur ce qu'il doit faire -en mastiguant son chewing-gum, bien sûr- et qui finalement ne fait rien du tout. En 2011-2012, il n'était demandé à ce génie ni des frappes aériennes ni son cauchemar de troupes au sol. Il lui était demandé simplement de fournir -payées par les pays du Golfe- les armes nécessaires à la rébellion syrienne, à l'époque sans aucun souffle d'extrémisme, entièrement modérée et désireuse d'instaurer dans son pays une vraie démocratie plurielle, afin qu'elle puisse libérer son pays de la "tyrannie" que vous nommez. Par pure lâcheté, ce président n'a pas répondu favorablement à cette demande. Résultat de sa lâcheté : Daech, complice de ladite tyrannie criminelle, dominant à Raqqa, dynamitant la rébellion syrienne, faisant la jonction avec sa mère irakienne et un Etat islamique/califat barbare à cheval sur la Syrie et l'Irak dont la destruction requiert à présent une coalition de 40 pays. Tel est "le bourbier syro-irakien". Obama en est le premier artisan.

    Halim Abou Chacra

    04 h 35, le 30 septembre 2014

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