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Liban - Crise

« Nous dresserons nos tentes devant les maisons des ministres à partir de lundi... »

Les parents des militaires pris en otage ont bloqué de nombreuses routes hier et menacent de procéder à une escalade pour dénoncer « l'arrêt des négociations ». À Tripoli et à Ersal, des manifestations pour soutenir les réfugiés syriens ont été organisées au lendemain des perquisitions de l'armée dans leurs camps.

Les parents des militaires pris en otage ont bloqué de nombreuses routes hier et menacent de procéder à une escalade pour dénoncer « l’arrêt des négociations ». Photo Danielle Khayat

Comme ils l'avaient promis la veille, les proches des militaires pris en otage par les jihadistes dans le jurd de Ersal ont bloqué hier, depuis le début de la matinée, les routes de Dahr el-Ahmar à Rachaya ainsi que celle de Dahr el-Baïdar pour protester contre « l'inaction du gouvernement ». Revendiquant la libération immédiate de leurs fils, même au prix de leur échange contre des islamistes détenus dans la prison de Roumieh, comme le réclament les ravisseurs, les familles des otages ont été rejoints hier par le ministre de la Santé Waël Bou Faour, député membre du Front de lutte nationale de Walid Joumblatt. S'exprimant au terme de la rencontre avec les familles au siège de son parti à Rachaya, le ministre a réitéré les positions du leader druze favorables à cet échange « afin de préserver la sécurité de la nation ». M. Bou Faour a, dans ce contexte, réitéré l'appel de M. Joumblatt à accélérer les procès des détenus islamistes. « Nous avons confiance dans la justice libanaise et nous lui demandons d'exercer une activité intense en ces temps exceptionnels afin que l'autorité politique puisse agir en fonction des décisions judiciaires. Nous avons également appelé à un allègement des peines des détenus », a-t-il souligné, avant d'assurer que le Premier ministre Tammam Salam lui a affirmé que le président turc Erdogan est prêt à intervenir dans cette affaire. « Il revient aux parents des militaires de décider s'ils veulent poursuivre le blocage des routes », a-t-il conclu.

 

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En effet, les familles des otages ont assuré qu'ils poursuivront leur sit-in aujourd'hui et jusqu'à lundi. « Nous couperons samedi la route entre 9 heures et 19 heures à Qalamoun où notre tente est toujours dressée. La route de Tarchich-Dahr el-Baïdar et d'autres routes de la Békaa seront également bloquées, a confié le frère d'un des otages à L'Orient-Le Jour. Lundi, et si l'atermoiement se poursuit, nous dresserons des tentes devant les maisons des ministres. Nos enfants ont le droit de connaître le sort de leurs parents. Nous espérons que les positions favorables de Walid Joumblatt et le fait que le chef du Hezbollah ait affirmé qu'il est en faveur de négociations avec les islamistes accéléreront les choses », a-t-il aussi dit, appelant à charger de nouveau le Comité des ulémas musulmans de l'affaire, « puisqu'ils ont déjà prouvé leur efficacité ».

Depuis les combats à Ersal, début août, entre l'armée et les jihadistes, une trentaine de soldats et policiers libanais sont retenus par les jihadistes sunnites ultraradicaux de l'État islamique et du Front al-Nosra. Trois soldats ont déjà été exécutés, dont deux par décapitation. Hier, certains otages détenus par al-Nosra ont pu s'adresser à leurs parents au moyen d'un enregistrement audio encourageant les parents à poursuivre leur mouvement de protestation « car les négociations ne sont pas encore entamées ». Des appels qui devraient servir selon le groupuscule à « faire pression sur le cabinet pour aboutir à un échange ». L'otage Georges Khoury a pour sa part appelé l'État à des « négociations sérieuses ».

(Lire aussi : Otages : les médiations se succèdent sans avoir démarré)

 

Les événements de Ersal bouleversent les négociations
« Je ne sais pas ce que les responsables attendent encore, pourquoi ils se sentent tellement en position de force et quelle carte ils comptent jouer, a confié de son côté Marie Khoury, sœur de l'otage, à L'Orient-Le Jour. Je ne sais même pas si l'on peut blâmer un gouvernement qui ne nous informe pas en tant que parents d'otages des négociations en cours. Nous sommes pourtant quasi sûrs qu'elles n'ont même pas été entamées, à en croire les enregistrements. Notre ultimatum de 48 heures se termine samedi et nous adopterons des mesures d'escalade. » Et d'ajouter : « Personne ne peut nous arrêter. Il est temps d'agir, d'autant que les ravisseurs ont réduit leurs revendications. Ils ne réclament plus le retrait du Hezbollah de Syrie ni la libération de Imad Jomaa. Aujourd'hui, ils demandent juste la libération des islamistes détenus depuis les incidents de Ersal. Mais il me semble que l'État n'accorde pas l'intérêt qu'il faut à l'affaire. Peut-être qu'il considère déjà nos soldats comme des martyrs. L'État a pris nos soldats en otage. »

Hier, le quotidien al-Akhbar (proche du Hezbollah) avait rapporté qu'un leader du Front al-Nosra a affirmé que « la décision de tuer un militaire otage n'a pas encore été prise », rejetant toutefois les négociations. « Nous leur avons fait porter l'habit de la mort, c'est le gouvernement qui les tue, a-t-il dit. Il n'y aura pas de négociations après ce qui s'est passé à Ersal », a-t-il ajouté, en référence aux arrestations en série effectuées par l'armée libanaise dans les camps des réfugiés à Ersal. Selon lui, les combats ont été intenses dans le jurd du Qalamoun durant les deux derniers jours et le Front al-Nosra aurait contrôlé plus d'une position-clé. Dans un enregistrement publié sur YouTube, Abou Malek el-Talla, « prince d'al-Nosra », a promis aux détenus islamistes à Roumieh qu'ils seront libérés bientôt. « Nos jihadistes sont par milliers dans tout le Liban et attendent le signal pour commencer les combats », a-t-il assuré. En soirée, un communiqué publié par al-Nosra a affirmé que le groupuscule refuse les négociations « tant que la situation à Ersal restera inchangée ».

Par ailleurs, des habitants du village de Ersal et des réfugiés syriens ont manifesté hier dans le village, arborant des slogans favorables à Daech et appelant Abou Malek el-Talla à « envahir Beyrouth ».
La veille, plus de 400 Libanais et réfugiés syriens avaient été arrêtés par l'armée à Ersal, sur base de renseignements obtenus par les services de sécurité et en prévision de travaux de sabotage qui devaient atteindre le village. Des sources politiques ont aussi estimé que l'armée tente de conforter sa position en prévision des négociations pour la libération des otages. Des notables de la ville ont pour leur part distribué des tracts dans lesquels ils ont appelé à « neutraliser Ersal et à ne pas s'ingérer dans l'action de l'armée qui protège le village ».

 

(Pour mémoire : Et si la coalition bombardait l'État islamique à l'intérieur du territoire libanais ?)


Des ulémas ont aussi dénoncé les attaques contre l'armée à Ersal qui ont été suivies par des perquisitions et arrestations de personnes soupçonnées d'être impliquées dans les combats contre la troupe. Appelant à ne plus permettre ce genre de débordements, ils ont également indiqué que des vieux et des malades se trouvent parmi les personnes interpellées par l'armée. « Notre problème n'est pas avec les Syriens, confiait de son côté le frère d'un soldat otage à L'Orient-Le Jour. Nous ne comprenons pas les attaques contre les réfugiés, surtout en ce moment critique. La Turquie a attendu que ses otages soient libérés pour décider si oui ou non elle participera à la coalition contre Daëch. » « Ce n'est pas le moment de faire empirer la situation », a-t-il noté.

À Tripoli, des manifestations de soutien aux réfugiés syriens
Dans ce contexte, des habitants de Bab el-Tebbaneh, à Tripoli, ont manifesté hier devant leur mosquée après la prière du vendredi contre les perquisitions et les arrestations opérées par l'armée, jeudi, dans les milieux des réfugiés à Ersal. Des drapeaux noirs arborant des slogans islamistes, notamment « Non à la décapitation de Ersal », étaient brandis par les manifestants qui se sont fait entendre dans plusieurs rues de la ville. Des sources militaires se sont déclarées « surprises » de ces slogans, affirmant que la troupe ne fait que son devoir de protéger la ville, où l'atmosphère était relativement calme hier.
L'armée libanaise avait déjoué jeudi soir une nouvelle tentative d'infiltration d'hommes armés dans le jurd de Ersal en direction du village, réussissant à stopper leur avance en utilisant artillerie et fusées éclairantes. Un nombre de blessés a été enregistré dans les rangs des jihadistes.

Sur un autre plan, les services de sécurité ont adopté des mesures exceptionnelles hier au sud du Liban afin de contrôler les sentiers menant vers Chebaa et d'empêcher l'afflux illégal de réfugiés, mis à part les cas humanitaires. Si l'armée craint une infiltration syrienne islamiste du côté de Chebaa, ces craintes sont confortées par les slogans tagués sur les murs de Hasbaya pour la seconde journée consécutive, appelant à l'avènement de l'État islamique au Liban.

 

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