Face à la barbarie des jihadistes du groupe Etat islamique, les musulmans d'Europe donnent de la voix. Deux initiatives, en Angleterre et en France, font notamment du bruit en cette fin de semaine.
Deux jours après la décapitation en Algérie d'un otage français par un groupe jihadiste, des personnalités musulmanes ont signé une tribune dans Le Figaro de vendredi proclamant leur solidarité avec les victimes de l'organisation Etat islamique (EI) et affirmant, en réponse aux menaces jihadistes : "Nous sommes aussi de +sales Français+".
"Nous, Français de France et de confession musulmane, tenons à exprimer avec force notre totale solidarité avec toutes les victimes de cette horde de barbares, soldats perdus d'un prétendu Etat islamique, et dénonçons avec la dernière énergie toutes les exactions commises au nom d'une idéologie meurtrière qui se cache derrière la religion islamique en confisquant son vocabulaire", écrivent-ils dans ce texte repris également à la Une de Libération. "Personne ne peut s'arroger le droit de s'exprimer en notre nom, et, pour mieux attester de notre solidarité dans les circonstances dramatiques actuelles, nous revendiquons l'honneur de dire que +nous sommes aussi de sales Français+".
EI avait lancé lundi un appel aux musulmans à tuer les "incroyants" et "en particulier les méchants et sales Français", deux jours avant que Hervé Gourdel ne soit décapité.
Un homme rendant hommage à l'otage français décapité, Hervé Gourdel AFP/JEAN-PIERRE CLATOT
Parmi les signataires de la tribune du Figaro figurent notamment le recteur de la mosquée de Lyon, Kamel Kabtane, le directeur de la publication de l'hebdomadaire Jeune Afrique, Marwane Ben Yahmed, ou encore la sénatrice socialiste Bariza Khiari.
"Certes, cette majorité de musulmans n'est pas toujours audible, faute d'avoir accès aux médias, ou dans l'incapacité de créer elle-même ses propres outils de communication, pour rétablir l'image déformée que l'on renvoie d'eux et qui en fait soit des jihadistes, soit des fondamentalistes mais jamais des citoyens ordinaires soucieux de vivre leur foi dans le cadre des lois de la République et de sauvegarder les traditions et les cultures qui constituent chaque citoyen français dans la diversité de ses origines", soulignent les signataires.
(Pour mémoire : Otage français décapité: la première communauté musulmane d'Europe "horrifiée")
Dans Libération, la sénatrice de Paris Bariza Khiari explique qu'"il y a tellement d'exactions au nom de l'islam qu'à un moment on se dit: il faut qu'on réagisse". Le président du Conseil français du culte musulman (CFCM), Dalil Boubakeur, a appelé "les musulmans et leurs amis" à se rassembler vendredi devant la Mosquée de Paris, en hommage à Hervé Gourdel.
Le Figaro a, par ailleurs, publié (puis retiré) un sondage en ligne qui avait suscité la polémique car appelant les internautes à se prononcer sur la question suivante : "Les musulmans de France manifestent-ils suffisamment leur opposition à la menace terroriste ?"
#NotInMyName
De l'autre côté de la Manche, des musulmans dénoncent également les actes des jihadistes et refusent que ces derniers s'expriment en leur nom. C'est avec un mot-dièse qu'ils le disent : #NotInMyName (Pas en mon nom). La campagne a d'abord été lancée par un groupe britannique, mais a très vite été reprise sur les réseaux sociaux, par des musulmans un peu partout dans le monde.
Dans une vidéo de l'ONG britannique "Active Change Foundation" (ACF) qui promeut l'intégration et la cohésion entre les communautés, les jeunes britanniques musulmans dénoncent les exactions commises par l'EI en Irak et en Syrie.
"L'EI ne représente pas l'islam ni les musulmans", dit-une jeune femme voilée. "Parce que (ce que l'EI fait) est totalement non-islamique", continue un jeune homme. "Parce que vous tuez des innocents", renchérit un autre s'adressant aux jihadistes. "Parce que votre leader est un menteur", dit encore une jeune femme. "Parce que votre califat ne représente pas la Oumma (communauté des musulmans, ndlr)", poursuit une autre. Cette initiative a été saluée mardi à New York par le président américain Barack Obama à la tribune des Nations unies.
Dans la vidéo qui a été vue plus de 180 000 fois sur YouTube, les jeunes Anglais brandissent une affiche blanche portant le hashtag #NotInMyName. Une image reprise sur Instagram, Twitter et Facebook.
ISIS, al-Qaeda. The Taliban and 9/11 do not represent me or my religion #notinmyname pic.twitter.com/E6ZvT8ZITk
— euro trash (@amelanutella) September 22, 2014
"L'ISIS, el-Qaëda, les Talibans et le 11-septembre ne me représentent pas et ne représentent pas ma religion", tweete une jeune fille qui semble basée à New York.
Sur Instagram, la blogueuse libanaise, Samar Youssef, a rejoint le mouvement. Confiant n'avoir jamais parlé de religion, elle écrit : "Aujourd'hui, je choisis de dire que je suis musulmane et je refuse d’être assimilée aux barbares de l'ISIS". (ISIS est une dénomination anglophone du groupe EI, ndlr)
"Mon nom est Yassine et je ne suis pas une terroriste".
Le fondateur de l'ACF avait été séduit par el-Qaëda
La campagne a été initiée par le fondateur d'ACF, Hanif Qadir, qui dénonce notamment le manque total de "compassion" des jihadistes de l'EI. Hanif Qadir, a lui-même été séduit par la propagande d'el-Qaëda en 2002, raconte-t-il dans un entretien avec l'AFP. Parti en Afghanistan pour y rejoindre un groupe lié à la nébuleuse d'Oussama Ben Laden, le Britannique avait immédiatement déchanté devant "l'hypocrisie" et "le manque de respect" des jidahistes vis-à-vis des civils et des personnes qu'ils étaient censés aider, dit-il. Désabusé par cette découverte, il était rentré au Royaume-Uni où il a fondé son association qui fait partie du Réseau européen pour la déradicalisation.
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commentaires (4)
QUEL RÔLE JOUENT LES ARABES ? CHACUN BOMBARDE LES EXTRÉMISTES DE L'AUTRE ? AU COMPTANT OU À CRÉDIT ?
LA LIBRE EXPRESSION
19 h 09, le 27 septembre 2014