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À La Une - Turquie

Dans la pagaille de l'exode des Kurdes de Syrie

"On s'est enfui à l'arrivée de Daech et on est arrivé à la frontière. Il y avait tellement de monde qu'on a perdu ma petite fille".

Jetés sur la route par l'avancée des jihadistes du groupe de l'Etat islamique (EI) sur Aïn al-Arab, des dizaines de milliers de Kurdes de Syrie se sont réfugiés ces derniers jours en Turquie. REUTERS/Stringer

Depuis l'aube, Osmane Sero fait les cent pas avec obstination devant la haie de gendarmes qui barre l'accès de la frontière turco-syrienne. Serrée dans sa main ridée, un passeport syrien et la photo d'identité d'une gamine de 5 ans, tout sourire dehors.

Jeté sur la route par l'avancée des jihadistes du groupe de l'Etat islamique (EI) sur Aïn al-Arab, le vieil homme a réussi à se réfugier en Turquie, comme des dizaines de milliers d'autres Kurdes de Syrie. Mais dans la pagaille qui régnait à la frontière, il a perdu la trace de sa petite-fille, Fatmah. Et il est épuisé.
"On s'est enfui à l'arrivée de Daech et on est arrivé à la frontière. Il y avait tellement de monde qu'on a perdu ma petite fille", dit Osmane, les yeux rougis de fatigue. "Son père et sa mère sont passés, moi aussi, mais elle, on ne sait pas".

Depuis, le vieil homme campe devant le point de passage de Yumurtalik, à une poignée de kilomètres à l'ouest de Mursitpinar. Un peu perdu au milieu de ce no man's land brûlé par le soleil et noyé dans la poussière, il répète inlassablement son histoire à tout ce qui ressemble à une autorité. Jusque-là en vain.
"Voilà, je suis ici au milieu de nulle part, sans rien à boire ni à manger", se désespère-t-il, "et la petite a besoin de médicaments et je ne sais même pas où elle est".

Soudain, Osmane se précipite une énième fois vers les gendarmes. A quelques mètres en retrait, un groupe de 300 réfugiés vient d'entrer dans l'enclos aménagé par l'agence gouvernementale turque en charge des situations d''urgence (Afad) derrière des barrières bleu police. La première fournée du jour.
De femmes, des vieillards et des enfants, pour l'essentiel. Les traits tirés par la fatigue mais soulagés, ils ont passé la nuit à quelques mètres de là, derrière les barbelés qui séparent les deux pays, dans le plus complet dénuement.

 

"Il fallait que je les ramène"
Après une première fouille pour s'assurer qu'ils n'ont pas d'armes, les autorités turques leur donnent de l'eau et prennent leur nom. Un recensement sommaire avant de les enfourner dans des minibus avec leurs baluchons, sous bonne escorte.

A quelques kilomètres de là, le parc de jeux Suleyman Sah fait office de gare de triage. Les réfugiés les plus chanceux vont y retrouver la famille turque qui va les héberger.
"On attendait de l'autre côté depuis trois jours. On était dans une situation terrible", raconte Ahmed Rashade. "Mais on a réussi à faire passer les enfants", se réjouit-il en serrant dans ses bras les petits blonds qui l'entourent. "Leur père est à Beyrouth, leur mère déjà à Gaziantep (Turquie), il fallait que je les ramène".

Mais tous n'ont pas la chance d'avoir un point de chute au nord de la frontière. Celal Hemze, sa femme et ses enfants dorment dans les champs depuis plusieurs jours et n'en peuvent plus.
"On vit dans des conditions terribles, les Turcs ne font pas grand chose pour nous", rouspète-t-il. "J'ai appelé ceux de ma famille qui sont encore à Kobané (le nom d'Aïn al-Arab en kurde) et je leur ai dit d'y rester. Ils y sont sûrement mieux que nous ici".

Coordinateur de l'Afad sur place, Fatih Özer concède bien volontiers que la situation n'est pas simple.
"Les entrées massives peuvent entraîner des problèmes et des risques. Mais depuis hier, nous avons installé un centre pour enregistrer toutes les arrivées", plaide-t-il, "nous avons accueilli un million et demi de Syriens depuis trois ans, nous avons donc l'expérience de ce genre de situation et j'espère que le monde entier appréciera l'ampleur de notre geste humanitaire".

Osmane Sero, lui, n'a toujours pas retrouvé Fatmah. Aucune trace de sa petite-fille dans le dernier flot de réfugiés qui a passé les barbelés de Yurmutalik. Mais le père de l'enfant, Hassan Sero, y croit encore. "Peut-être qu'elle nous attend ici en Turquie".

 

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Vrai drame pour un monde qui reste toujours bras croisés.

Sabbagha Antoine

19 h 19, le 22 septembre 2014

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  • Vrai drame pour un monde qui reste toujours bras croisés.

    Sabbagha Antoine

    19 h 19, le 22 septembre 2014

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