Des dizaines de familles de militaires enlevés par les jihadistes ont bloqué lundi plusieurs routes au Liban, dont un axe principal reliant Beyrouth à l'est du pays, pour réclamer la libération de leurs proches retenus en otages depuis début août.
Plus de 250 personnes rassemblées au niveau de Dahr el-Baïdar, sur la route de Damas, ont appelé à la démission du Premier ministre Tammam Salam et de son gouvernement "incapables de libérer nos fils et nos maris".
Des camions chargés de pneus ont convergé au niveau de Dahr el-Baïdar où la cargaison a été déchargée avant que les pneus ne soient brûlés, bloquant complètement la circulation dans les deux sens sur cet axe vital. La route du Qalamoun, au Liban-Nord, a aussi été bloquée à la circulation. La route de Dahr el-Baïdar a été rouverte en début d'après-midi après l'intervention auprès des familles du ministre de l'Intérieur Nouhad Machnouk et du leader du Parti socialiste progressiste (PSP) Walid Joumblatt.
(Lire aussi : La logique de l'affrontement est en marche)
Depuis les combats sanglants entre l'armée libanaise et les jihadistes ultra-radicaux à Ersal, dans la plaine orientale de la Békaa en août, une trentaine de soldats et policiers sont toujours retenus en otage. Trois d'entre eux ont déjà été exécutés par leurs ravisseurs du groupe de l’État islamique (EI, ex-Daech) et du Front al-Nosra (branche syrienne d'el-Qaëda).
Capture d'écran LBCI.
"Cet État ne nous représente plus"
Les manifestants ont accusé les autorités libanaises d'avoir échoué à obtenir la libération des militaires, sommant le gouvernement de répondre aux exigences des jihadistes de libérer des détenus islamistes à la prison de Roumieh.
"Le sang de nos enfants nous est cher", a déclaré l'un des manifestants.
"Je veux que mon fils unique rentre à la maison. Nous ne quitterons pas cet endroit à moins que les responsables politiques nous rencontrent et nous promettent que les otages seront libérés", a martelé un autre.
(Lire aussi : Le père de Mohammad Hamiyé : L'État est responsable de la mort de mon fils)
L'armée et les Forces de sécurité intérieure (FSI) se sont déployées en force dans la région pour éviter tout débordement.
"Cet État ne nous représente plus. Le gouvernement doit démissionner. Nous irons au domicile de chaque responsable politique qui refuse d'échanger nos fils contre des détenus islamistes", ont encore crié les manifestants, au milieu de femmes en pleurs.
M. Salam a promis à nouveau lundi de déployer tous les efforts pour obtenir la libération des militaires, tout en reconnaissant que l'affaire des otages était "compliquée". Samedi, le Premier ministre s'était rangé à l'avis du commandement de l'armée et des services de sécurité dans l'affaire des otages aux mains de l'EI et du Front al-Nosra. Il a demandé que tout le monde s'y rallie dans la lutte ouverte que le Liban mène contre le terrorisme. M. Salam a estimé que le Liban ne pouvait pas négocier sous la menace constante d'une liquidation des soldats et agents de la sécurité enlevés.
(Lire aussi : Joumblatt : D'accord pour un échange, à certaines conditions)
Les chefs des services de sécurité ont souligné pour leur part la nécessité de poursuivre la bataille contre les groupes jihadistes, et de refuser tout chantage et compromis dans l'affaire des soldats enlevés. De mêrme, le Hezbollah et le Courant patriotique libre (CPL, de Michel Aoun) ne veulent entendre parler d'aucune forme de bazar avec l'EI et al-Nosra. Le Hezb a d'ailleurs été ouvertement accusé hier par une partie des familles d'otages d'entraver les efforts en cours pour les libérer.
Amnistie générale
Dans ce contexte, l'armée a perquisitionné lundi les camps de réfugiés syriens dans la plaine de Jrebta à Laboué (Békaa), ainsi que dans les localités de Bazzaliyé, el-Aïn, Jaboula et Ras Baalbeck, à la recherche de suspects, rapporte la chaîne LBCI.
La troupe a en outre poursuivi ses bombardements contre les poches des jihadistes dans le jurd de Ersal.
Le comité des ulémas musulmans a de son côté appelé lundi lors d'une conférence de presse l'État libanais à "libérer tous ceux qui sont injustement détenus dans la prison de Roumieh ou à décréter une amnistie générale", afin de résoudre l'affaire des militaires.
S'adressant aux familles des militaires, les ulémas, qui avaient servi de médiateurs entre les jihadistes et l'État libanais avant de suspendre leur initiative, ont déclaré : "La solution n'est pas entre les mains du gouvernement libanais ni du gouvernement qatari, mais entre les mais de ceux qui bloquent les négociations à l'intérieur du cabinet", dans une allusion au Hezbollah. Selon les ulémas, "Ersal a fait tomber tous les masques et a démontré qu'une partie politique veut entraîner l'armée dans une confrontation avec la population".
Et à l'adresse des détenus islamistes, le comité a affirmé : "Nous aurions souhaité que vous retrouviez vos proches sans que quelqu'un soit décapité en votre nom".
Lire aussi
Salam : Non au chantage et au compromis
L'armée réaffirme son droit d'utiliser « tous les moyens » pour combattre les terroristes
Plus de 250 personnes rassemblées au niveau de Dahr el-Baïdar, sur la route de Damas, ont appelé à la démission du Premier ministre Tammam...
commentaires (5)
Le sang de nos enfants nous est cher mais aussi seuls l'armée et les Forces de sécurité intérieure devront libérer les otages .
Sabbagha Antoine
19 h 29, le 22 septembre 2014