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Mariages au Liban : fastes de cour et somptueuses cérémonies - Société

Mariages au Liban : fastes de cour et somptueuses cérémonies

La mode des mariages au Liban a évolué au cours des années. Aujourd'hui, les mariages sont devenus un véritable phénomène social, la plupart des couples cherchant à se dire « oui » lors de cérémonies grandioses qui créent un vrai business. Et si certains mariages peuvent parfois surprendre par leur grandeur, des couples aisés sollicitant souvent des professionnels de l'événementiel pour organiser la cérémonie, d'autres savent que les dépenses font mal mais trouvent quand même le moyen de s'offrir une journée de rêve.

Le plus beau jour d’une vie, et des mois de préparatifs... Photo Imad Maalouf

Se marier au Liban est souvent une laborieuse entreprise. Depuis la fin de la guerre, les mariages ont pris une nouvelle dimension qui ne cesse de prendre de l'ampleur. Cette tendance ne peut qu'embarrasser la mariée qui doit s'affairer, toute joyeuse, des mois durant pour préparer sa nuit de noces. Entre le choix du lieu de la cérémonie religieuse et celui de la réception dînatoire, il faut d'abord se soucier de ne pas trop déplacer les invités, surtout ceux qui doivent d'abord se rendre, protocole oblige, à la résidence du marié puis accompagner ses heureux parents vers la résidence de sa future épouse afin de se rendre plus tard au lieu de culte et à l'emplacement du dîner.

Ensuite, il faut se soucier des voitures du convoi marital, des fleurs, des centres de table, des couverts, de la disposition des tables, afin qu'aucun invité ne se sente à l'écart ou mal placé. La liste des invités, en elle-même, nécessite de nombreuses lectures et relectures. Amis d'enfance, amis intimes, parents proches ou lointains, collègues et connaissances réputées, il ne faut oublier personne, et surtout pas les amis des parents et tous ceux qui les ont, un jour, invités aux cérémonies de mariage de leurs nombreux fils et filles. En outre, le choix du menu impose de nombreuses dégustations au fil des mois précédant le jour J, de manière à opter judicieusement pour un dîner assis, un buffet international, un mezzé libanais ou une cuisine fine.

La robe de la mariée, par ailleurs, constitue pour beaucoup une clé essentielle pour la réussite d'une soirée de noces. Sans oublier le DJ, ou peut-être les artistes qui animeront le welcome drink et le dîner, la chorégraphie de la «zaffé» qu'il faudra choisir minutieusement pour ne pas basculer dans «le déjà-vu». Sans oublier également le gâteau de mariage, de préférence pas en sucre, qui clôturera la cérémonie de manière élégante. Les feux d'artifice et le cadeau de retour sont facultatifs.

(Lire aussi : Période de fiançailles et réflexions postmariage)

Un « wedding planner »

Pour préparer le plus beau jour de leur vie dont elles ont rêvé pendant des années, les mariées doivent donc se donner à plein temps et commencer les préparatifs six mois, ou même un an à l'avance. Les hommes, eux, doivent délier les cordons de leur bourse. Les frais des mariages sont en effet souvent exorbitants, un simple chignon ne coûtant trois fois rien un jour normal peut bien atteindre la modeste somme de 400 dollars sur la tête d'une mariée. Et pour éviter de trop se perdre dans l'organisation de l'événement et savoir contrôler ses dépenses, une mariée opte souvent pour l'assistance d'un «wedding planner». Ce métier est actuellement en vogue à Beyrouth, attirant des centaines de personnes travaillant dans l'événementiel, souvent de la gent féminine. Mais parmi celles-ci, quatre ou cinq se distinguent du reste de leurs collègues, du fait qu'elles ne se suffisent pas de planifier des mariages ordinaires, mais bien d'en faire de véritables festivités grandioses qui n'ont rien à envier aux plus grands mariages de Las Vegas et dont les frais atteignent parfois un million de dollars. Conceptions architecturales, imposantes créations lumineuses à couper le souffle, thèmes aboutis jusqu'aux moindres détails: tout y est pour immortaliser cette nuit de noces dans les esprits des invités qui en sortent souvent béats pour disséminer les détails de la soirée en société.

«Chacun peut planifier son mariage seul, mais nous, on en fait quelque chose de différent, explique Alain Hadifé, qui n'est plus à présenter dans le monde de l'événementiel et qui a organisé cet été les plus grands mariages de Beyrouth, allant même jusqu'à construire, il y a quelques semaines, un gigantesque mur bâti en orchidées pour le "welcome drink" d'un mariage qui a fait des jaloux partout dans le monde. Ce que l'on cherche dans les mariages que l'on organise, ce n'est pas simplement un thème, mais bien une ambiance qui reflète l'esprit des mariés et leur mode de vie; les invités sont généralement conquis. Quand des mariés nous sollicitent, nous posons d'abord énormément de questions pour mieux comprendre comment ils vivent. Peu de couples savent ce qu'ils désirent, mais nous trouvons une ligne conductrice maîtresse dans leur histoire pour imaginer leur mariage.»

« Chacun est libre de dépenser son argent comme il veut... »

Si peu de mariages au Liban tentent de sortir de l'ordinaire avec l'assistance de grandes entreprises événementielles qui, souvent, ne s'occupent que des mariages «medium to high», d'un budget dépassant les 150000 dollars, Alain Hadifé assure que les mariages qui coûtent un million de dollars représentent moins d'un pour cent des mariages au Liban. «La majorité des mariages coûtent entre 20000 et 40000 dollars, avec de nombreux "packages" offerts aujourd'hui, explique-t-il. Nombreux sont aussi les mariages dont le budget atteint le chiffre de 100000 dollars, mais les sommes colossales dépensées et les millions sont vraiment très rares.»

(Lire aussi : Une liste de mariage « pour ceux qui le désirent » et pour ne pas s'endetter)

«Il y a par ailleurs une exagération constante des chiffres au Liban où les gens aiment multiplier les chiffres par deux et trois», ajoute Alain Hadifé qui ne trouve pourtant pas «incorrects» les mariages aux frais exorbitants. «Chacun est libre de dépenser son argent comme il veut et chaque pays a sa jet-set, souligne-t-il. Il faut de tout pour faire un monde et partout dans le monde, les grands mariages existent. En Arabie, à Vegas et ailleurs. Mais là-bas, ils sont moins repérables car la société est plus grande et les invités sont moins nombreux, le nombre d'invités n'étant pas le critère pour juger la grandeur d'un mariage.

Par ailleurs, les mariages reflètent la société. Nous vivons dans un pays où les gens invitent et aiment être invités. Au Liban, c'est aussi le pays de "Je vois, je suis vu ; donc je suis", et il y a toujours eu de très grands mariages chez nous.»

Soucieux de mettre en exergue l'impact positif de ces grands mariages sur l'économie libanaise, Alain Hadifé tient à rappeler que des centaines de familles libanaises profitent de ces cérémonies. «Malheureusement, nous faisons face aujourd'hui à une mode nouvelle qui consiste à organiser ces grandes célébrations à l'étranger, et cela n'a rien à voir avec la situation sécuritaire ni économique, déplore-t-il. En 2014, de nombreux Libanais qui vivent au Liban ont voyagé pour se marier, dépensant ailleurs des sommes similaires à celles qu'ils allaient payer ici.»

«En juin seulement, 18 millions de dollars ont été dépensés de cette manière en dehors du pays», relève M. Hadifé, qui n'est pas pour autant fan des cérémonies extravagantes. «Le plus beau mariage n'est pas le plus cher. L'important pour un mariage, c'est qu'il soit authentique, même s'il est célébré dans un restaurant, confie-t-il à L'Orient-Le Jour. La société, quant à elle, ne dicte rien. Chacun est libre de créer sa propre bulle et d'imaginer son mariage comme bon lui semble. Certaines personnes veulent par ailleurs faire de grandes célébrations alors qu'elles n'ont pas les moyens. J'invite plutôt les Libanais à ne plus surveiller toujours ce que les autres font. Que chacun fasse ce qui lui plaît.»

(Pour mémoire : Au paradis du « mariage civil », Libanais ou Israéliens se disent oui...)

Des détails qui font la différence

À observer la transformation des mariages depuis les années 50 à nos jours, l'on serait tenté de s'interroger à quoi ressembleront les mariages du futur au Liban. Pendant de nombreuses années, le vin d'honneur dans la cour de l'église était la tradition, avant d'être remplacé par un cocktail, plus chic. Les années 90, quant à elles, ont connu la série inoubliable des cocktails autour des piscines, avant que la mode des dîners dans les hôtels, autrefois oubliée, ne refasse surface. Aujourd'hui, l'on croirait qu'il n'est plus convenable de dîner près des cuisines. La mode veut que l'on loue des endroits aménagés pour des mariages et que l'on sollicite un restaurateur pour la réception. Et avec l'usage excessif de tous ces lieux qui ne créent plus la surprise, les grands wedding planners cherchent à trouver, voire aménager, des lieux normalement inappropriés pour des mariages : une forêt de cèdres, des caves de vin, ou encore un yacht. Pour ces créateurs, les gens ont déjà tout vu. Il faut les surprendre et leur faire vivre une expérience originale en profitant de la technologie de pointe liée à l'éclairage et au son. Pour eux également, ce n'est pas en ôtant les étapes classiques d'un mariage, comme l'entrée d'une mariée, que l'on crée un « twist », mais bien en se souciant de certains détails.

«Il est possible bien sûr qu'il n'y ait pas de "première danse" ni que la mariée jette le bouquet, explique Alain Hadifé. Il n'y a pas de règles à suivre. Mais ce n'est pas nécessairement cela qui fera la différence. Il est vrai aussi que nous allégeons le fardeau des mariés et il m'est arrivé une fois d'organiser le mariage d'une femme avec laquelle j'ai échangé des e-mails sans la rencontrer, mais cela ne veut pas dire pour autant que nous intervenons dans tous les détails. L'agencement des invités sur les tables n'est pas de notre ressort, même si nous pouvons donner quelques conseils de protocole. Le choix du photographe, du chanteur et de la robe de mariée ne nous concerne pas non plus, à moins que les mariés demandent notre avis. Quant au fleuriste, au restaurateur et au designer du cake, nous avons notre liste très sélective», ajoute M. Hadifé, connu, entre autres, pour avoir organisé le mariage de la star Haïfa Wehbé.

Enfin, et si un couple qui sollicite un grand «wedding planner» doit être conscient du fait qu'il doit assumer une dépense supplémentaire pour payer ce dernier, il faut savoir que tous les organisateurs de mariages ne sont pas payés de la même manière. En effet, certains d'entre eux calculent leurs frais sur base d'un pourcentage fixe du coût du mariage, tandis que d'autres revendiquent un montant fixe qui peut atteindre, en moyenne, 15000 dollars, selon certains d'entre eux, interrogés par L'Orient-Le Jour. Sans oublier les petits «wedding planners» qui jouent plutôt le rôle de coordinateurs que le rôle de créateurs, ce qu'on pourrait appeler communément le «shopping wedding».

«Il y a plus de 450 wedding planners au Liban, conclut Alain Hadifé, mais nombreux sont ceux qui ne créent rien de nouveau, qui se ressemblent et qui n'y comprennent rien... Avec une tendance continue d'imiter et de copier des designs conçus par d'autres. D'autres aussi tentent de créer du nouveau, mais ne parviennent pas à survivre dans le domaine plus de trois ans car leur travail n'est pas basé sur une culture approfondie ni sur une étude de la demande du marché. Ils constatent que d'autres ont réussi dans le métier et s'y lancent tête baissée en pensant aux bénéfices qu'ils feront à court terme.» Typiquement libanais?


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commentaires (1)

Que du Bling Bling ridicule, mais tant mieux pour ceux qui peuvent se le permettre et qui font marcher les affaires par ces temps moroses économiquement....le comble est que les moins nantis se croient forcés d'imiter en s'endettant pour se marier en suivant cette vague imbécile ... quitte à manger du pain sec par la suite, ne pas savoir payer l'appartement, les meubles, l'école ni la voiture...Pauvre Liban

ELIAS NJEIM

13 h 18, le 22 septembre 2014

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Commentaires (1)

  • Que du Bling Bling ridicule, mais tant mieux pour ceux qui peuvent se le permettre et qui font marcher les affaires par ces temps moroses économiquement....le comble est que les moins nantis se croient forcés d'imiter en s'endettant pour se marier en suivant cette vague imbécile ... quitte à manger du pain sec par la suite, ne pas savoir payer l'appartement, les meubles, l'école ni la voiture...Pauvre Liban

    ELIAS NJEIM

    13 h 18, le 22 septembre 2014

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